Depuis quelques jours, toutes les villes d'Orlaïs vivent au rythme des voix des hérauts et des crieurs de rue, qui répètent comme une litanie les mêmes mots. "Orlaïs est en deuil. Notre bien aimé Empereur Jagan de Valmond de Val Royeaux a succombé à sa maladie. Sa fille unique, Celevina, prendra sa succession à la tête de la nation. Puisse-t-elle régner longtemps sous la protection Créateur !"

Et dans tout l'Empire, les grandes familles se pressent de proclamer leur allégeance à Celevina afin d'être le mieux vu possible. Les nobles bataillent sans relâche afin de s'assurer une place de choix à la Cour qui se forme petit à petit alors que dans l'ombre, Sebastian de Montmargue, le bien aimé oncle de la toute jeune future Impératrice, assure la régence et conseille du mieux qu'il le peut sa nièce, capricieuse et puérile.

Les délégations se bousculent et envahissent Val Royeaux alors que la veillée mortuaire touche à sa fin et que l'enterrement de Jagan ainsi que le couronnement officiel de Celevina doivent avoir lieu. Depuis le tragique évènement, la ville ne dort plus et une effervescence constante agite chaque quartier.  Car la mort de l'Empereur n'est pas uniquement un bouleversement pour les nobles, mais chaque tranche de la population y voit un espoir de pouvoir s'affranchir des dures lois sociales qui pèsent sur eux. Il se murmure que certains veulent profiter du chaos pour faire appel aux Corbeaux, et ainsi renverser le gouvernement. Simples conversations d'ivrognes ou réalité, seul l'avenir nous le dira.

Et au milieu de cette pagaille sans nom, la Garde des Ombres peine à se faire entendre. D'inquiétantes rumeurs concernant la présence de plus en plus nombreuse d'Engeances dans les Tréfonds pousse la Garde à enrôler de nouvelles recrues afin d'organiser des expéditions dans ces lieux maudits. Les plus pessimistes y voient les prémices d'un nouvel Enclin.

L'homme se stoppa net dans sa course folle. Il était fait comme un rat, complètement acculé au sommet de ce gouffre qui paraissait sans fond.  "Ton chemin s'arrête ici l'apostat !" tonna la voix du templier derrière lui. Les plaques de métal des armures de ses poursuivants s'entrechoquaient alors qu'ils se rapprochaient. Le mage, complètement essoufflé, considérait ses options qui, il fallait l'avouer, n'étaient pas bien nombreuses. Faire le grand saut et mourir sur le coup ou se rendre bien sagement au risque de se faire exécuter sur place ou de finir sa vie comme un vulgaire apaisé. Non ! Avec un dernier cri de désespoir, il tira sa dague de sa ceinture et s'entailla la paume de la main en se retournant brusquement vers ses agresseurs. Avant que ces derniers n'aient le temps de faire quoi que ce soit, ils se retrouvèrent à terre, propulsés par une puissante onde de choc. Le maléficien se rua sur le premier templier à sa portée, et lui planta sa dague dans le cou, transformant le cri de surprise poussé en un gargarisme immonde. Le sang chaud du pauvre homme gicla sur son visage, tandis qu'il s'imprégnait de la force vitale qui quittait son corps.

Un autre templier s'était relevé et fonçait sur l'apostat, lâchant un cri de rage en brandissant son épée. Alors qu'il s'apprêtait à abattre son arme sur sa cible, il se retrouva de nouveau projeté en arrière, sa tête allant cogner violemment contre une roche au sol. Sa vision se brouilla, et tout ce qu'il pouvait dorénavant capter étaient les cris environnants, et les bruits des combats. Un à un, il voyait ses compagnons tomber face à la colère du maléficien. Reprenant peu à peu ses esprits, il se releva tant bien que mal, avant de récupérer son arme et se diriger vers l'endroit où se déroulait à présent le combat. Ils n'étaient plus que trois à tenir tête au fugitif et à résister difficilement à ses assauts. Alors qu'il rassemblait ses forces pour lancer un nouveau sort et se débarrasser de ses assaillants, une main puissante lui attrapa l'épaule juste avant qu'une lame ne lui transperça le corps.  "C'est terminé..." lui susurra le templier en enfonçant encore un peu plus l'objet dans le dos avant de le pousser en avant, le faisant tomber à genoux. Alors que son meurtrier levait son épée pour porter le coup fatal, l'apostat ferma les yeux. "… libre..." murmura-t-il tandis que la lame s'abattait sur lui, mettant un terme à sa petite rébellion.

Les templiers pouvaient souffler pour ce soir et enterrer leurs morts. Il leur restait encore des mages à arrêter. C'était le troisième qu'ils parvenaient à stopper depuis l'évasion massive qui avait eu lieu à la tour, une semaine auparavant. Bien sûr, le plus gros des troupes était actuellement à Val Royeaux pour le sacre de l'impératrice, question de sécurité.

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Il y a quelques jours de cela, la tour des mages de Montsimmard a connu un drame sans précédant. Profitant du désordre causé par la nouvelle toute fraîche de la mort de l'empereur, certains mages réfractaires ont unis leurs forces pour prendre la fuite. La journée avait pourtant commencé normalement, chacun vacant à ses occupations. Alors que tous étaient convoqués dans la chapelle pour l'annonce de la tragédie qui touchait le pays, une terrible explosion se produisit dans le laboratoire laissé sans surveillance. Il semblerait effectivement qu'un groupe dissident ait prévu un plan évasion depuis un moment déjà, et n'attendaient plus que le bon moment pour passer à l'action. Ils profitèrent du chaos causé par leur sort pour prendre la poudre d'escampette, suivis par quelques opportunistes. Dès lors, l'ordre fut donné. La chasse aux maléficiens était ouverte.