Emeric n'avait pas eu de nouvelle d'Ysaliss en se rendant à la capitale Orlésienne. Cela ne le désespérait pas, mais avoir un quelconque indice l'aurait bien aidé. Il ne voulait donc pas rester à la capitale trop longtemps afin de se rendre dans d'autres villes et villages. Toutefois, il restait une dernière nuit à la capitale avant de repartir lorsque le soleil se levait. Ainsi, Emeric partait à l'aurore. Très peu de personnes des habitués dans l'auberge où il logeait l'avaient vu partir. Bien entendu, il avait payé l'aubergiste avant de partir.

Il n'avait pas de cheval, juste ses bottes et son courage à revendre. C'est ainsi qu'il pensait et qu'il continuait de penser durant son voyage. La plupart de son voyage se passaient bien. Il faisait des petites haltes la nuit en se reposant un minimum afin de ne pas être trop pris par surprise au cas où des ennemis roderaient dans le coin. Pour cela, même si ce n'était pas très conseillé, il gardait un feu de camp allumé la nuit afin de voir autour de lui dans un petit rayon. Lui permettant ainsi de voir si des rôdeurs ou créatures s'approchaient.

Rien de bizarre ne se passait durant la moitié de son trajet en direction du Sud. Ce n'était que durant la moitié de la deuxième partie de son trajet qu'il fut surpris par une embuscade avec des brigands. Ces manants ne se doutaient pas sur qui il tombait et bien qu'il voulait se retenir, ce n'était pas dans ses habitudes de sous-estimer les personnes venant lui chercher querelle. Cette embuscade avait d'ailleurs été intéressante, mais les mécréants n'avaient pas eut de chance. Après cette... Altercation, Emeric ne rencontrait plus personne. Exception faite de quelques marchands ambulants qui se rendait dans une ville portant le nom de Verchiel. Ne connaissant pas ce lieu, il demandait s'il pouvait monter avec eux. Ceux-ci acceptaient. C'est ainsi que son trajet se terminait en direction de Verchiel, porté sur une charrette.

Durant son trajet, il demandait au marchand s'il n'avait pas entendu parler d'Ysaliss. Emeric la décrivait et d'après lui, il aurait des chances d'avoir des indices sur elle à Verchiel. Cette nouvelle lui redonnait un élan d'espoir et il remerciait le marchand une fois arrivé à l'entrée de la ville. Celui-ci lui indiquait même où se trouvait la taverne. Emeric le saluait et il s'y rendait de se pas. Il marchait et passait à côté des gens vaquant à leurs occupations dans les rues de la ville jusqu'à voir la taverne. Il passait donc la porte et en regardant les tables, il remarquait Ysaliss. Emeric croyait au début rêver, mais s'était bien elle. Elle jouait au dé.

Emeric demandait un verre d'alcool à la serveuse avant de rejoindre Ysa et il souriait. Il marchait tranquillement et il écoutait ce qu'il se disait.

- ... Tu as triché voleuse, rends-moi mon argent tout de suite!!

L'auberge de Verchiel était pleine à craquer. Les rires fusaient çà et là, les gens s'interpelaient entre eux, discutaient fort et semblaient passer un bon moment dans cette large pièce pourvue de nombreuses tables et chaises. En ce début d'après-midi, Ysaliss avait décidé de s'échapper quelques instants pour se mêler aux habitants de cette ville qu'elle commençait à vraiment apprécier. Elle s'y sentait chez elle et plus les jours passaient, plus ce sentiment se renforçait. Son amant, Uther, baron en charge de la petite cité, avait des obligations qui requéraient sa présence et il lui avait certifié qu'elle pouvait en profiter pour prendre l'air ou s'occuper comme elle le souhaitait.

C'était donc ainsi que ses pas l'avaient naturellement portée jusqu'aux portes de la taverne. Aillant été partiellement élevée dans semblable établissement à Kirkwall, la jeune femme aimait venir s'assoir à une table de l'auberge, nommée 'Le passe-temps' en raison des nombreux voyageurs de passage qui venaient s'y reposer et restaurer avant de reprendre la route, bien souvent en direction de Val Royeaux. Cela faisait un petit moment qu'elle fréquentait l'établissement de façon régulière et il lui était arrivé de donner un coup de main lors de certaines soirées. Aussi lorsqu'elle entra, Justine, la femme de l'aubergiste, la salua d'un hochement de tête et d'un petit sourire. Ici, la jeune marchéenne n'était pas la compagne nouvellement arrivée du baron de Verchiel, mais Ysa, une simple voyageuse installée ici depuis peu et elle aimait cette simplicité.

Levant un index à l'intention de la tenancière, elle lui signifia ainsi qu'elle désirait une chope de bière, comme à son habitude. La jeune voleuse se contentait de ce signe rapide car le brouhaha ambiant empêchait une conversation normale de se tenir à moins d'élever de la voix. Une fois servie, elle sortit une piécette d'une des pochettes de cuir qui pendaient à sa ceinture, avant de rejoindre une table libre dans le fond de la pièce. La cheminé n'était pas très loin et un bon feu y ronflait, réchauffant doucement la jeune marchéenne qui ôta sa lourde pelisse. La laissant retomber sur le dossier de sa chaise, elle rangea la vieille fibule de métal qui avait appartenue à son père et qui lui servait à attacher le col de l'épaisse cape avant d'ôter ses gants. Les poussant sur le côté de la table, elle prit une première gorgée de bière puis reposa la chope près de ses gants pour finalement sortir cinq dés de pierres d'une des pochettes de cuir qui lui ceignaient la taille.

C'était le signal que les habitués attendaient et l'un d'entre eux, un vieux paysan aux tempes grisonnantes et aux yeux clairs nommé Geoffrey, s'approcha du siège libre de l'autre côté de la table. Dût à son âge, c'était toujours le premier à venir défier la jeune femme lorsqu'elle arrivait au 'Passe-temps'. S'installant face à elle, il posa une unique pièce d'or sur la table et attendit qu'elle fasse de même pour commencer le jeu. La partie fut serrée et elle la perdit, plus pour laisser le vieil homme gagner que pour remporter la mise. Elle n'avait pas vraiment besoin d'argent et elle savait que Geoffrey avait une grande famille à nourrir. L'hiver était bien entamé et le vieux paysan n'avait pour le moment aucun moyen de subvenir aux besoins de ses enfants et petits-enfants. C'était donc plus par bonté d'âme qu'Ysaliss avait laissé son adversaire gagner.

Une fois qu'il eut libéré la place, une femme prit place face à la jeune voleuse et l'après-midi s'enchaina ainsi, telle une scène répétée et jouée à de nombreuses reprises. Ysaliss gagnait parfois, perdait aussi, mais elle jouait pour le plaisir et non pour l'argent. Alors qu'elle terminait sa sixième partie, un voyageur, qu'elle n'avait encore jamais vu, vint prendre place face à elle et plaça la mise réglementaire de départ entre eux, sans un mot. Respectant son silence, elle posa elle aussi l'argent au centre de la table avant de le laisser commencer. L'auberge était plus calme maintenant et elle appela Justine pour que celle-ci lui resserve une pinte. Lorsque le message fut passée, elle fit rouler ses cinq dés sur la surface de bois et contempla le résultat. Elle n'avait pas grand-chose, une petite paire de trois qui ne la feraient surement pas gagner. Ne connaissant pas l'homme face à elle, elle était décidée à ne pas lui offrir le plaisir de remporter la mise et elle tenta le tout pour le tout.

Une fois qu'il eut relancé ses dés, elle fit de même, cassant ainsi sa paire en priant pour obtenir un meilleur score. Son adversaire venait d'obtenir une double paire de deux et de cinq et la jeune voleuse se dit qu'elle aurait peut-être dût conserver sa paire de trois. Mais les jeux étaient faits et elle regarda les petits cubes de pierres rouler sur la table. Lorsqu'ils s'immobilisèrent, elle remarqua qu'un des dés était 'cassé', c’est-à-dire en équilibre contre une planche de la table, inégale. Malgré tout, elle venait d'obtenir un brelan composé de deux quatre et trois six. Elle remportait la manche. Tendant sa main vers le centre de la table, elle s'empara de la mise avec un petit sourire.

"Je vois que la chance me sourit aujourd'hui, étranger" lui dit-elle, amusé par le résultat de la première manche.

Mais le voyageur ne l'entendait pas de cette oreille et il attrapa le bras de la jeune marchéenne d'un geste vif.

"Ton dé était cassé, tu as triché voleuse, rends-moi mon argent tout de suite!" s'exclama-t-il alors, mécontent.

Fronçant les sourcils, Ysaliss se dégagea de sa prise avant de se pencher brutalement sur la table, attrapant l'étranger par le col dans un geste vif et rapide qui démontrait son agilité. Elle réagissait rarement ainsi, mais elle n'aimait pas être traitée à tort de tricheuse. Voleuse passait encore, mais tricheuse, à ça non !

"Je te suggère de retirer tes propos tout de suite, l'ami !" l'avertit-elle, les dents serrées. "Ici, lorsqu'un dé est cassé, on ne relance pas. C'est la règle !"

La voix de la jeune voleuse était basse et lourde de menaces bien que dénué de provocations directes. Plantant son regard dans celui du voyageur face à elle, elle le relâcha avant de tourner son attention vers l'argent qui se trouvait toujours sur la table et de le pousser vers la petite pile de ses gains de la journée.

"Si nos règles ne te conviennent pas, je te conseil de trouver un autre endroit où jouer. lui dit-elle, le visage impassible. "Dans le cas contraire, j'attends ta mise pour la seconde manche."

Voyant que tous les clients de l'auberge avaient leurs yeux rivés sur lui, l'étranger maugréa entre ses dents puis se leva et récupéra ses affaires sans plus un mot avant de sortir de la taverne. Ysaliss le suivit des yeux et, lorsqu'il fut partit, elle reporta son attention sur un client qui se tenait debout à quelques pas d'elle. Il la fixait du regard et les yeux de la jeune marchéenne s'agrandirent de surprise lorsqu'elle le reconnut. Emeric Hayes… Mais qu'est-ce qu'il faisait là ?