Mance ne parle pas de lui. On ne peut pas dire jamais mais disons qu’il le fait très rarement. Pour qu’il en vienne à se confier, il faut qu’il ait véritablement confiance en la personne avec qui il est en train d’échanger sinon, il ne dira rien. Pour beaucoup, Mance est un type qui s’est retrouvé dans la Garde des Ombres après avoir assassiné plusieurs types qui ont essayé de lui faire la peau. Son passé ? Allez savoir : il était peut-être un voleur ou encore tout autre chose. De la famille ? Aucune idée mais cet homme, il est peu probable qu’il ait une famille. C’est ce qu’on croit. C’est ce qui se dit mais une fois n’est pas coutume, sa véritable histoire va être couchée sur du papier. Un papier qui finira brûlé, sans aucun doute, pour que l’histoire elle-même ne soit connue de personne.

Mance a vu le jour il y a quarante et un ans de cela, dans la province d’Orlaïs au sein de la cité de Combrelande. Son père était forgeron et sa mère couturière. Ce qu’il sait d’elle, il le sait grâce à ce que son père et son frère aîné ont pu lui raconter car la mère de Mance est morte en lui donnant la vie. Lorsqu’il a été en âge de comprendre ce fait, il a d’abord eu beaucoup de mal à l’accepter. Longtemps, l’enfant s’est senti coupable de la disparition de sa mère puis, avec le temps, il a terminé par comprendre qu’il n’était pas responsable, que ce qu’il s’était passé n’était pas de sa volonté. Son père ne s’est jamais remarié et peut-être Mance a-t-il manqué d’une présence féminine mais il a fait sans. Après tout, il n’avait pas le choix. Dès qu’il a été en âge d’apprendre, son père a enseigné à Mance tout ce qu’il savait sur le métier de forgeron et à l’époque, le jeune garçon a appris sans grande difficulté, particulièrement appliqué et soigneux dans son travail. C’était là des qualités que son père appréciait, entre autres parce que le frère aîné de Mance en manquait un peu. Disons qu’il était moins calme que Mance, plus brutal parfois sans pour autant manquer de cœur.  C’était d’ailleurs une chose que les deux frères avaient en commun : leur cœur, leur sensibilité, leur générosité. Avec cinq ans de différence, les deux frères s’entendaient plutôt bien même s’il leur arrivait souvent de sa chamailler, comme dans de nombreuses fratries. Au fond, les quelques disputes n’avaient pas de réelle importance : il existait un véritable lien entre eux. Tous deux décidés à faire perdurer la forge familiale, ils ont très mal vécu la disparition de leur père alors que Mance était âgé d’à peine dix-sept ans. Une vilaine blessure s’est infectée et malgré les herbes et autres plantes utilisées la mort l’a emporté.

C’est à ce moment-là qu’a débuté une nouvelle vie pour Mance.

Désormais, il lui fallait se montrer davantage responsable, tout comme son grand frère mais c’était plus aisé pour lui que pour Mance qui était plus jeune. Oh à bien des égards il était déjà un homme mais son modèle de toujours ayant disparu. Son pilier s’étant évaporé, il a été difficile pour Mance de trouver sa place et de se reconstruire de nouveaux repères. C’est avec l’aide de son frère aîné qu’il y est parvenu et l’homme en devenir est devenu homme véritable, plus fort, plus courageux. En compagnie de son frère aîné, Mance a continué à développer la maîtrise du maniement de l’épée jusque-là enseignée par son père. La réputation de la forge familiale n’a pas souffert de la mort du père de Mance car les deux frères ont su mettre en pratique ce qu’ils ont appris et ils ont su se montrer dignes de leur père. Ainsi, les années ont passé jusqu’à ce que Mance rencontre celle qui allait devenir sa femme : Shea. Il a rencontré la jeune herboriste au coin d’une ruelle et à l’instant où il a croisé son regard il a su qu’il ne voudrait personne d’autre qu’elle. Oh il avait partagé sa couche avec des femmes mais aucune n’avait su lui ravir son cœur alors que Shea, en un regard… Cela n’a cependant pas été aisé. La jeune femme s’est montrée très difficile à courtiser. Elle avait un caractère assez particulier et son attitude parfois trop masculine était souvent montrée du doigt par les autres car les jeunes femmes ne devaient pas se comporter de la sorte mais Mance, lui, trouvait ça encore plus séduisant justement : elle n’était pas comme les autres. Alors, quand elle a fini par céder, quand elle lui a avoué qu’il avait volé son cœur comme elle avait volé le sien, c’est un second souffle qui a été donné au forgeron. De l’amour, encore de l’amour, toujours de l’amour. Il n’y aurait pas pensé et pourtant, c’était là, c’était sa vie. Il aimait Shea plus que de raison et même si être aux côtés de la femme qu’il aimait l’avait éloigné un peu de son frère aîné, ce dernier était heureux pour Mance et secrètement, il aspirait au même bonheur. Que dire donc du moment où Shea a réalisé qu’elle portait la vie en elle ? Chaque jour qui passait, Mance voyait le ventre de Shea s’arrondir et il a fini par sentir le petit être à travers le vendre arrondi de son épouse. Il avait hâte… Il avait tellement hâte de pouvoir tenir ce petit être dans ses bras, d’être père à son tour. Fille ou garçon, cela lui importait. Tout ce qu’il voulait, c’était que le bébé soit en bonne santé. Heureux et en bonne santé. Tous les trois.

Une chimère. Un rêve éphémère qui a pris fin le jour de l’accouchement.

Shea est morte en couches, le bébé avec. C’est durant le travail qu’on s’est rendu compte que le bébé n’était pas dans une bonne position. Plus le temps passait, plus Shea se fatiguait et elle saignait beaucoup trop. On a emmené Mance à part, on lui a expliqué qu’il fallait essayer de tourner le bébé mais que ça allait faire terriblement souffrir Shea. Mance a employé exactement les mêmes mots auprès de Shea pour lui expliquer la situation alors qu’elle était en sueurs et qu’elle palissait à vue d’œil. Il fallait passer par là, il fallait qu’elle souffre mais cela allait permettre de replacer le bébé et ainsi, elle allait pouvoir enfin accoucher et tout irait bien. C’était ce qu’il croyait. Les cris de Shea ont été entendus très loin tant elle a souffert quand on a retourné le bébé et après, quand il a fallu pousser encore, elle a fait preuve de beaucoup de courage. Elle a poussé et le bébé a fini par enfin arriver. A ce moment-là, Mance a regardé la sage-femme, il a regardé l’enfant inanimé qui ne pleurait pas et dont la couleur de peau ne laissait rien présager de bon. C’est un hochement négatif de la tête de la sage-femme qui a confirmé l’horrible réalité à Mance. Il n’a pas pu ravaler ses larmes et lorsqu’il s’est tourné vers Shea pour lui annoncer la terrible nouvelle, il n’a plus vu ses yeux à elles. Il n’a plus vu que deux yeux aux prunelles voilées, vides de toute vie, fixant le néant. Il a glissé sa main sur la joue de sa femme, a observé sa poitrine et s’est rendu compte qu’elle ne se soulevait plus. C’en était terminé. Mance était encore lui quand il est sorti de la chambre et quand il s’est effondré dans les bras de son frère aîné. Il était encore lui quand il a enterré ses deux amours.

C’est après qu’il s’est complètement et définitivement perdu.

L’alcool, les femmes, les bagarres… Mance n’était plus que l’ombre de l’homme qu’il avait été. Oh il continuait d’accomplir son travail, il était toujours un excellent forgeron mais n’était jamais plus qu’une coquille vide qui faisait ce qui devait être fait, rien de plus. L’alcool, les femmes et les bagarres, c’était juste pour réussir à se sentir vivant et cela fonctionnait bien même si cela ne durait que peu de temps. La pente sur laquelle il glissait est devenue plus pentue encore lorsque son frère a rencontré puis épousé une femme. La pente est finalement devenue impossible à arpenter lorsque sa belle-sœur est tombée enceinte : c’était plus que Mance ne pouvait supporter. C’est pour cela qu’il a pris la route l’année de ses trente ans. Il a décidé de tout abandonner et de partir sans regarder derrière lui. Recommencer ailleurs ? Il n’était pas certain de pouvoir y arriver mais il était sûr qu’il ne pouvait réussir à continuer à vivre à Combrelande. Il a donc fait ses adieux à son frère, à sa belle-sœur et s’en est allé. Sur le chemin, en traversant les grandes plaines, il est tombé sur une bande de brigands qui ont voulu essayer de le déposséder du peu qu’il possédait. Il n’avait pas grand-chose mais il était hors de question de se laisser faire et il s’est défendu. En réalité, il n’a pas fait que se défendre : il a même poursuivi ceux qui ont finalement pris la fuite pour les éliminer. Une folie meurtrière s’est emparée de lui ce jour-là. Sa plus grande part d’ombre a pris le dessus sur l’homme qu’il avait été jadis. Il a cependant récolté une vilaine blessure au flanc droit. Il a essayé de s’en sortir seul et après quelques heures, il a fini par trouver refuge dans une bâtisse visiblement abandonnée. Ce qu’il ne savait pas, c’est qu’il était suivi de près par la Garde des Ombres. Il a bien essayé de se défendre face à eux quand ils sont venus le chercher mais il a vite été happé par le néant. Lorsqu’il est revenu à lui, on lui a expliqué la situation : il avait tué, de sang-froid, mais plutôt que de le faire enfermer, il avait été décidé de faire de lui un Garde. Etrangement, l’idée ne lui a pas semblé si folle que cela et il n’a même pas cherché à protester.

C’était la nouvelle existence dont il avait voulu.

Ce qu’il savait du maniement de l’épée n’était rien comparé à ce qu’il a appris par la suite. Il est véritablement devenu maître en la matière, se servant de son épée avec une force et une agilité à toute épreuve. Il a même excellé, avec le temps, dans le maniement des dagues. Puis, quand est venu le moment du Rituel, il est allé s’y confronter sans ressentir la moindre peur : que pouvait-on bien faire pour le tenter lui qui n’avait plus rien et qui ne voulait plus rien ? Ce jour-là, il s’est rendu compte qu’il avait su mettre derrière lui sa colère et qu’il ne subsistait de cette colère que la culpabilité d’avoir pris la vie de tant d’hommes juste parce qu’ils avaient essayé de le voler. Il est officiellement devenu un Garde. C’en était terminé de la jeune recrue, il était ce pour quoi il était né : il en était persuadé. Protéger le peuple des Engeances est devenu sa raison de vivre et c’est pour ça qu’il accomplit son devoir depuis près de onze ans sans jamais faillir. A-t-il oublié ceux qui sont aujourd’hui sa seule famille ? Non, il ne les a pas oubliés. A plusieurs reprises, il a été les observer en secret. Il a vu son frère, sa belle-sœur, il a vu son neveu. Il les a vus heureux et a été heureux pour eux. Il est heureux pour eux et il est plus que jamais décidé à les protéger, eux aussi, de ce qui se profile à l’horizon et qui assombrit le ciel.

PSEUDO ☩ BereniceWCL AGE ☩  COMMENT AVEZ-VOUS DÉCOUVERT LE FORUM ? ☩ Je l'avais gardé dans mes favoris après être partie  FRÉQUENCE DE CONNEXION ? ☩ J'pointerai ma tête tous les jours et un à deux RP par semaine. CRÉDITS IMAGES ☩ Moi, moi, moi, toshop et moi aussi. Oh et le SDA aussi.

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