C'est une histoire qu'on a sans doute déjà entendue car d'autres en ont vécu une semblable. C'est une histoire qui ressemble à bien d'autres histoires. C'est pourtant son histoire.


On murmure quand on passe près de cette maison qui tient debout par on ne sait quel miracle. On murmure parce qu'on sait que l'elfe qui était père de famille est mort il y a de cela quelques jours, assassiné. Par qui ? Pourquoi ? Nul ne le sait en vérité. On a juste retrouvé son corps dans une ruelle. Les détails ont été épargnés à la femme avec qui il partageait sa vie ainsi qu'à leur enfant. Il faut surtout épargner l'enfant, c'est ce qui se dit. Cependant, à l'intérieur de cette maison, l'enfant n'est pas épargné, au contraire. Il ne subit pas de coups, il ne subit pas de réprimandes, il subit une profonde indifférence. A l'instant où la mort de son père a été annoncée à sa mère, il est devenu invisible et il attend, sagement, que sa mère sorte de sa léthargie pour s'occuper de lui. Il attend qu'elle se souvienne de lui parce qu'il a l'impression, oui, qu'elle l'a oublié. Il attend, assis sur ce qui lui sert de couche, ses petites mains posées sur ses genoux aussi frêles que le reste de son corps. Il attend, encore, et encore mais il arrive un moment où il a tellement faim qu'il en a mal partout. L'enfant a toujours vécu dans la pauvreté, certes, mais il a toujours eu à manger, toujours, parce que ses parents on fait en sorte qu'il soit prioritaire et qu'il puisse manger, pas forcément à sa faim, mais manger malgré tout. Il voudrait être un bon garçon et rester sagement là où il se trouve, il voudrait laisser sa mère tranquille parce qu'il sait qu'elle est triste. Lui-même est triste parce qu'il a bien compris qu'il ne reverrait jamais son père. D'ailleurs, juste à côté de lui sur la couche se trouve la besace en cuir récupérée sur le corps de son père : c'est la seule chose qu'il lui reste de lui. Il aimerait pouvoir laisser sa mère pleurer en paix mais il a faim l'enfant, il a faim. Il a mal. Il n'en peut plus. Alors, il finit par se relever, saisissant au passage la besace en cuir et une fois debout, il vacille un peu : il est faible et il a peur car il ne s'est jamais senti comme ça. Il s'avance sur le sol crasseux et boueux de la maison jusqu'à se retrouver dans la pièce principale où sa mère est assise par terre. Elle fixe le vide droit devant alors que sur ses genoux sont posés des vêtements qui appartiennent à son père. L'enfant reste un instant à la regarder et s'il a mal au corps de ne pas avoir mangé depuis un moment, il a mal au cœur en voyant sa mère dans un tel état. La faim est tellement forte cependant qu'il finit par entrer à l'intérieur de la pièce.

« Maman... » qu'il murmure tout bas. La voix du gosse est nouée. « Maman ?... » répète-t-il et là, elle tourne son visage vers lui.

Il y a un long silence durant lequel la mère observe l'enfant de ce regard étrangement vide auquel l'enfant n'est pas du tout habitué. Puis, il voit la tristesse et le désespoir se peindre dans les yeux de sa mère et les larmes lui montent aux yeux.

« C'est fou comme tu lui ressembles... » dit-elle la voix tremblante avant de tendre la main en direction de l'enfant pour l'inviter à s'approcher d'elle.

Il s'exécute, ses petits doigts se resserrant autour de la besace en cuir. Lorsqu'il arrive à hauteur de sa mère, cette dernière se redresse à peine et vient poser sa main sur la joue glacée de l'enfant. Le sourire qui étire ses lèvres est d'une tristesse affligeante.

« Surtout tes yeux... J'ai l'impression que c'est lui qui me regarde... » ajoute-t-elle en plongeant son regard dans celui de l'enfant.

Il est vrai qu'il a les yeux de son père : on lui a toujours dit, il en est conscient.

« Et ça me fait du mal... » termine par dire la mère alors que son sourire se tord en une grimace de douleur et de tristesse.
« J'suis désolé maman... » dit l'enfant à voix basse.

Sa maman souffre à cause de lui, elle vient de le dire mais il ne veut pas qu'elle souffre par sa faute. Il aimerait qu'elle ne souffre pas mais il ne sait pas quoi faire pour ça. Il est impuissant. Sa mère secoue doucement la tête avant de venir prendre l'enfant dans ses bras et de le serrer si fort que ça fait mal. Ou alors est-ce parce qu'il n'a pas mangé depuis plusieurs jours qu'il a autant mal ? L'enfant se laisse cependant faire parce qu'il en a rêvé de ce contact, il en a rêvé des bras de sa mère.

« C'est moi qui suis désolée... Je suis désolée de ne pas être assez forte pour ça... Je ne peux pas... » dit la voix éteinte de sa mère et l'enfant ne comprend pas de quoi elle parle. « Je te demande pardon... » ajoute-t-elle à l'oreille du garçon avant de se mettre à pleurer et lui, de se blottir davantage dans les bras de sa mère.
« J'ai faim maman... » dit-il d'une petite voix.


Les deux adolescents sont assis au sol de la chambre de la demoiselle. La nuit est bien avancée mais il n'est pas rare que Venance se faufile dans la chambre de Jehane pour discuter avec elle, ou parfois même simplement la tenir dans ses bras et profiter du calme et du silence. Dans ces moments-là, si on les surprenait, on pourrait se méprendre sur leur relation alors qu'ils ne sont pas amants. Jehane est la sœur que Venance n'a jamais eue. Jehane, c'est sa lumière, son soleil, c'est ce qui lui permet de continuer à se lever chaque jour et à accepter ce qu'est sa vie parce qu'elle n'est pas simple et pas des plus agréables. Elle a cessé d'être agréable le jour où sa mère a décidé de le vendre parce qu'elle était persuadée ne plus pouvoir s'occuper de lui. Elle a cessé d'être agréable quand il s'est retrouvé à Combrelande à travailler comme esclave pour une famille pas très sympathique. Finalement, ils ont fini par l'envoyer travailler à la fonderie et à la forge mais plutôt que de devenir une corvée de plus, ça a été une délivrance pour Venance car non seulement il a pu se renforcer physiquement et ainsi gagner en assurance mais surtout, il a commencé à passer moins de temps chez ses maîtres. Bien sûr, la façon dont ils le traitent n'a pas changée mais il a au moins la chance de les voir moins souvent. Quant à Jehane... Il l'a tirée d'un mauvais pas et après ça, ils ne se sont jamais quittés. Elle n'est pas mieux lotie que lui alors ce lien qui les lie, ce sentiment fort qu'ils ressentent l'un pour l'autre, c'est tout pour eux. Et puis, il faut bien avouer que Jehane adore la magie de Venance. Elle sait des mages et de ce qu'ils sont par ce que ses maîtres ont bien voulu lui apprendre et il en est de même pour Venance alors, il se garde bien de se servir de ses pouvoirs n'importe quand. C'est un combat quotidien que de se contrôler et de ne rien laisser paraître. Il y a cependant des moments, comme celui-là où Venance est assis avec Jehane au sol, où il peut laisser un peu libre court à la magie qui l'anime et ça lui permet de la contrôler. Dans les cas où il sent que le contrôle faiblit, il s'isole et attend que ça passe. Il a plutôt été chanceux jusque là et il le sait parce qu'il en a entendu des histoires sur des mages qui avaient perdu le contrôle et avait fait du mal autour d'eux. Lui n'a pas eu à vivre ça peut-être parce qu'au fond, même si sa vie est difficile, elle n'est pas insupportable et ce, grâce à Jehane. L'amour qu'il ressent pour cette sœur de cœur le maintient droit sur le fil qu'est sa vie.

« Il faut que j'y aille. » dit-il en se redressant alors qu'à l'extérieur, l'aube vient doucement jusqu'à eux.
« Tu fais attention hein ? »
« Oui, oui. »

Encore et toujours cette même question, cette même supplique parce qu'elle a peur Jehane qu'il perde le contrôle et qu'il lui arrive quelque chose. Elle a peur qu'on vienne le chercher pour l'emmener loin d'elle et Venance a toujours le mot pour la rassurer : il va bien, il contrôle, il ne lui arrivera rien. C'est avec cette certitude qu'il embrasse tendrement Jehane avant de se mettre en route pour son travail quotidien : le matin la fonderie, l'après-midi la forge. Cela fait des années que c'est comme ça et il est persuadé qu'il en sera ainsi jusqu'à sa mort. L'après-midi est bien avancée. Il cogne l'acier, encore, et encore. Il ne s'arrête que quand on lui dit de s'arrêter. Il travaille correctement, obéit docilement, personne n'a rien à redire, jamais, c'est sans doute pour ça qu'on le laisse autant tranquille. Alors, il est surpris quand il voit une silhouette s'approcher de lui. Il est surpris et anxieux à tel point qu'il sent de la glace se former autour du manche de sa masse : a-t-il fait quelque chose de mal ? Il parvient à se détendre quand il se rend compte qu'il s'agit d'un ouvrier  mais il ne comprend pas pourquoi il s'approche de lui. Après tout, il a plutôt tendance à être de son côté, à faire son travail sans trop se mêler aux autres, justement à cause de ses pouvoirs et pour éviter que quelqu'un ne remarque quoi que ce soit. Alors quoi ? L'ouvrier s'arrête à la hauteur de Venance qui cesse donc de travailler pour porter toute son attention sur cet homme qu'il ne connait que de vue.

« C'pas toi qui traîne souvent avec la d'moiselle Jehane ? »

Venance fronce les sourcils et hésite avant de finir par hocher la tête. Il n'a aucune raison de mentir.

« Pourquoi ? » demande-t-il finalement.

L'homme l'observe un instant avant d'afficher une moue désolée qui échappe totalement à Venance.

« J'ai entendu dire qu'elle était tombé et s'tait cognée la tête. J'voulais t'prévenir. »

Venance lâche son marteau. Les entrailles de l'adolescent se nouent.

« Qui t'as dit ça ? Elle va bien ? »

Deux questions même si finalement la seconde est plus importante que la première.

« C'sont ses maîtres que j'ai entendu s'plaindre parce qu'ils vont d'voir s'trouver une nouvelle servante. »

Venance devrait comprendre mais il ne comprend pas. Tant que l'homme ne l'aura pas dit, il ne comprendra pas.

« C'est qu'elle est la morte la d'moiselle. Désolé mon gars. » ajoute-t-il en tapotant l'épaule de Venance avant de s'éloigner.

Ce moment qu'avaient craint Jehane et Venance se produit alors. La douleur est telle que son pouvoir explose sans qu'il puisse le contrôler et en fait, il a tellement mal qu'il ne cherche même pas à le contrôler. Il pleure, il hurle, tandis qu'autour de lui c'est un véritable blizzard qui s'empare des alentours, gelant tout progressivement autour de lui. Il y a des cris mais il ne les entend pas vraiment ou que de façon assez lointaine. Il est enfermé dans sa douleur, il n'est animé que par cette terrible peine qui étreint son cœur. Il se déplace sans savoir comment il se déplace et tout se fige autour de lui sur son passage. Tout ce pouvoir qu'il avait jusque là réussi à garder en lui s'extirpe de son être avec violence, une violence qui est à l'image de ce qu'on vient de lui apprendre : il a perdu la seule personne qu'il aimait et qui donnait un sens à sa vie. C'est un choc derrière la tête qui fait cesser le blizzard car le choc est tellement fort qu'il se retrouve face contre terre avec une douleur lancinante au niveau de son crâne. Si seulement ça s'arrêtait là mais non : bientôt, d'autres coups pleuvent sur tout son corps, le visage, les côtes, le dos, les jambes, partout. Il est au sol et on est en train de le battre à mort. Il est au sol, et tandis que les larmes se mêlent au sang sur son visage, il sait qu'il est en train de mourir mais il se laisse faire. Il se laisse emporter par le vide quand il se présente. Quand l'adolescent rouvre les yeux, il a mal partout. Il porte ses mains à son visage tuméfié et se rend compte que des chaînes lui entravent les poignets. Les chaînes sont également présentes et bien serrées autour de ses chevilles. Un regard autour de lui et il se rend rapidement compte qu'il est dans un cachot. Il ne lui faut pas plus de quelques instants pour comprendre pourquoi il est là et surtout se souvenir de ce qu'il s'est passé. Il reste allongé sur le sol froid et crasseux, recroquevillé sur lui-même, sa main serrant avec force la besace de son père vide accrochée à sa ceinture, attendant la mort parce que c'est forcément la mort qui va venir. Son pouvoir a été exposé au grand jour de façon violente, peut-être même a-t-il blessé ou tué des gens comme ces mages dont il a entendu parler dans les histoires. Si c'est le cas, il mérite la mort. S'il a tué, il mérite d'être tué. Il ne voudra pas vivre avec ça sur la conscience et au moins, il ira rejoindre Jehane.

Il sera avec elle.

Le vide l'emporte de nouveau et quand il reprend connaissance, c'est parce qu'il sent une violente douleur dans les côtes. Il rouvre les yeux et n'a pas le temps de dire qu'il est réveillé qu'il encaisse un autre coup. Quand celui qui le frappe se rend compte qu'il est réveillé, il cesse enfin. Venance lève les yeux vers l'homme et le regard qu'il lui jette le pétrifie sur place : jamais on ne l'a regardé avec autant de haine, jamais. Il lui intime de se redresser, ce qu'il fait avec difficulté mais il parvient finalement à s'asseoir au sol et alors que Venance est persuadé que l'homme est venu pour l'emmener jusqu'à sa mort, ce dernier lui annonce qu'il va être emmené dans une tour, comme d'autres mages avant lui et d'autres sans aucun doute après lui. Il ne va pas être tué là-bas mais enfermé et on va le surveiller tout en lui apprenant à utiliser son pouvoir. C'est plus qu'il ne mérite et l'homme qui se tient debout et qui le regarde avec mépris ne manque pas de le lui faire remarquer : Venance a blessé un bon nombre de personnes quand il a perdu le contrôle et il est un danger pour les autres. D'ailleurs, si ça ne tenait qu'à l'homme, il ne l'épargnerait pas. Venance baisse le regard, habitué à agir de la sorte, et s'il estime que l'homme a raison de penser comme ça, l'adolescent ne peut s'empêcher d'être rassuré car il sait qu'il n'a tué personne. Il a blessé des gens certes, mais il n'a aucune mort sur les mains et c'est inespéré. C'est donc sans rien dire, sans protester qu'il est emmené loin de ce cachot, loin de Combrelande, loin de cette vie qu'a été la sienne durant près de cinq ans. Il s'en va loin de Jehane et n'a plus que les souvenirs, des souvenirs qui l'aideront à tenir et à avancer même s'il n'en est pas encore conscient.


L'homme observe par sa grande fenêtre l'extérieur, l'horizon lointain, et si certains aspirent à y retourner, pas lui.

Il est heureux ici, il est bien.

Quand il regarde en arrière, il réalise à quel point il a fait du chemin en plusieurs années. Lorsqu'il est arrivé ici, après un voyage assez difficile en compagnie d'un Templier qui le regardait comme si Venance allait essayer de le tuer à la première occasion, il ne pensait pas réussir à se relever. Il pleurait encore Jehane quand on lui a expliqué plus en détails ce qu'allait être son existence en ces murs. Il a pleuré longtemps pour elle, il la pleure encore parfois même si la blessure de son cœur a réussi à guérir en grande partie, mais il a fini par se relever et doucement, il s'est éveillé à cette nouvelle existence. Il a appris ce qu'on a voulu lui apprendre et s'il a fini par maîtriser cette magie qui est la sienne, il a surtout accepté que c'était cette Tour sa maison et que c'était là qu'il devait être. Le seul moment qu'il est venu à craindre a été sa Confrontation car, comme chaque mage, il a dû y faire face. Le démon a bien tenté de lui faire perdre pieds, il a bien failli réussir puisque le démon s'est joué de Venance avec l'image de Jehane mais Venance n'a pas cédé, il n'a pas failli, il n'a pas sombré. Il a remporté cette bataille et c'est après cela que son existence a pris une toute autre saveur : lorsqu'il a obtenu un rang supérieur et qu'il a commencé à pouvoir s'occuper des apprentis. Bien sûr, lui-même est toujours en apprentissage auprès d'un mage de rang supérieur mais pouvoir à son tour veiller sur ceux qui traversent ce qui lui-même a pu traverser... C'est une vocation, ni plus, ni moins. Et puis il y a elle : Emrys. Cela ne fait que deux mois qu'elle est arrivée à la Tour mais dès qu'il l'a vue, son cœur s'est serré tant elle ressemble à Jehane. Bien entendu, il est conscient qu'il ne s'agit pas d'elle mais cette ressemblance physique a poussé Venance à vouloir se rapprocher de la demoiselle et il a bien fait parce qu'elle a besoin de soutien. Doucement mais sûrement, un lien fort s'est construit entre eux et si Venance se sentait déjà plutôt bien avant l'arrivée d'Emrys, il se sent à présent mieux encore parce qu'il a vraiment l'impression d'être utile, il a l'impression de vraiment compter pour elle comme il a pu compter pour Jehane. Reste à espérer que ça ne lui jouera pas des tours.

Alors il regarde vers l'extérieur oui, et profite de la beauté du paysage. Tout simplement.

On lui dira qu'une cage dorée reste une cage mais lui répondra que c'est bien mieux que la haine et le mépris.

Il répondra que c'est bien mieux que rien.

PSEUDO ☩ Berenice AGE ☩    COMMENT AVEZ-VOUS DÉCOUVERT LE FORUM ? ☩ BAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH... Comment dire ? J'étais Odeline. Je dis "étais" parce que j'ai beau adorer Odeline, j'me suis sentie bloquée avec elle pour son intégration au forum alors, après avoir eu l'autorisation, je créé un nouveau perso voilà    FRÉQUENCE DE CONNEXION ? ☩ J'passe souvent et je vais essayer de pondre un RP par semaine ou tous les dix jours max    CRÉDITS IMAGES ☩ La série "Reign" et moi-même  

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✥ [i]torrance coombs[/i] - <span style="font-size: 10px;">[url=http://chroniques-de-thedas.forumactif.org/u37]VENANCE[/url]</span>