« Tenez-vous droite mademoiselle et cessez de vous agiter ! » lui dit froidement Katheryn, sa nourrice et camériste. La petite fille d'à peine huit ans ne cessait de bouger sur sa chaise, ce qui avait le don d’agacer Katheryn qui était la femme à laquelle on avait confié l'éducation d’Aelia, et qui s'en acquittait avec le plus grand soin et la plus grande fermeté. La petite enfant, blonde comme les blés semblait être l'innocence et la douceur incarnée même si en cet instant elle ne souhaitait qu'une chose : rejoindre son frère aîné, Iwain, dans les jardins pour leur promenade quotidienne où ils pouvaient enfin s'amuser comme de véritables enfants. Mais la plupart de son temps étaient partagé entre les diverses leçons qu'elle pouvait recevoir de Katheryn : soit la couture, la danse, le chant, la musique, mais aussi la lecture, l'écriture, l'algèbre, et l'histoire. Elle devait être une parfaite future dame, et elle se montrait appliquée et déterminée à le devenir afin de faire honneur à son père et à son nom.
Sa camériste tentait de brosser ses cheveux, mais l'enfant était si enthousiasmé à l'idée de passer quelques instants avec son frère qu'elle ne tenait pas en place.
« Une dame ne doit jamais rien montrer de ses émotions mademoiselle. Alors calmez-vous je vous prie ». Aelia alors opina, ce tenant aussi droite qu'elle le pouvait et tentant de se contenir sous un masque de calme et de froideur. Mais elle ne tint guère longtemps. Aelia ne parvenait jamais à dissimuler ses émotions contrairement à sa sœur Maëlys, issu d’un premier mariage. La camériste désespérée fini par abandonner tandis que l'enfant, descendit de sa chaise d’un bond et lorsqu'elle quitta le champ de vision de Katheryn elle se mit à courir comme si sa vie en dépendait évitant des serviteurs amusés, et rejoignant au plus vite son frère et ami. Les deux enfants de Lydes furent toujours très proches, particulièrement depuis la mort de leur mère il y a deux années de cela. La seconde épouse du comte de Lydes avait toujours été d’une santé fragile et elle ne c’était jamais vraiment remise de la naissance d’Aelia. Elle avait succombée à une fièvre soudaine pendant un hiver rigoureux, et le seul souvenir que gardait la petite fille de sa génitrice était une médaille en or qu’elle gardait autour de son cou.
« Aelia. Si je vous ai fait appeler, c’est pour vous parler d’un projet important pour notre famille. Un projet capital. » La jeune fille de 22 ans vint s’asseoir sur le siège face au large bureau de son père lissant les plis de sa robe. Le comte de Lydes l’observait de ce regard bleuté qu’il avait transmis à cette fille qui pourtant ne lui ressemblait guère. Sans être une déception, elle ne possédait pas toutes les qualités de Maëlys sa fille aînée. Elle était trop entière, pas assez dissimulatrice, mais pourtant l’amour qu’il lui portait était le même. La jeune fille, quant à elle, sentit que ce que son père s’apprêtait à lui annoncer n’allait pas lui plaire.
« Tu n'es pas sans savoir que tu es largement en âge de prendre époux, et j'ai jugé qu'il était temps pour toi de prendre tes responsabilités. Tu vas épouser Erien de Val Firmin d'ici quelques mois. »Aelia eut l'impression que tout s'écroula autour d'elle en cet instant. Pourtant cela n'avait rien d'exceptionnel. Sa soeur c'était marié alors qu'elle était bien plus jeune qu'elle. Ava - qui était l'épouse d'Ewain - était plus jeune encore. Mais en épousant Erien elle pouvait tirer un trait sur ses rêves d’aventures et de chevaleries. Sa vie elle la passerait dans une bibliothèque au milieu de livres poussiéreux et ennuyeux à mourir. Aussi la jeune femme regarda résolument son père avant de lâcher
« Je ne veux pas l’épouser père. Pas Erien de Val Firmin. » Face au regard soudainement plus dur de son géniteur la jeune femme ajouta
« Vous savez tout autant que moi qu’il ne vaut rien de plus qu’un simple bibliothécaire. » Alors d'un bond le comte se leva, frappant du plat de la main ce bureau de bois qui n'avait rien demandé.
« Assez Aelia ! Vous l’épouserez parce que c’est là que se trouve votre devoir. » La blonde sentit les larmes envahir ses deux prunelles, elle ferma les yeux pendant quelques secondes pour se reprendre. Alors elle se redressa avant de s’incliner légèrement
« Je ferais selon votre bon plaisir père. » Ce fut bien mal connaître Aelia que de penser qu’elle puisse rendre les armes après une simple dispute avec son père. Elle était fermement décidé à ne pas épouser Erien qui, sans être un monstre de cruauté, s’avéra être l’homme le plus ennuyeux que cette terre puisse porter. La jeune fille eut bien du mal à cacher sa réticence à l’égard de l’héritier de Val Firmin, mais nul ne devait se douter de ce qu’elle préparait dans le plus grand secret. La fuite est sa seule option pour échapper à cette union qui ne lui convient pas. Où ira-t-elle ? Elle l’ignore elle-même. Pour le moment la seule chose qui compte, c’est de quitter Lydes. Quitter son père. Quitter Erien, pour ne jamais revenir.