Cher Isaac

Je n'ai pas eu l'occasion de t'écrire depuis quelques temps ; je te prie de m'en excuser, j'ai été retenu par un symposium à Val Royaux sur la médecine de guerre.
Mes collègues non mages sont toujours surpris de voir un homme aussi jeune que moi participer à leurs réunions ; ils oublient que j'ai plus d'expérience que la plupart d'entre eux, depuis 25 ans que j'étudie à la Tour, expérience encore valorisée par la magie de soin que je pratique, et par mes prédispositions à la magie spirituelle.

Nous avons eu une très intéressante polémique sur l'utilité de soigner une personne mutilée, notamment les elfes des bas cloître, pour générer des infirmes condamnés à la mendicité. J'ai longuement exposé les idéaux de justice et d'équité qui m'animent, mais j'ai peur d'avoir fait changer d'avis un nombre très limité de mes confrères. La plupart estiment que soigner un elfe est déjà du temps perdu en soi.
J'espère que Père t'a inculqué une autre façon de voir le peuple, aussi petit soit-il, que celle qui prédomine chez ces bourgeois ventripotents et imbus d'eux-même. Le templier Coulson qui m'accompagnait a eu très envie d'en frapper certains, et je ne suis pas sûr que j'aurais « perdu mon temps » à les protéger...

Demain signera le vingt-sixième anniversaire de mon arrivée au Cercle, et en tout ce temps, nous ne nous sommes revus qu'une seule fois, il y a déjà treize ans. J'espère toujours que tu trouvera le temps de passer un jour par Montsimmard, si tes obligations te le permettent, ou que nous pourrons nous rencontrer lors d'une de mes visites à Val Royaux. Mère m'a adressé une interminable missive sur l'état des récoltes aux Champs de Ghislain, le renouveau des troupeaux dans les grands enclos de l'Est, et la reconstruction de la Chantrie de Montfort, qui mobilise toute son attention. Je crains qu'elle n'ait toujours vaguement l'espoir que je puisse un jour rejoindre la petite affaire familiale ; ou qu'elle croit que cela m'intéresse.

Je t'ai raconté dans ma dernière missive que la jeune Rosélie fait des siennes au Cercle ; j'ai dû la priver de son lien à l'Immatériel avant qu'elle ne blesse sérieusement le Templier Jiledam et ne s'expose à des sanctions regrettables. Les choses se tassent petit à petit, et elle trouve enfin ses marques. Comme souvent quand on arrache les enfants à leur famille contre leur gré,  ils ont du mal à accepter le carcan brutal qui leur est imposé. Il faut user de douceur, de patience et de persuasion pour les intégrer au mieux.
Hé bien, il semble que les efforts ne soient pas passés inaperçus: je dois participer prochainement a la récupération de deux jeunes gens qui viennent de révéler leurs pouvoirs, à titre expérimental pour voir si ça facilite la transition. J'ai bon espoir d'éviter pas mal d'accidents si cette méthode fait ses preuves,  mais le Templier Capitaine paraît très sceptique.

Pour l'instant,  la seule chose qui semble l'intéresser,  c'est cette rumeur de recrudescence d'Engeances dans les Trefonds. Les esprits chagrins parlent d'un nouvel Enclin, mais toutes les etudes prouvent que ce n'est qu'une petite turbulence passagère.  Je ne sais pas si les Chevaliers Orlésiens en savent plus, mais si tu as des informations, ca me ferais plaisir de briller devant Cousland.

J'attends ta prochaine lettre avec impatience,

fraternellement,

Louis