Je suis née à Tévinter, de parents esclaves et de grands parents esclaves. Il est fort probable que mes grands parents l'aient été aussi. Tout ça pour expliquer qu'au fond c'est la norme pour moi, cela ne me choque pas. Depuis peu je ne suis plus esclave, techniquement, mais j'avoue ne pas vraiment réaliser la différence.
Je suis née en avance, toute petite, minuscule bébé fragile et entièrement blanc aux yeux rougeoyants. Il est fort probable qu'ailleurs on aurait vu en moi un démon, qu'on m'aurait tuée à la naissance, mais l'Inquisiteur vit en moi un être à part, il fit tout pour me sauver la vie, j'étais en effet trop frêle pour survivre sans sa magie à l'époque et fit de moi une danseuse. Il savait que mon apparence étonnante serait une bonne distraction pour ses convives.

J'ai toujours été bien traitée, les leçons étaient dures bien sur, épuisantes et après cela j'avais malgré tout des corvées de ménage à faire comme les autres, mais je n'étais pas malheureuse, j'avais des journées bien remplies des parents aimants et la chance d'adorer la danse, mon occupation principale.

J'avais 6 ans quand une rose du jardin passa, en quelques secondes d'un timide bouton à une fleur épanouie. Mon maître à danser remarqua l'événement et lorsque cela se produisit à nouveau le lendemain il expliqua à l'Inquisiteur que j'étais probablement une mage elfique. Je ne saurais pas vous expliquer la différence entre les mages elfiques et les mages tout court, j'ai juste compris que tous les elfes ne sont pas des mages elfiques, aussi étranges que ça puisse paraître. Mais par contre aucun humain ne peut être mage elfique. Mes parents m'ont parlé de notre histoire, des elfes immortels à la magie puissante, une magie aujourd'hui oubliée. Ils disent que j'en possède sans doute une parcelle. Je ne vois pas ce qui diffère entre ma magie et celle de l'Inquisiteur, mais lui le voit, il n'arrivait pas à m'apprendre à la maîtriser et il n'a trouvé personne pour le faire, alors j'ai appris seule. Je ne peux pas faire grand chose, même maintenant, après 12 ans, mais cela impressionne toujours les invités de l'Inquisiteur, je ne sais pas trop pourquoi, ils sont tous de puissants mages pourtant. Moi tout ce que je sais faire c'est faire éclore des boutons de fleurs cousues sur mon costume ou posées sur la scène où je vais danser et illuminer l'air autour de moi de couleurs diverses. Rien d'utile donc, mais c'est très beau parait-il.

J'avais 10 ans quand j'ai commencé à danser pour un public, le regard des autres,l'émerveillement dans leurs yeux, les sourires que je faisais naitre...J'y ai très vite pris gout, et quand peu après mes 15 ans l'Inquisiteur m'a donné à un noble Orlésien pour que j'aille danser devant un public différent je n'ai pas eu de regrets en quittant mes parents, mes amis, tous ceux que j'avais connu jusqu'ici. L'Inquisiteur m'ordonna d'obéir désormais à mon Maitre, que je ne dois pas appeler ainsi mais juste Marquis ou Votre Grâce.

Le Marquis m'expliqua que je devais ici cacher ma magie et que nul ne devait jamais savoir, ici les Mages sont enfermés dans des tours avec d’autres mages, ils sont surveillés par des Templiers de la Chantrie. Ici les Chantries sont dirigées par des femmes, je trouve ça étrange mais on ne me demande pas vraiment mon avis. J'obéis à Sa Grâce, il me protège, je ne suis plus esclave mais je ne vois pas la différence. D'aucuns ont tenté de m'expliquer, je suis libre, libre de quoi ça personne n'a su me le dire. Je pourrais refuser d'obéir. Je serais alors châtiée bien sur et...Je ne vois toujours pas la différence avec la vie d'esclave. Je suis payée, mais je dois me payer mes repas, alors au final j'ai juste l'occasion de manipuler des pièces de cuivre de temps en temps. Je ne vois pas l’intérêt.

Avec le temps le Marquis a tenté de m'initier au Noble Jeu comme il l'appelle, mais je n'arrive pas à en comprendre l’intérêt, les tenants et aboutissants, la notion de pouvoir m'échappe, ou du moins elle ne m'intéresse pas. Toutefois il m'ordonne parfois de porter des présents à d'autres nobles, mon apparence les intrigue, cela montre sa puissance me dit-il, que d'avoir à son service quelqu'un comme moi. Je suis unique parait-il, peut être parce que ceux qui naissent comme moi survivent rarement.

Je suis donc devenue danseuse et messagère du Marquis, une place enviée parmi les servantes, aucun homme n'oserait poser sa main sur moi sans l'accord du Marquis qui me protège comme l'Inquisiteur le faisait. J'ai une vie remplie de chants et de sourires, j'ai une vie que j'aime même si parfois ma mère me manque. Depuis peu j'apprends à lire et écrire, pour une servante c'est assez rare mais le Marquis espère qu'ainsi je pourrais jeter un œil à certaines missives importantes qu ses ennemis pourraient laisser traîner en ma présence, je ne représente, après tout, pas une menace. Bientôt je pourrais écrire à ma mère, elle est amie avec le scribe de l'Inquisiteur, il acceptera de lui lire mes lettres, j'aurais l'occasion de lui dire que je suis heureuse.

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