Les mots du charmant chevalier montraient à quel point il semblait abhorrer le protocole, ce qui était étrange venant de la part d'un noble de son rang. Elle ne savait pas grand-chose des us et coutumes orlaisiennes mais elle savait que la plume qu'il avait porté plus tôt et qu'il avait ôté pour passer inaperçu était la marque de son appartenance aux chevaliers. Il avait aussi la prestance d'une noblesse plus marquée mais il n'en avait, étrangement, pas l'esprit. Il semblait aspirer à plus de libertés que le carcan de sa condition ne le permettait. Ysaliss lui souriait toujours avec grâce. S'il le désirait, il pouvait être aussi libre qu'il le souhaitait à ses côtés. Elle n'était pas femme à le juger de par son comportement familier ou à le reprendre s'il commettait une erreur. Elle le comprenait car elle aussi aimait être libre, sans contraintes.

Il prononça son prénom à son tour et un frisson de surprise mêlé de satisfaction la parcourut. Il voulait sans doute lui montrer qu'elle pouvait continuer à l'appeler ainsi et que cela ne le gênait aucunement. Ses yeux ne semblaient pas se lasser de parcourir le visage de la jeune femme et elle en rougit de plus belle.

"Si tu continues de me regarder ainsi, les gens vont se demander si je ne suis pas Andrasté ressuscitée." plaisanta-t-elle, nommant la femme du créateur pour faire écho aux mots qu'il avait lui-même prononcé un peu plus tôt. "De plus ne dit-on pas d'une fleur que si on la regarde trop elle se fane ?"

Il n'y avait aucun sous-entendu derrière les mots d'Ysaliss. Elle se révélait juste joueuse et de bon esprit, quoique légèrement blasphématrice. Même si elle n'avait pas beaucoup d'amour pour la Chantrie, elle respectait le message premier que l'ordre tentait de rependre. Elle croyait au créateur et en la prophétesse, elle avait simplement du mal à cautionner la façon dont les chantristes et surtout les templiers traitaient les autres et se servaient de ce message pour arriver à leurs fins. Elle profita encore un peu du regard du jeune homme. Mais aussi plaisant que cela puisse être de se trouver l'attention du chevalier, la jeune femme savait qu'ils devaient parler de choses importantes aussi poussa-t-elle sa chope sur le côté et, sans pour autant se départir de son sourire, elle prit un air un peu plus sérieux avant de lui demander :

"Mais ne devrions-nous pas discuter de choses plus importantes, Uther ?"

Elle faisait bien entendu référence à leur partenariat et souhaitait en savoir plus sur ce qu'il avait en tête. Elle voulait savoir à quoi s'attendre de la part du chevalier. Elle avait besoin de détails pour endosser le rôle qu'elle jouerait à la cour. Le goût de son nom toujours sur la langue, elle attendit qu'il lui réponde, son regard toujours rivé à celui de son charmant vis-à-vis.

Uther lâcha un rire lorsque la blonde face à lui sorti une pointe d'humour, tout aussi blasphématrice que ce qu'il avait dit plus tôt. Il ne prit pas la peine d'observer autour de lui, peu importe si on les observait, il n'avait que faire des rumeurs et histoire de tavernes. Il était face à cette charmante voleuse et pour aucun titre de prestige il n'aurait échangé ce moment où il était autre qu'un Baron ou chevalier. C'était un moment de liberté dans ses fonctions habituels et même si cela était pour le moins inattendue il ne regrettait en rien de s'être fais voler grossièrement par cette jolie blonde.

"Il serait facile de croire que tu es sa réincarnation, en effet. Mais n'est-ce pas pour qu'elle soit admirée qu'une fleur rayonne ?" Il aimait la finesse d'esprit et encore plus lorsqu'elle venait de la charmante voleuse. Malgré les propos qui auraient été jugé intolérable par plus d'un chantriste, Uther se senti assez à l'aise pour plaisanter sur le sujet ou bien même comparer une simple mortelle à l'épouse du créateur. Après tout, le créateur n'aurait-il pas voulu qu'on puisse trouver de la joie dans la foi ? Il n'était point interdit de s'autoriser une comparaison flagorneuse, même si elle était sincère.

Il avait profité de l'échange de regards assez longtemps, la Marchèenne désirait maintenant sans doute en savoir un peu plus sur ce qui lui proposait. Un rôle simple d'après lui, mais risquait tout de même. Qui était réellement à l'abrs au sein de la cour Orlésienne ? Impératrice ou petit Noble tous pouvaient mourir demain pour permettre à tel ou tel autre famille de pouvoir monter en grade.

"Tu as raison, Ysaliss, tu aimerais sans doute en apprendre davantage sur ce que je te propose. Je le conçois. C'est assez simple, je t'aide à te faire passer pour une noble des Marches libres et veille sur toi, en échange de toutes informations qui seraient intéressante de savoir sur la cour. " Il laissa quelques secondes de blanc avant de reprendre "Tu désires savoir autre chose ?" Il parla d'un ton presque protecteur, se voulant rassurant pour faire en sorte qu'elle n'hésite pas une seconde si elle voulait plus d'informations, il n'était pas là pour la duper ou la livrer aux nobles en pâturages, mais bien l'aider comme il le pouvait.

Le compliment du charmant chevalier l'avait fait rougir et elle aurait aimé continuer sur cette note, si d'autres sujet moins plaisant mais plus importants n'avaient réclamée leur discussion. Il posa ses conditions de façon simple, sans détours et elle lui en était reconnaissante. Malgré ce qu'il lui avait dit sur son code d'honneur, il lui aurait été facile de se jouer d'elle. Rien ne la mettait encore à l'abri et ce qu'il désirait n'était pas sans conséquences si elle venait à se faire prendre, une fois de plus, la main dans le sac. Mais cela l'intriguait. Elle était attiré par le mystère qui entourait la cour d'Orlaïs où les grands s'entre déchiraient derrière les grandes tapisseries de leurs châteaux. Elle voyait là une occasion de se mêler aux nobles et de se rire d'eux sans même qu'ils le sachent. Des questions, elle en avait quelques-unes en effet.

"Comment comptes-tu t'y prendre ?" lui demanda-t-elle alors, sans le quitter des yeux. "Et quelle noble pourrais-je être que la cour d'Orlaïs ne connait pas déjà ? De plus que feras-tu si un vrai noble des Marches Libres me rencontre et me démasque ? Nieras-tu me connaitre ou me défendras-tu ?"

Au fur et à mesure que les mots sortaient de sa bouche, d'autres venaient les remplacer et elle dût faire appel à toute sa maîtrise d'elle-même pour ne pas noyer le jeune homme sous un flot d'interrogations. L'entreprise était audacieuse mais fort risquée et Ysaliss avait besoin de savoir si elle pouvait compter sur lui jusqu'au bout ou s'il était temps de se rétracter. Alors qu'elle attendait ses réponses, les mains de la jeune voleuse se frayèrent un chemin jusqu'à l'une des pochettes glissées sur sa ceinture et en sortit dix petits dés taillés dans une pierre légère. Elle les fit rouler sur la table et laissa ses doigts jouer avec. Les murs de l'auberge appelaient au jeu et elle n'avait pu se retenir de sortir ses atouts favoris de leur écrin de cuir.

Uther écouta la Marchèenne poser toutes les questions qu'elle avait en tête. Il était normal qu'elle en ait autant, après tout ce n'était pas rien d'entrer dans la cour d'Orlaïs. Et il comprenait parfaitement ses inquiétudes. Il devait bien choisir ses mots et son code de l'honneur devait être les seuls principes qui le guide. Et il en avait bien l'intention, ils devaient n'être qu'un. Et cela était aussi dangereux que bénéfique. Rien n'était plus dangereux et fourbe que la cour impérial et malgré tout Uther avait bien l'intention de pouvoir faire entrer cette belle voleuse.

"Tout d'abord, je m'arrangerais pour les documents officiels, j'ai des contacts qui pourront nous les fournir. Pour ce qui est de ton rôle, il faut choisir une famille qui n'existe plus officiellement, mais dont la présence de descendant est trop floue pour savoir si cela est vrai ou pas." Il laissa quelques instants en prenant une gorgée de sa pintes qui n'était pas encore finis. Il aimait bien déguster chaque breuvage, sachant qu'ailleurs on ne pouvait pas en boire il profitait de cette chance. De plus la dernière question nécessitait une confiance quasi aveugle des deux, puisque si elle se faisait prendre et qu'elle dénonçait son protecteur, cela pourrait lui être fatal, mais s'il ne la protégeait pas, celui lui serait fatal à elle. En passant ce partenariat, ils se basaient sur la bonne foie de l'autre. Et priez pour qu'il soit honnête. "Pour ce qui est de l'hypothèse que tu te fasses reconnaître. Je te défendrais, car si cela échoue, la faute m'en reviendrai."

La pensée que cela pouvait échouer et entraîner la mort de la jeune femme l'attristait, il ne voulait en aucun cas en arriver là. Il ferait tout son possible pour qu'elle ne subisse en aucun cas une sanction qui serait son entière faute. Il admira encore et toujours la charmante voleuse, non il ne l'abandonnerait pas.

A chaque information de la part du charmant chevalier, Ysaliss hochait la tête, signifiant ainsi qu'elle comprenait bien tous les tenants et les aboutissants de l'entreprise. Il semblait avoir réfléchit à la question sérieusement, ce qu'elle attendait aux vues de la dangerosité mais aussi de la complexité de la tâche et elle se demandait depuis quand il attendait que quelqu'un comme elle arrive pour donner corps à son idée. Sa dernière réponse était la plus cruciale aux yeux de la jeune voleuse. C'était en vérité un test décisif et elle aima ce qu'il lui dit. Il était prêt à assumer les conséquences jusqu'au bout, sachant que la punition pouvait être extrêmement douloureuse. On ne se jouait pas ainsi de la cour sans risquer sa vie et elle lui sourit à ses mots.

"Cela n'arrivera pas, Uther." lui assura-t-elle à son tour avant de préciser sa pensée. "Si je me fais démasquer, je les persuaderais que tu n'en savais rien."

Il avait bien plus à perdre qu'elle dans cette affaire. Elle ne mettait que sa vie en jeu. Même si cela semblait énorme, il avait bien plus à perdre qu'elle. Lui aussi risquait sa vie, mais sa famille serait déshonorée et son nom piétiné. Il entrainerait ses proches avec lui et, s'il n'était pas réticent à jouer son existence dans cette aventure, il mettait la tête de ses parents et peut-être de sa fratrie à la portée de la hache du bourreau qu'était l'Impératrice. Alors qu'elle n'avait plus personne. Son père était déjà en train de mourir dans les geôles de Kirkwall, s'il n'était pas déjà retourné aux côtés de sa femme, dans l'aura bienveillante du créateur et de la prophétesse. Et s'il vivait toujours, alors peut-être pourrait-elle user des faveurs qu'elle aurait amassées à la cour pour le faire relâcher.

Pour le moment elle n'avait pas d'autres questions mais elle se réservait le droit de lui en poser d'autres quand le temps viendrait. Hochant donc une nouvelle fois la tête, elle délaissa les dés avec lesquels elle n'avait cessé de jouer puis lui tendit sa main aux longs doigts fins par-dessus la table de bois afin qu'il la serre et scelle ainsi le marché qu'il passait avec elle au fond de cette taverne sombre de Val Royeaux. Elle avait trouvé son compte dans leur accord et ne se sentait lésée en aucune sorte.

Les mots de la belle voleuse le fit sourire, il était presque rassurant de savoir qu'elle n'avait pas l'intention de se faire prendre la main dans le sac. Ce qui en un sens était presque logique. Cependant, il ne répondit que du regard à ces mots, il n'était pas nécessaire de partir sur un débat pueril sur qui devait se sacrifier en cas de besoin. Tout cela serait réglé sur le moment, si cela devait arriver. "Créateur, fait en sorte que cela n'arrive jamais." pensa t-il. Il tendit sa main et saisit délicatement celle de la jeune femme. Comme il était agréable de la toucher autrement que par l'intermédiaire de ses gants.

"Et bien, Dame Ysaliss, que diriez-vous que nous commencions cette aventure, qui promet d'être aussi excitante que dangereuse ?" A ces mots il se leva un fin sourire sur les lèvres. Il n'avait pas utilisé le protocole, mais bien de la caricature de celui-ci. Cependant, le partenariat débuté dores et déjà et que par définition, c'était une dame. Cela lui allait bien, il fallait l'avouer. Plus il la regardait plus il était certain que personne n'irait remettre en question son noble lignage. Elle était physiquement belle et, même plus que certaines dames de la cour. Combiné à son intelligence et sa façon naturelle de sortir de la pire situation possible, elle ferait une noble redoutable.

Il finit sa chope tranquillement attendant que cette charmante blonde se lève ou annonce sa réaction. Et ramassa ses gants. Il ne cessait de l'admirer durant tous ces gestes. C'était sans doute l'une des dernières fois où il pouvait se le permettre, la suite des événements allait sans doute être trop risqués pour qu'il puisse l'admirer sans risquer une remarque ou autre manoeuvre de la part des Nobles Orlésiens.

La main du jeune et charmant chevalier était chaude dans la sienne et elle en apprécia le contact. Elle avait la rugosité de l'entrainement à l'épée mais cela ne la gêna pas, bien au contraire. Ysaliss préférait amplement ce contact à la peau douce des nobles qui ne faisaient rien de leurs journées et qui restaient assis à donner des ordres pour que les autres les exécutent à leur place alors qu'eux même se prélassaient dans leurs draps immaculés aux belles broderies. Elle remercia silencieusement le créateur qu'il ait fait le jeune chevalier d'une autre étoffe, celle des braves et des nobles d'âmes.

La question d'Uther la tira de ses prières et la fit sourire. Elle avait parfaitement saisit la nuance de son ton et s'amusa qu'il singe ainsi le protocole qui l'avait accompagné toute sa vie. Se levant alors de sa chaise, elle s'appliqua à lui faire une révérence parfaite.

"Je ne vis que pour vous servir, monsieur." lui répondit-elle, entrant ainsi dans son jeu, laissant son accent chanter sous ses mots. "Cette entreprise nous promet de nombreux frissons."

Elle avait délibérément évité de l'appeler messerah pour ne pas attirer l'attention sur eux bien qu'elle se doutait que dans le brouhaha de l'endroit on ne risquait pas de les entendre. Tout en lui souriant, elle ramassa ses dés, qu'elle rangea dans leur logement de cuir à sa ceinture, avant de remettre ses gants et de passer sa lourde pelisse. Elle attacha le long manteau épais de la fibule, qu'elle avait préalablement sécurisée dans une autre des nombreuses pochettes qui se trouvaient sur sa taille. Puis, son sac ainsi que son arc et son carquois reprirent leurs places dans son dos et elle lui désigna la porte d'un geste du menton qui contrastait avec la grâce qu'elle avait utilisé quelques instants plus tôt.

"Après toi, Uther." lui dit-elle alors, reprenant sa façon familière de s'adresser à lui.

Elle le laissa ouvrir la marche et le suivit dehors où la foule s'était maintenant bien éclaircit. Le ciel, lui en revanche, c'était assombrit et elle sentait que la nuit n'était plus très loin. Elle se doutait qu'ils avaient encore nombre de détails à régler, que ce soit ici, à Val Royeaux, ou bien au château du jeune baron. Car même si l'homme était simple elle ne doutait pas qu'il posséda telle demeure. Mais contrairement à ce qu'elle avait pensé, il la guida vers une des écuries de la ville. Il semblait vouloir prendre la route le plus rapidement possible et Ysaliss n'objecta pas. Elle se contenta de le suivre docilement et, lorsqu'il le lui demanda, elle monta derrière lui sur le magnifique coursier orlaisien à la robe crème. Elle ne savait combien de jours durerait le voyage, mais elle faisait confiance au jeune chevalier pour la mener saine et sauve à Verchiel.