Val Royeaux, capitale de l'empire d'Orlaïs, majestueuse cité aux milles parures, était en pleine effervescence. Drapée de ses plus beaux atours, la grande cité impériale vibrait aux sons de ses habitants, s'affairant à leurs multiples taches en cette magnifique après-midi de firstfall. Au milieu de la populace, une jeune femme blonde suivait le flux de la foule. Caché sous la capuche d'un long manteau sombre, la jeune femme originaire de Kirkwall était à l'affut du moindre petit nobliau trop occupé pour surveiller sa bourse. Le voyage jusqu'à la cité avait été long et avait quelque peu vidé la petite cagnotte de la voyageuse. Mais il semblait que cela en valait la peine. Toute cette opulence lui en faisait presque tourner la tête. Elle était bien loin de Krikwall et de ces petits bourgeois qui se prenaient pour les grands de ce monde.

Passant près d'un homme aux beaux atours et arborant un blason qu'elle ne connaissait pas, la jeune femme observa son comportement de façon discrète. A la manière dont il se tenait, il semblait être un chevalier, rompu aux combats et à l'art de la guerre. Ce genre de personne devait surement posséder quelque argent que la jeune marchéenne se ferait un plaisir de dépenser pour lui une fois qu'elle le lui aurait… 'emprunté'. La jeune blonde fit alors mine de chercher quelque chose dans le lourd sac à dos qu'elle ne portait que sur une épaule, le faisant pivoter contre son torse afin de se servir de sa position pour lorgner sur la ceinture du blasonné. Ce dernier ne semblait pas l'avoir vu et elle fit délibérément tomber un petit sachet contenant quelques herbes qu'elle réservait à un usage culinaire.

Se baissant, elle récupéra le petit sac de cuir et, se relevant promptement, elle tira sur le cordon de la bourse du chevalier qui ne semblait toujours pas l'avoir remarqué. Les quelques pièces contenu dans le petit sac de cuir coulèrent doucement dans sa main et, une fois qu'elle fut satisfaite, elle rangea la totalité de son larcin ainsi que le sac d'herbes dans son barda, prête à reprendre la route et peut-être à soulager un autre blasonné de ses précieuses pièces. Malheureusement, elle n'eut pas le temps de faire un pas qu'un bras se referma sur son épaule, la faisant sursauter. Pinçant les lèvres, elle se retourna pour faire face à sa victime. Elle venait de se faire prendre.

Alors que les commerçant criait pour que tous viennent acheter chez eux des marchandises aussi brillante qu'inutile, Uther s'accorda quelques instants auprès d'un marchand qui brayait que ses parures étaient les plus sublimes d'Orlaïs et de Thédas. Alors que le chevalier observait l'étalage avec attention observant fin travail de l'artisan, il remarqua une présence près de lui, il se décala de quelques centimètres pour laisser l'étalage accessible à la vu de l'étranger, d'un rapide coup d'oeil vers l'arrière il vit une jeune blonde chercher quelque chose dans son sac, qui avait l'air pesant d'après la façon dont celle-ci le tenait.

Il retourna à l'étalage observant les habits de soie et de laine. Alors qu'il admirait une parure proche de lui, des cheveux blonds en coin lui attira l'attention, mais lorsqu'il sentit une secousse dans sa ceinture il comprit alors que l'étrangère n'était pas venus faire le marché a proprement parlé. Il fit mine de n'avoir rien remarqué jusqu'à ce que celle-ci décide de s'en aller. Il attendit quelques secondes et reposa la parure pour rattraper la voleuse. Une fois arrivait à sa hauteur il posa sa main sur son épaule et la fit se retourner. "Pardonnez-moi, puis-je vous parler en privé ?"

Le noble n'attendit pas qu'elle réponde et la saisit par le bras l'attirant vers une rue parallèle au marché puis lui fit face et lui tendit la main "Il me semble que vous détenez quelque chose qui m'appartient, dame." Bien que les voleurs de son genre étaient souvent réputés pour prendre la fuite en cas de soucis Uther avait spécialement emmené la jeune voleuse à part pour éviter que la foule ne la fasse disparaître, espérant qu'elle ne connaisse pas les rues de Val Royaux aussi bien que l'art de détrousser.

Le bruit de la foule couvrit presque la voix du chevalier lorsqu'il s'adressa à elle. La jeune femme n'eut pas le temps de le détailler que déjà il la tirait par le bras vers une ruelle plus calme, parallèle à celle du marché. La jeune marchéenne tenta bien de se défaire de son emprise, mais c'était peine perdue. Elle avait voulu jouer dans la cour des grands d'Orlaïs, elle avait perdue. Les sourcils froncés, elle lui fit face, plus mécontente de s'être fait prendre que d'entendre l'accusation de l'homme. Il avait l'air de savoir y faire avec les voleurs, peut-être s'était-il déjà retrouvé dans la même situation auparavant. Jetant un coup d'œil autour d'elle pour tenter de trouver une échappatoire, la jeune femme soupira avant de baisser la tête pour cacher son mécontentement. Son capuchon cachait son visage et la petite moue irritée qui s'était peint sur ses traits. Se rendant finalement compte qu'elle ne pouvait rien faire pour sauver la situation, elle finit par dégager son bras de la prise du blasonné. Avec un peu de chance elle pourrait trouver un terrain d'entente et éviter les geôles. Elle n'était pas venue jusqu'ici pour pourrir dans un donjon sombre d'Orlaïs.

"Vous me trouvez confuse, messerah." lui répondit-elle, usant du protocole qui avait cours dans sa ville natale lorsque l'on s'adressait à plus noble que sois, tout en prenant le risque de baisser sa capuche et de montrer son visage. "A la vue de vos beaux atours, je pensais avoir plus besoin de ces quelques pièces que vous."

Un joli sourire avait pris la place de son air renfrogné et elle se fit plus aguicheuse. Elle espérait ainsi adoucir la conversation et régler la situation sans subir de conséquences. Faisant rouler son sac sur l'unique sangle, dont elle se servait pour le porter, elle l'ouvrit à nouveau sans difficulté, défaisant la boucle qui maintenait le conteneur de cuir fermé.

"Vous avez l'œil, messerah." le flatta-t-elle encore tout en fouillant dans son sac, cherchant à contrecœur l'argent qu'elle venait de lui emprunter. "Peu de gens peuvent se targuer de s'être aperçu de mon petit tour avant que je ne leur ai faussé compagnie."

Ses doigts se refermant sur les belles pièces brillantes, la jeune femme s'y accrocha l'espace d'une seconde. Aillant été élevée dans la misère, elle avait, en cet instant, bien du mal à rendre ce qui ne lui avait appartenu que quelques seconde à son réel propriétaire. Sortant finalement la main de sa lourde besace, elle en tendit le contenu au chevalier, les regardant tinter dans la main de l'homme avec envie.

Uther attendait patiemment, impassible devant la voleuse. La main tendue dans l’attente de récupérer son due, il l’écouta plaider  sa cause. Les flatteries et les beau sourires cela lui rappelait la cour, mais avait-elle réellement pensée pouvoir le berner ou s'en sortir à si bon compte ? Une fois qu'il aurait récupéré son argent, devait-il la laisser filer ? Allait-elle recommencer ses vols odieux et dénués d'honneur ? Le chevalier hésitait fortement, le code d'honneur qu'il avait suivis toute sa vie lui imposait de remettre cette personne aux autorités. Mais elle était démuni, peut être venait-elle de loin ? "Messerah" voila un titre qu'on ne prononce que rarement en Orlaïs.

Cette étrangère était-elle en cavale ou autre ? Uther la regarda avec attention fouiller dans son sac. Il était sans doute bien remplis, mais pas de quoi s'offrir un repas. Est-ce le besoin de survivre ou bien la cupidité qui l'avait poussé a voler ? Trop de questions en cet instant alors qu'elle lui remettait les pièces dans la main.

Il la regarda attentivement en refermant sa main sur les pièces de nouveau en sa possession. Les questions étaient toujours sans réponses, mais il allait sans doute pouvoir apporter des réponses.

"Il y a différentes façons de gagner de l'argent et certaines sont plus honorables que celle de simplement voler ceux ayant "de beaux atours" ne pense tu pas ? Je devrais en temps normal te livrer aux autorités pour que tu sois châtié. "

Uther observa le regard de la voleuse tout en faisant glisser une pièce au bout de ses doigts pour la tendre vers la blonde assez rapidement pour que le bruit des pièces qui s'entrechoquent se fasse entendre.

La jeune voleuse, bien trop concentrée sur le contenu de son sac ne remarqua pas l'expression impassible du chevalier. L'or passa de sa main à celle de son interlocuteur, le regard de la marchéenne suivant son éclat avec une lueur de regret mêlée d'envie. Elle ne se départit pourtant pas de son sourire, jouant toujours la carte de la séduction. Cependant son masque vola bien vite en éclat lorsqu'elle l'entendit s'adresser à elle avec familiarité. Il n'y avait pourtant rien de déplacé dans sa façon de lui parler. Il ne semblait pas la prendre de haut comme la plupart des nobliaux de Kirkwall l'avaient si souvent fait avec elle et cela lui plut. A la mention d'un châtiment, la jeune blonde pinça les lèvres. Si elle pouvait éviter les autorités, elle était prête à jeuner une journée de plus. Changeant de tactique, la jeune femme se dit qu'elle n'avait rien à perdre à être honnête avec lui, toute voleuse qu'elle fut.

"Trouver un travail honorable à Val Royeaux est bien plus compliqué que cela, messerah." lui dit-elle alors, se contrôlant pour le regarder dans les yeux et ne pas être distraite par le tintement de l'argent entre les doigts de son vis-à-vis. "Surtout lorsque l'on vient d'une autre contrée."

La position de son sac commençait à la gêner quelque peu et elle le laissa tomber à terre sans dévier son regard. Le chargement eut un bruit sourd, signifiant qu'il était plein mais de choses sans réelle valeur. Elle changea alors de position, s'appuyant contre le mur derrière elle dans une posture plus désinvolte et passa une main sous la corde de son arc qui lui barrait la poitrine, jouant avec celle-ci comme si aucune menace ne planait sur sa tête. En réalité elle était un peu plus nerveuse qu'elle ne semblait l'être réellement, mais elle ne laissa rien paraitre, se contentant d'ajouter, une petite moue accompagnant ses mots :

"On fait bien peu confiance aux étrangers ici, messerah. Et mon accent marchéen n'est pas bien facile à masquer."

Passant alors sa main libre dans ses cheveux blonds pour les démêler quelque peu, elle fit complètement tomber la capuche de sa pelisse de lourd tissu sombre et le détailla un peu plus de son regard bleu-vert, jouant toujours avec la corde de son arc. Il n'avait pas que les atours pour lui. Sa haute lignée se reflétait dans ses traits et la façon dont il se tenait. Il avait la prestance des gens nés sous une meilleure constellation que la sienne ainsi que l'entraînement qu'il avait dut recevoir et cela lui plaisait tout autant que la familiarité avec laquelle il s'adressait à elle.

Tout en parlant Uther avait fait bien attention à observer le visage de la voleuse, il avait eu raison de ne pas appliquer le protocole lorsqu'on s'adresse à une dame, cela avait balayé cet air qu'il connaissait bien au milieu des nobles.

Le chevalier écouta la voleuse se justifier de son crime, il n'était certes pas facile de trouver un travail en tant qu'étranger. Mais pouvait-il réellement la blâmer de choisir cette solution ? Il n'avait jamais vraiment "travaillé" comme les petites gens. Il était né directement riche et avec du pouvoir comme bon nombre de nobles. Mais devenir chevalier lui permettait cet égard de compassion qu'on aurait pu qualifier de faiblesse dans le "Jeu".

Le noble continua à l'écouter attentivement à analyser chacun de ses gestes, il la vit laisser tomber son sac au sol, était-ce pour signaler sa reddition et assumer son crime ? Ou une stratégie pour tenter de sortir de cette situation ? Qui d'après ce qu'il avait vu n'arrangeait en rien cette étrangère. Lorsque la blonde en face de lui s'appuya sur le mur et joua avec la corde de l'arc qu'elle possédait. Son regard dériva détaillant la femme en face de lui, mais revint vite droit sur son regard.

Il stoppa son petit jeu avec les pièce et les serra dans sa main, fallait-il les lui donner ? Pouvait-il la laisser mourir de faim ? Son code d'honneur lui empêchait cela, il fallait qu'il trouve une solution et rapidement s'il ne voulait pas passer pour un demeuré.

"Tu as dû faire un long voyage si tu es originaire des Marches libres. Mais je ne peux te laisser repartir ainsi, j'espère que le comprend ? Mais je ne suis pas non plus en obligation de te livrer à la garde."

Il la détailla encore un moment le visage de la voleuse, son regard était d'un éclat rare et somptueux. Nul doute que parmi la noblesse elle aurait eu grand succès. Plus Uther la regardait, plus il pensait qu'elle pourrait même être meilleure joueuse que certains noble.

Alors qu'elle parlait, la jeune femme ne quittait pas son interlocuteur des yeux. Le plus étrange c'était qu'il agissait de la même façon. Il semblait la scruter comme pour lire en elle. Etait-elle si complexe et difficile à analyser ? Elle ne pensait pas que c'était le cas. Une petite voleuse des marches libres n'avait rien de mystérieux. Alors que lui en revanche, il attisait sa curiosité. Elle pouvait voir une longue cicatrice longer sa joue, partant du coin de l'œil gauche et descendant jusqu'à la sa mâchoire inférieure. Etait-ce le résultat d'un entraînement qui avait mal tourné ou bien d'un duel ? De plus le fait qu'il ne l'ait pas déjà livré aux autorités, bafouant ainsi son code de chevalier, l'intriguait au plus haut point. Elle n'allait pas s'en plaindre, mais le mystère s'épaississait. Elle l'écouta avec attention, qu'avait-il en tête ?

"Que proposez-vous donc, messerah ?" lui demanda-t-elle alors, curieuse de savoir ce qu'il mijotait. "Auriez-vous besoin des services d'une voleuse à la petite semaine ? Je me défends bien avec des dagues et un arc si cela vous tente. A moins que vous n'ayez besoin de petit personnel."

La jeune marchéenne avait certes été élevée dans la misère, mais elle avait aussi plusieurs cordes à son arc, sans mauvais jeu de mot. Son long séjour à la "Rose en fleur" lui avait permis d'apprendre à servir les clients et à les distraire de chants, de danses et de discussions. Elle ne connaissait pas grand-chose aux us et coutumes des gens d'Orlaïs, mais elle était prête à apprendre, surtout si cela pouvait la sortir d'un mauvais pas tel que celui-ci. Elle attendit sa réponse, toujours adossé au mur alors qu'elle créait un petit rythme avec la corde de son arme. La jeune femme avait besoin d'argent et servir un chevalier n'était pas la pire façon d'y arriver. Certes, elle ne s'amuserait surement pas autant qu'elle l'avait prévu à l'origine mais cela ne faisait rien. Si elle travaillait bien et que ses services convenaient au jeune homme, elle aurait tout le loisir de reprendre son occupation première lorsqu'il aurait jugé que sa dette était payée.

Le chevalier fit durer le suspense, il savait qu'elle attendait d'entendre l'idée qu'il avait derrière la tête, alors que lui même n'était pas certain de devoir la proposer. Devait-il se raviser et la livrer aux autorités ? Son code de chevalier l'aurait forcé a le faire, mais non, il avait juré de protéger les innocents et les démunis. N'en faisait-elle pas partis ? Il allait l'aider ou du moins lui proposer un moyen de ne pas mourir de faim, il détailla attentivement la blonde en face de lui et finit par annoncer :

"J'aimerai t'aider a sortir de cette situation précaire. T'offrir un "rôle" dans la cour Orlésienne" Il regarda attentivement sa réaction avant de pouvoir continuer "Bien sûr, il faudrait déjà que je puisse te faire confiance."

Il espérait avoir touché son attention. Certes il appliquait une stratégie digne des Nobles, mais il en était un lui même. Il était parfois nécessaire de s'écarter du code d'honneur pour pouvoir offrir une chance aux plus démunis. Après tout il était également Baron.

Avec cette dernière phrase il espérait que la voleuse puisse faire ses preuves de loyauté, il lui fallait une alliée dans la cour et même si elle n'était pas noble, elle en avait les atouts, une beauté naturelle, une tendance a la séduction pour se sortir d'un mauvais pas, un langage et une connaissance du respect dû a la noblesse. Mais Uther désirait également l'aider sincèrement même si cela impliquait l'ajouter à l’échiquier géant du "jeu".

La jeune femme continuait de détailler son interlocuteur, laissant son regard s’égarer sur ses traits avec un plaisir non dissimulé. Certes, elle le trouvait élégant et bien fait, mais elle se délectait aussi de ses légers changements d’expressions presque imperceptibles. Elle voyait l’hésitation dans ses yeux et la façon dont il l'a détaillait lui aussi. L’espace d’un instant elle se dit qu’il allait se raviser, changer d’avis et la traîner par le bras au premier garde qu’ils croiseraient.

Une bouffée de panique la saisie alors à la gorge mais elle se força à ne rien en montrer et, d’un mouvement invisible sous sa longue pelisse sombre, elle posa la paume de sa main libre sur la garde de sa dague, juste au cas où. S’il l’agrippait à nouveau elle aurait largement le temps de lui offrir, à contrecœur, une nouvelle balafre pour agrémenter son beau visage. Cela ne lui plaisait pas de penser ainsi alors qu’il avait l’air de vraiment vouloir l’aider ; malheureusement les chevaliers étaient bien plus loyaux envers leur code qu’un homme amoureux l’était envers sa femme.

Mais les mots qu’il prononça alors la déstabilisèrent un fois de plus. Sous le coup de la surprise, elle se figea dans son geste répétitif, laissant ses doigts à quelques centimètres de la corde de son arc et elle ouvrit la bouche, saisie par ce qu’il lui proposait. Se reprenant pourtant bien vite, elle la referma avant de se racler la gorge. Ce n’était pas le moment de se faire prendre pour une simple d’esprit et, alors qu’elle ôtait sa main droite de la garde de son arme, elle reprit son petit jeu de l’autre, créant un rythme différent de l’ancien.

“Un rôle à la cour ? Moi ? Une tire-laine ? Vous n’y pensez pas, messerah !” s’exclama-t-elle avant de laisser un rire doux passer la barrière de ses lèvres. “Je ne pensais pas le soleil de Firstfall si fort qu’il vous ait tourné l’esprit.”

Mais voyant qu’il semblait tout à fait sérieux elle le détailla pour s’assurer qu’il ne tentait pas de la piéger ou de se moquer d’elle. Elle ne serait certainement pas la première va-nu-pieds à qui un noble jouerait un mauvais tour pour se divertir. Mais à nouveau rien dans son comportement ne semblait indiquer qu’il se riait d’elle. Elle plissa alors les yeux une fraction de seconde avant de pincer les lèvres. Et bien pourquoi pas ? Après tout elle savait jouer la comédie, du moins d’après sa mère adoptive. Décidant qu’il était temps de donner une réponse au blasonné, la jeune voleuse dodelina de la tête avant de s’adresser à lui une fois de plus, une petite moue dubitative sur les lèvres.

“Et que pourrais-je bien faire ou dire pour que vous en veniez à me faire confiance, messerah ? Je ne possède rien en dehors de mon nom et de mes talents. Ce que vous voyez ici sont mes seules possessions et je doute qu’un simple serment vous suffise.” lui débita-t-elle, curieuse de savoir ce qu’il attendait d’elle, avant de continuer. “Et quand bien même cela vous contenterait, ne pensez-vous pas qu’il me faille, à moi aussi, une preuve de votre sincérité ? Nombre des vôtres se sont joués de moi avant vous, vous savez ?”

Elle n’était peut-être pas en position d’exiger quoi que ce soit de la part du chevalier mais elle avait besoin, elle-aussi de savoir qu’elle pouvait lui faire confiance. Après tout rien ne prouvait à la jeune marchéenne qu’il n’allait pas s’amuser de la voir dévorée par la cour. Tout sérieux qu’il paraisse, ce dont elle doutait toujours, il pouvait lui faire cette proposition dans le simple but de divertir ses semblables.

Le chevalier eu un léger sourire lorsqu'il entendit la blonde devant lui annoncer que le soleil avait peut être tapé trop fort sur la tête du noble. Puis le sourire revint lorsqu'elle demanda une preuve de sa bonne foi, il répondit tout naturellement "Une preuve que je suis honnête ? Et bien, je suis chevalier, les coups bas ne font pas partient de mon code de conduite." Une réponse simple pour le Baron, son statut de chevalier était un handicap parfois au sein des autres nobles, mais en cet instant il s'agissait d'un atout considérable. Cependant, il lui fallait quelqu'un qui n'ait pas les limites qu'il devait respecter. Quelqu'un qui puisse manier aussi habilement le langage que lui sa lame.

Il baissa son regard quelques instants sur les doigts de la jeune femme qui jouait avec la corde de l'arc, le rythme s'était stoppé avant de changer. Avait-elle eu peur ? De la nervosité ? Peut être. Elle aurait sans doute pu lire le doute dans son regard et se serait préparé à fuir ? Il remonta son regard, la détaillant avec grand plaisir, mais qui essaya tout de même de dissimuler pour ne pas être irrespectueux. Même envers les petites gens et les étrangers il se devait de les respecter.

"Votre nom et un serment pourrait suffire à convaincre un chevalier, si c'est là la chose la plus précieuse dont vous possédez. Parfois un serment est plus puissant que toutes les richesses du monde."

Il planta son regard dans celui de la blonde, il avait changé la façon de s'adresser à elle, ce n'était plus aussi familier et remettait en place un protocole correct, il s'adressait désormais à une dame et non à une voleuse, même si c'est ainsi qu'il l'avait rencontré. Il continua de fixer son regard avant de commencer à admirer ses traits, la femme face à lui était désirable et il ne pouvait se mentir la-dessus, mais s'il voulait continuer à rester maître de la situation il ne devait rien montrer. Jusqu'à présent la déstabilisation avait été son atout premier, mais jusqu'à quand pourrait-il continuer à être maître de ce petit jeu qui était en train de se dérouler ? Il fallait rester objectif et lui proposer un rôle par les talents qu'il avait entraperçu et non par son charme déroutant.

L'Orlaisien lui confirma son statut avant de lui rappeler que son code lui interdisait de se jouer des autres. La jeune femme n'avait encore jamais rencontré de véritable chevalier et, bien qu'elle connaisse l'existence de leur code de conduite, elle n'avait jamais eu l'occasion d'en savoir plus sur le contenu du dit texte. Aussi elle restait tout de même méfiante, le jaugeant avec suspicion lorsqu'il lui annonça ce qu'il voulait. Devant le sujet de sa requête, elle le considéra longuement, soudainement prête à lui fausser compagnie et à le perdre dans la foule. Ce serait peut-être compliqué, mais elle pensait en être capable.

Prenant tout de même le temps de considérer la question, la jeune marchéenne pesa une nouvelle fois le pour et le contre. Son nom était la chose qui avait le plus de valeur à ses yeux et il était rare qu'elle le donne, en tout cas au complet. Elle donnait souvent un raccourci, voir un faux nom aux gens qu'elle ne connaissait pas et certainement pas son nom de famille. Son prénom était celui de sa mère, morte en lui donnant naissance et son nom de famille était la seule chose qu'elle avait de son père. C'était, pour elle, quelque chose de très 'intime' et elle avait beaucoup de réticences à le divulguer à la première personne qui croisait son chemin, tout chevalier qu'il fut. Ce n'était pas le soudain respect dans sa façon de lui adresser la parole ni son prétendu code qui allait la mettre en confiance.

"Vous voulez mon nom, messerah ?" lui demanda-t-elle alors, bravache, une lueur amusée dans le regard. "Faites-moi donc connaitre le vôtre. Je vous ferais tous les serments que vous désirez une fois que j'en aurais connaissance."

La menace du cachot n'avait pas disparu et planait toujours au-dessus de sa tête, mais la jeune voleuse s'en fichait pour l'instant. Elle savait qu'elle n'était pas en état de marchander mais s'il avait vraiment besoin d'elle, elle allait négocier selon ses propres termes. Elle voulait lui faire comprendre qu'elle n'était pas le genre de femme à se laisser faire et encore moins manipuler. La manipulation, s'était son terrain de chasse et la jeune marchéenne ne lui en céderait pas une once tant qu'elle n'aurait pas ce qu'elle désirait. Il pouvait bien être l'impératrice finement déguisée, que cela n'aurait pas changé grand-chose. De plus elle sentait qu'il voulait vraiment lui offrir cette opportunité ; elle allait donc en profiter pour s'en tirer au meilleur compte.

Peut-être qu'elle tirait un peu sur la corde. Même plus qu'un peu et elle en avait conscience, mais c'était aussi sa manière de lui montrer qu'elle n'avait pas que ses charmes pour elle. Elle avait de l'esprit et savait manier le verbe avec autant de précision que ses dagues ou son arc, pour frapper où il fallait et faire plier son interlocuteur. En vérité, elle se régalait tout autant de leur petit échange et céder voulait aussi dire y mettre fin, chose qu'elle ne souhaitait pas pour l'instant. Cela faisait bien longtemps qu'elle n'avait eu l'occasion de faire étalage de ses talents et elle se délectait de ce face-à-face insolite.

En vérité, même si elle ne les haïssait pas vraiment, la jeune voleuse n'affectionnait pas particulièrement les nobles. Certes, elle avait vu son lot de dédaigneux mais ce n'était les pires. Les rires et les moqueries étaient encore acceptables. En revanche ce qu'elle abhorrait au plus haut point, c'était le fait qu'ils se montrent parfois violents et cruels sans réelles raisons. Tout leur était dû simplement parce qu'ils étaient nés dans des draps immaculés aux fines broderies. Peut-être qu'elle n'avait pas eu la chance de vivre dans un palais ou de porter des parures de pierres précieuses, il n'en demeurait pas moins qu'elle respirait le même air, vivait sous le même soleil et arpentait le même sol qu'eux.

Aussi, la condition de son interlocuteur ne jouait pas en sa faveur mais, et cela était de taille pour elle, il s'était montré clément et avenant avec elle ; lui parlant même avec une familiarité empreinte de respect qui, aux yeux de la jeune femme, les avait mis sur un même pied d'égalité le temps de quelques échanges. Le protocole dont il usait maintenant avec abondance ne l'impressionnait pas. Cela lui donnait un air exubérant qui ne correspondait pas à ce qu'elle avait apprécié chez lui. Si elle l'avait pu, elle se serait permis de s'adresser à lui plus simplement, sans pour autant lui manquer de respect. Mais ne sachant pas comment il allait réagir, elle s'était abstenue. Elle attendit donc, ses doigts jouant toujours avec la corde de son arc, qu'il lui réponde, s'apprêtant tout de même à lui fausser compagnie s'il ne satisfaisait pas ses exigences quelques peu mal placées.

En examinant la blonde face à lui lors de sa réponse Uther sentit un hésitation venant de son interlocutrice. Sa stratégie n'était pas la bonne, il fallait revenir en arrière. Il opta pour être le plus honnête et respectueux possible, rien d'autres ne pourrait fonctionner que l’honnêteté avec cette dame. Il avait eu l'audace de se sentir maître de la situation mais la réalité était tout autre, il ne l'était plus depuis un moment, l'avait-il seulement été à un moment ? Il fallait reconnaître qu'elle était douée, très douée.  Le chevalier laissa quelques secondes de blanc volontairement réfléchissant à toute allure pour ne plus faire la même erreur.

"Si mon nom peux te montrer ma bonne foie, alors soit, je me nomme Uther De Verchiel"

Il n'avait pas cité les titres et statuts dont il disposait, cela aurait été inutile et aurait sans doute était perçus pour de la frime et il ne voulait surtout pas passer pour un noble comme les autres en exhibant ses titres pour prétendre au respect, cela ne lui en serait en aucun cas bénéfique, surtout qu'il fallait qu'il rattrape son erreur. Quel imbécile, il avait commis une faute de débutant, dans le "jeu" cela lui aurait coûté chère. Il prit le temps d'observer la réaction de la jeune blonde, il ne désirait pas s'arrêter là dans cet échange. Il commençait a y prendre gout et avait l'intention d'aller jusqu'au bout sans qu'une malheureuse erreur y mette terme aussi soudainement qu'elle avait commencé. Il priait pour le pas qu'elle s'envole parmi les gens de la foule, même s'il l'avait attiré dans un endroit plus calme elle pourrait être très rapide.

Au moins était-il soulagé, le protocole ne lui servirait en rien étant donné la réaction et la réticence qu'elle avait dégager quand il s'était adressé à elle de la façons "Noble" disait-on. Un bon point, cela lui changerait de d'habitude. Peut-être se forçait-elle a s'exprimer de cette façons pour éviter qu'il ne la livre aux autorités, cela exprimait donc une crainte mais aussi une méfiance vis à vis de lui. Il fallait qu'il y remédie d'une façons ou d'une autre.

Le chevalier admira encore une fois la blonde en face de lui, il admirait son courage et sa détermination, même dans une situation qui n'était pas a son avantage elle ne démontait pas et tenait tête à celui qui l'avait pris la main dans le sac. La discutions était devenu un petit test, chacun des deux se cherchait, et poussait l'autre dans ses retranchements. Il aimait cette discussion et la tournure qu'elle prenait, si cela ne s’enchaînait pas de la fuite de la blonde.

La jeune voleuse jaugeait toujours son interlocuteur avec attention. Il semblait avoir compris que les ronds de jambes n'impressionneraient pas son interlocutrice. Il s'accorda une légère pause et sembla prendre le temps de réfléchir. Lorsqu'il s'adressa une nouvelle fois à elle, il était revenu sur un ton plus familier et il lui dévoila son nom sans se dérober. De l'honnêteté, voilà ce que la jeune marchéenne attendait de lui et, voyant que c'est ce qu'elle obtenait, elle eut un petit sourire. De plus il n'avait pas étalé ses titres devant elle et elle appréciait cette petite touche d'humilité. Voyant qu'il acceptait de se plier à ses exigences, elle décida de s'adresser à lui de façon moins formelle. Elle hocha donc la tête et consentit à se nommer.

"Ysaliss Howel, pour te servir, messerah." lui dit-elle en se redressant pour lui faire une belle révérence sans se départir de son sourire. "Mais mes amis m'appellent Ysa ou encore Liss."

Ces quelques mots, somme toute sans importance, lui révélait subtilement le fait qu'il pouvait lui faire confiance. Avant de s'adosser à nouveau contre le mur, elle écarta les pants de sa lourde pelisse et passa ses pouces dans sa ceinture. Elle n'avait plus besoin de dissimuler les deux dagues qui se trouvaient de chaque côté de ses hanches et se mettait ainsi plus à l'aise, révélant ses formes avantageuse par la même occasion. Elle le regarda alors plus longuement avant de sourire à nouveau. Elle avait eu de la chance dans son malheur finalement. Peut-être que le créateur y était pour quelque chose. Elle ne savait pas et n'aurait surement jamais la réponse. En revanche ce dont elle était sûre c'est qu'elle voulait en savoir plus sur leur petit arrangement, aussi reprit-elle la parole, bien plus confiante sur le fait qu'il ne la jetterait pas dans les griffes des gardes.

"Mais revenons plutôt à notre accord." lui dit-elle, soudain espiègle alors que son sourire s'agrandissait. "Je prête serment de te servir, messerah. Maintenant, qu'attend-tu de moi exactement ?"

Attendant la réponse du chevalier, Ysaliss apprécia la fraicheur qui régnait dans cette ruelle calme. Même si Firstfall était bien entamé et que l'air s'était considérablement rafraichit, il n'en demeurait pas moins que sa lourde pelisse lui tenait chaud, peut-être même un peu trop. Il faisait bien plus chaud en plein cœur de la ville que dans sa périphérie. Cela venait surement du fait que les bâtiments conservaient la chaleur et les activités de la foule l'intensifiaient. Ils pouvaient d'ailleurs percevoir l'agitation du marché de là où ils se trouvaient, mais le son était étouffé par l'éloignement et les murs qui les entouraient, rajoutant de l'intimité à leur discussion. Elle aurait préféré continuer dans une taverne où ils auraient été plus confortablement installés mais ils risquaient d'y perdre en compréhension.

A cette heure-ci de la journée, les auberges étaient bien souvent bondées et les gens qui s'y remplissaient le gosier étaient fort bruyants. Ysaliss et le chevalier auraient donc eu surement plus de mal à se comprendre par-dessus la cacophonie des ivrognes et joueurs. De plus, habituée aux usages de ce genre d'établissement pour y avoir été partiellement élevée et y avoir travaillé, la jeune marchéenne était quasiment certaine que quelques belles-de-nuit viendraient chercher l'attention de son interlocuteur avant même que la première bière ne soit servie. Ici, à l'abri de la ruelle, ils pouvaient donc mieux discuter. De toute façon, la jeune femme blonde n'avait pas d'argent à dépenser dans ce genre d'endroit, pour le moment. Mais sa gorge commençait à s'assécher et elle n'aurait pas dit non à un bon boc de breuvage légèrement alcoolisé.

Le chevalier s'accorda un petit sourire lorsque son interlocutrice afficha sur son visage un sourire de satisfaction. Visiblement il avait touché juste, il fallait rester le plus simple possible il n'était pas dans un de ces balles ou les politesse apparente et les coups dans le dos étaient monnaies courante. Lorsqu'il entendit la réponse de la femme, il souffla intérieurement, ravie d'avoir pu obtenir son nom  et surtout tourner la discussion sur un ton moins emplis de fausse politesse et de crainte de l'autre.

Il observa attentivement la femme, les deux dagues a sa ceinture, ce n'était pas une voleuse ordinaire, son attirail n'en était en aucun cas celui d'un débutant ou du moins de quelqu'un ayant prévus que les choses pourraient mal tourner. Cependant cet accès de regard à son équipement lui permit aussi de voir les formes de la jeune femme. Il était obligé de reconnaître qu'elle était désirable et aussi belle qu'intelligente. Il prit un moment pour répondre, qu'attendait-il d'elle ? Il n'était pas sûr de ce qu'il attendait mais il savait qu'il avait besoin d'elle. Alors dans une logique implacable il finit par lui répondre.

"J'aimerai te proposer un rôle, celui de jouer une noble d'une contrée étrangère, au sein de la cour, avec pour but, l'information. J'ai besoin d'yeux et d'oreille au sein des autres Nobles la ou je ne peux aller voir et entendre."

Il espérait ne pas en dire trop, ni pas assez. Il fallait déjà savoir si elle était intéressé. A vrai dire Uther ne savait pas trop comme elle allait le prendre, mais il ne voulait plus tenter une quelconque manipulation ou même envisager la réaction de la charmante blonde face à lui. Il annonçait honnêtement ce qui lui proposait. Cependant il s'accorda un regard des deux côtés de la ruelle, il ne faisait certes pas chaud mais quel meilleur endroit pour ce type de conversation ? Au moins les espions seraient facilement détectable dans le calme de cette rue.

Il essayais d'envisager le pire, qu'allait-il faire si jamais elle refusait ? Si jamais elle décidait de couper court à cette discussion ? Devait-il la laisser partir en lui souhaitant bonne chance ? Il ne devait pas y penser ou il fauterait à nouveau auprès de Ysaliss. Chose qu'il ne voulait pas réitérer maintenant qu'ils avaient trouver un terrain d'équité et d'entente. Puis il se rappela ce qui les avaient amenés ici, avait-elle faim ? Désirait-elle se désaltérer ? Il lui demanderait sans doute sous peu.

Le regard du chevalier glissant sur ses formes et ses armes n'échappa pas à Ysaliss. Le sourire de la jeune voleuse s'agrandit légèrement à cette constatation. Elle aimait voir l'effet qu'elle faisait aux hommes dans leurs yeux, voir leurs regards sur elle et lorsqu'ils étaient aussi charmants que l'était son interlocuteur c'était d'autant plus agréable. Elle put aussi voir qu'il avait l'air 'impressionné' par son équipement. La jeune marchéenne n'était peut-être pas riche, mais elle portait beaucoup d'attention à ses armes. Elles étaient ses meilleures amies et elles l'avaient tirée du pétrin bien plus souvent que de coutume. Ce n'était pas pour rien qu'elle s'était auto-proclamé voleuse professionnelle.

Elle-même avait remarqué la large épée qu'il portait à la ceinture. Elle avait eu l'occasion de la voir de très près lorsqu'elle s'était baissée pour le délester de ses pièces. A la façon dont il posait ses mains sur le pommeau de l'arme, elle pouvait voir qu'elle avait une signification particulière pour le jeune chevalier. Du peu qu'elle en avait vu, elle semblait de très bonne facture. Cela complétait la tenue du jeune noble, rajoutant ainsi de la prestance à sa tenue ainsi qu'à son allure. Se raclant la gorge, elle laissa ses yeux glisser jusqu'au visage de son interlocuteur, un léger sourire en coin sur ses lèvres joliment ourlées.

Le chevalier finit par lui répondre et l'informa de son plan, ce qui eut pour effet de transformer la petite moue de la jeune marchéenne en air dubitatif. Il comptait la faire passer pour une noble afin qu'elle 'espionne' pour son compte à la cour. Certes elle savait jouer la comédie et elle avait de l'esprit, mais était-elle assez compétente pour duper les grands d'Orlaïs ? Elle en doutait fortement. De plus elle n'avait que sa tenue et elle ne passerait surement pas pour une noble dans son accoutrement. Les beaux atours étaient chers et elle n'avait pas d'argent à consacrer à cette entreprise. Aussi lui demanda-t-elle :

"Et comment compte tu me faire passer pour une noble, messerah ? Ai-je seulement la prestance nécessaire à cette entreprise ? Quand bien même j'y parviendrais, je me dois d'être présentable, ce n'est pas avec cette tenue que je le serais."

Elle ajouta un geste de sa main droite, montrant ce qu'elle portait pour souligner ses propos. Alors qu'elle lui posait ces quelques questions, elle remarqua le regard qu'il porta à chaque entrée de la ruelle. Craignait-il que quelqu'un surprenne leur conversation ? Si c'était le cas, Ysaliss se devait de rester aux aguets. Il serait fort dommage que leur petite mascarade soit démasquée avant qu'elle n'ait pu être mise en œuvre. Alors qu'elle jetait un regard dans les deux directions qui avaient déjà été vérifiée par le chevalier, elle se racla la gorge une nouvelle fois et toussa légèrement avant d'humidifier rapidement ses lèvres sèches de sa langue quelque peu râpeuse. Comme pour souligner sa déshydratation, un grognement sourd provenant de ses entrailles se fit entendre. Elle se pinça alors les lèvres et leva un regard penaud vers le jeune homme face à elle, s'apprêtant à s'excuser.

Uther remarqua le regard de la blonde, le détaillant. Il avait appris à s'habituer des regards qui le décrivaient et il avait appris à ne pas y faire attention, mais celui de la jeune femme devant lui le troublait, là où au contraire cela n'aurait du rien lui faire. Il prit une inspiration et lâcha un petit rire quand il entendit les questions de la voleuse. Il avait réussi à piquer sa curiosité une chose de faite il allait pouvoir lui expliquer comment il voyait les choses.

"Je te fournirais tout ce dont tu as besoin pour aller à la cour, les parures te seront offertes. En échange des informations que tu me ramèneras, je te promés protection, logis et nourriture."

Il détailla encore la jeune femme de haut en bas en ayant suivit le geste de sa main droite qu'elle avait fait. "Pour ce qui est de la prestance, seul t'es vêtements trahissent ta condition. Et puis, personne n'est né en ayant la connaissance de comment se tenir à la cour Orlésienne."

Là était la vérité, avec cette échange si elle avait été dans une réception il n'aurait jamais pu deviner ses humbles origines dans de belles robes en provenance d'Antiva ou de Riveïn. Dans tous les cas il croyait en elle et pensait qu'elle pourrait duper tout les nobles avec quelques conseils pour se tenir à la cour, le "jeu" s'apprenait sur le tas, mais quelques conseils avisés ne serait pas de trop pour lui éviter de finir la tête séparée du corps.

Lorsqu'il entendit l'estomac de la jeune blonde face à lui il prit la parole immédiatement avant elle pour éviter une quelconque excuse "Tu as faim ? Continuons cette discussion dans un endroit où tu pourra te restaurer, si tu le désires, je t'offre le repas."

Il afficha un sourire à l'ironie de la situation, elle avait tentée de le voler pour pouvoir manger et voilà qu'il lui offrait le repas. Peut être était-ce une rencontre qui n'était pas dû qu'au hasard ? Il verrait bien pour l'instant il fallait que la jeune voleuse mange à sa faim..

La jeune femme écouta les explications du chevalier avec attention. Malgré le fait qu'elle tentait de rester impassible, ses mots la firent réagir. Ses yeux s'agrandirent sans qu'elle puisse se retenir à la mention des parures et au fait qu'il comptait les lui offrir. Il devait vraiment avoir besoin d'un allié pour faire de telles propositions. De plus il lui offrait protection, gîte et nourriture en échange de ses 'services' sans aucune hésitation. Ysaliss n'aurait pas pu rêver mieux. Voler la bourse de ce jeune chevalier était vraiment ce qu'il lui était arrivé de mieux ces dernières années. Elle avait vraiment bien fait de suivre son instinct et de venir en Orlaïs. Le rose lui monta aux joues, les colorant légèrement alors qu'il lui assurait qu'elle avait la prestance requise et lui sourit timidement à cette remarque. On lui avait déjà fait nombres compliments sur sa beauté mais jamais sur sa façon d'être. Bien au contraire, certaines personnes dans l'entourage de sa mère adoptive avaient tendance à la trouver hautaine et arrogante alors qu'en réalité, elle aimait juste les belles phrases et la musicalité des mots.

Son estomac gargouilla et elle offrit un sourire penaud au chevalier qui lui faisait face. Alors qu'elle s'apprêtait à s'excuser, il la devança, prévenant comme il le lui avait déjà montré. Il proposa même de lui offrir le repas ce qui la fit sourire devant l'ironie de la chose. Elle avait volé son argent pour manger et voilà qu'il lui annonçait qu'il allait payer pour elle si elle le désirait. Mais la jeune marchéenne avait son honneur et elle secoua la tête. Il lui restait de maigres économies qu'elle avait mises de côté jusqu'ici. Le fait que bientôt elle n'aurait plus à se soucier de ce détail d'importance lui donnait la possibilité de les utiliser sans se poser la question de quoi demain serait fait.

"Merci, messerah, mais il me reste encore quelques piécettes que je conservais à cette intention." lui avoua-t-elle en se redressant. "Te joindrais-tu à moi ? A moins que tu ne préfères me donner rendez-vous plus tard pour que nous mettions ton idée à exécution ?"

En vérité, la jeune femme aurait volontiers continué leur conversation autour d'une bonne chope de bière, dans un endroit où ils pourraient se mettre à l'aise. Mais elle savait aussi que le chevalier avait une réputation à tenir et, le fait qu'il soit vu dans une taverne à boire avec une va-nu-pieds pouvait ternir le prestige de son nom. Aussi s'attendait-elle à ce qu'il refuse et lui demande de la retrouver plus tard. Elle espérait juste qu'il choisirait un endroit qu'elle n'aurait pas de difficulté à trouver dans cette ville qu'elle visitait pour la première fois.

Uther aurait affiché un plus grand sourire en voyant qu'il avait fait rougir la jeune femme. Et pouvait dors et déjà pensée qu'elle serait intéressée par le rôle qui lui proposait. Une bonne chose, enfin il touchait au but. Il n'avait donc pas failli envers son devoir de chevalier puisqu'il avait aidé une démunis et se préparait à affronter ses ennemis politiques dans les règles de l'art.

La jeune femme refusa son offre de lui offrir un repas, sans doute pas édits de conscience ou par honneur. Son coeur balança lorsqu'elle lui proposa de l'accompagner dans une taverne pour continuer la discussion. En temps normal il aurait refusé directement et donné rendez-vous plus tard dans un autre coin de la cité. Aujourd'hui il ne savait pas trop, il regarda le ciel au-dessus de lui pour tenter de définir le moment de la journée. Difficile à dire dans cette ruelle sombre. Cependant, la cape qu'il portait pourrait faire office de cache-visage. Il mit donc son capuchon et retira la plume jaune visible de son armure pour la ranger dans une des besace pendant à sa ceinture avant de prendre la parole.

"Connais tu un établissement dans le coin ? Si c'est le cas je te suis."

Il n'était que trop rare qu'un chevalier passe par les tavernes de la ville, excepté dans une tenue qui donnait moins d'importance et cachait leurs statuts. Mais par contre un Baron n'avait pas sa place, il s'agissait de noblesse et aucun noble n'avait de place dans une taverne du bas peuple. Cependant, Uther n'était pas très connu en Val Royaux et cela l'arrangeait. A Verchiel cela aurait été très différent, mais ici il pouvait se permettre, avec son capuchon et sa plume dissimulée,d'accompagner la jeune femme.

Ysaliss observa le jeune baron ranger sa plume jaune qui, trouvait-elle, jurait quelque peu avec le reste de sa tenue et se couvrir d'une capuche pour masquer légèrement son visage. Soudainement, il avait l'air bien plus commun et, si ce n'était la présence du blason, on aurait pu le prendre pour un simple voyageur. Cela lui plaisait et elle le détailla une fois de plus en récupérant son sac avant de se diriger vers la sortie de la ruelle, tout en hochant la tête à sa question. Cela ne faisait que quelques heures qu'elle se trouvait à Val Royeaux mais la jeune voleuse avait déjà repéré une taverne qui avait l'air prometteuse.

"Il y en a une à quelques pas d'ici, si je me souviens bien." lui dit-elle en pointant la direction du marché du menton. "L'élégance, ou quelque chose comme ça."

Elle s'était abstenue de s'adresser à lui en utilisant la particule de respect marchéenne pour ne pas attirer l'attention et elle espérait qu'il ne le prendrait pas mal. C'était assez étrange pour elle de l'avouer mais il était le premier noble qu'elle appréciait vraiment et elle ne souhaitait pas compromettre la bonne entente qui s'était installée entre eux. Elle sortit donc de la ruelle, entrant dans la foule une nouvelle fois et espérait qu'il connaissait l'endroit qu'elle avait mentionné dans le cas où ils seraient séparés par la masse de gens qui arpentaient le marché. Elle se faufilait adroitement entre les passants mais faisait attention à ne pas perdre le chevalier des yeux.

Autour d'eux, malgré le fait que l’après-midi soit déjà bien avancé, les gens vaquaient toujours à leurs occupations, marchant d'un pas aussi rapide que la grande concentration de personne le permettait. Le bruit de la foule les entourait, faisant légèrement tourner la tête de Ysaliss. Le manque de nourriture se faisait également sentir et, alors qu’un passant forçait le chemin, coupant ainsi la route à la jeune voleuse, elle manqua de perdre l’équilibre. Tentant de se rétablir, elle dut s’accrocher à la première personne près d’elle. Lorsqu’elle tourna la tête pour s’excuser, elle rencontra le regard brun du chevalier et se redressa prestement alors que le rose lui montait aux joues. Aillant été partiellement élevée par une belle-de-nuit dans une taverne faisant parfois office de bordel, elle n’était pas le genre de femme à être facilement gênée par la proximité avec la gente masculine, bien au contraire. Mais étrangement voir le visage du charmant chevalier d’aussi près lui avait fait perdre sa contenance. Elle en oublia même de s’excuser et se contenta de le fixer, toujours bousculée par les gens autour d’eux.

Uther regarda la blonde avec attention et la suivit à travers la foule du marché, il se faisait aussi discret que possible suivant tant bien que mal la voleuse à travers tout ce monde. Elle avait sans doute pour habitude de se faufiler partout, mais tout chevalier qu'il était, lui n'en était pas du tout accommodé. Il trouva cela compliqué de slalomer entre toutes les personnes présentes sur cette allée. Il admirait la finesse et l'habileté avec laquelle la jeune femme se déplaçait, alors qui la regardait avancer il pria secrètement que le trajet soit long pour qu'il puisse continuer à l'admirer.

Dans ses dernières paroles avant de commencer à partir pour l'établissement où ils pourraient parler autour d'une chope elle avait abandonné le protocole et ainsi se faisant, elle avait créée un certain lien de proximité et cela lui plaisait encore plus. Lorsqu'un marchant coupa la route de la blonde devant lui et qu'il la vit chanceler il se dépêcha d'arriver à sa hauteur pour la retenir et ainsi éviter qu'elle ne tombe. Par réflexe surement la jeune femme le saisit et se remit droite en s'appuyant sur lui. En tournant la tête la voleuse se trouva à quelques centimètres du visage du chevalier. Le regard du noble se perdit d'abord dans celui de la blonde et pendant quelques instants le silence régna.

Puis il lui demanda calmement mais inquiet "Tout va bien ?" Il ne reçut aucune réponse au premiers abord, alors il retenta sa chance en demandant une nouvelle fois "Tout va bien ? Ca va aller ?"

Il la tenait toujours de peur qu'elle ne rechute et continuait à perdre son regard dans celui de la charmante blonde, une lueur inquiète pour elle tout de même.

Les mots du chevalier atteignirent ses oreilles mais elle ne parvenait pas à reprendre ses esprits. Son regard se perdait dans celui du jeune homme et elle perdait pied. C'était une sensation étrange qu'elle ne parvenait pas à contrôler. Elle sentait la pression de la main du noble contre sa taille malgré l'épaisse pelisse et le rose sur ses joues s'intensifia. Un coup d'épaule d'un autre passant, surement dérangé par le fait qu'ils se trouvaient immobiles au milieu de la foule, la fit enfin revenir à elle et elle hocha la tête avant de se racler la gorge.

"Oui… pardon, messerah." lui répondit-elle en baissant la tête, gênée de cette proximité impromptue.

Brisant ainsi le contact visuel, elle se força à regarder autour d'elle. La masse compacte des passants l'empêchait de voir où ils allaient et la déboussolait. Elle avait besoin de voir plus loin. Se mettant sur la pointe des pieds, elle finit par repérer ce qu'elle cherchait et le montra d'un geste du menton.

"La taverne est de ce côté, messerah." lui dit-elle alors, prenant soin d'éviter les yeux de son interlocuteur.

Cela ne lui ressemblait pas de réagir ainsi et elle prit le chemin de l'auberge, contrariée par ce qu'il s'était passé. Elle se glissait entre les passants sans plus regarder en arrière, souhaitant maintenant sortir rapidement de la foule. Elle avait perdu le contrôle d'elle-même. Elle s'était laissé surprendre et cela l'énervait au plus haut point. Ysaliss était en colère contre elle-même et elle se mordit la lèvre, les sourcils froncés alors qu'elle avançait rapidement, jouant parfois des coudes pour passer et traverser la place. Elle était toujours maîtresse d'elle-même et de la situation. Les rares fois où elle montrait une émotion de gêne ou une quelconque faiblesse c'est qu'elle l'avait décidé. Et dans le cas présent, elle n'avait rien décidé ; elle avait subi. Serrant les poings sous sa lourde pelisse, elle finit par atteindre le lieu qu'elle cherchait.

Devant elle se trouvait un établissement a la façade peinte en bleue souligné de doré. La pancarte indiquait qu'il s'agissait bien de "L'élégance" comme elle s'en souvenait et on pouvait y voir une jeune femme faisant une révérence dessinée sous le nom joliment calligraphié. Des gens y entraient, d'autres en sortaient un peu plus chancelants que les premiers et elle allait faire de même lorsqu'elle s'arrêta brusquement avant de se retourner. Son regard parcourut la foule et elle plissa les yeux pour concentrer sa vision sur les passants. Elle n'avait pas pensé une seule seconde que le chevalier risquait d'avoir plus de mal à se faufiler derrière elle. Elle finit par l'apercevoir et attendit qu'il arrive à ses côtés.

"Mes excuses, messerah." lui dit-elle alors, sincère. "J'aurais dû vous attendre."

Sans vraiment s'en rendre compte, perturbée par sa mésaventure au cœur de la foule, la jeune marchéenne avait repris ses vieilles habitudes protocolaires.

Uther aurait tenu bien volontairement la jeune voleuse dans ses bras quelques instants de plus, mais elle s'excusa et prit une démarche rapide, trop rapide pour que le chevalier puisse la suivre à travers la foule sans la perdre de vue. Il continua donc à son rythme faisant le plus vite possible pour la rejoindre. Elle l'avait de nouveau appelé "Messerah" alors que depuis qu'ils avaient quitté la ruelle elle s'était tenue au langage entre bons amis ou du moins connaissance. Cela l'intriguait.

Il arriva devant l'établissement "L'élégance" et retrouva la blonde. Encore une fois elle s'excusa, Uther la regarda avec un léger sourire. "Tu t'excuses bien trop pour une voleuse. Il n'y a aucun mal, je t'aurais ralentit si tu m'avais attendue."

Il regarda la façade de l'auberge et revint sur la jeune femme. Elle avait changé d'humeur dans sa façon d'agir et d'être, le chevalier l'avait bien remarqué. "Tu m'as appelé Messerah au fait." dit-il près d'elle en regardant la foule avant de reporter son regard dans celui de son interlocutrice.

Il offrit de nouveau un sourire à la blonde avant d'ouvrir la porte de l'auberge et l'inviter à rentrer. Elle avait bien mérité son repas et Uther craignait que si elle ne mangeait pas dans les minutes qui suivaient elle tomberait certainement et cela il n'en avait aucune envie.

L'intérieur de la taverne était bondé, mais une petite table tranquille se trouvait dans le fond, Uther invita la voleuse à aller s'asseoir pendant qu'il irait commander directement au comptoir. "Va t'asseoir, je vais au comptoir demander à ce que l'on nous servent." Il espérait qu'elle n'allait pas protester mais simplement aller se poser sur la chaise en attendant le repas bien mérité qui avait failli lui coûter un séjour au cachot si elle avait détroussé un autre noble que le Baron.

Le chevalier répondit aux excuses d'Ysaliss qu'il n'aurait fait que la ralentir et elle secoua la tête pour le détromper. Elle n'avait nullement besoin de se presser et le fait qu'elle ait pu le perdre dans son sillage l'énervait. Elle avait perdu pied, incapable de réagir autrement que comme une écervelée sous le regard du charmant chevalier. Elle évita son regard une fois de plus et son changement de comportement n'échappa aucunement au jeune homme. En quelques mots il lui rappela son retour protocolaire et elle pinça les lèvres, contrite.

"Mes excuses…" lui dit-elle à nouveau, laissant sa phrase en suspend pour se retenir de l'appeler messerah une fois de plus.

Il avait raison, elle devait se reprendre. La jeune marchéenne ne souhaitait pas que le noble se fasse remarquer par sa façon de s'adresser à lui. Il tenta de nouer un contact du regard, mais la jeune femme tourna les yeux vers la foule, non sans avoir vu son sourire et le fait qu'il lui tint la porte. Détachant rapidement son attention de la masse de passants, elle le suivit en se redressant. Elle se traita mentalement de petite sotte avant de se rappeler les leçons de sa mère adoptive. Ne jamais perdre sa contenance, peu importe ce qu'il se passait. C'était une règle primordiale, surtout avec les hommes, lui avait-elle enseignée lorsqu'elle fut en âge de s'intéresser à la gente masculine.

Les mots que prononça alors le baron la tirèrent de ses pensées et elle hocha la tête, docile avant d'aller trouver une table de libre. Elle en repéra une dans un coin plutôt sombre où elle savait qu'ils ne seraient pas dérangés et s'y installa, laissant son sac tomber au sol. Elle dégrafa ensuite la fibule qui maintenait le col de sa lourde pelisse et la repoussa sur le dossier de sa chaise. Alors qu'elle rangeait la lourde agrafe ronde métallique dans une de ses poches de ceinture, elle prit le temps de détailler l'endroit. Comme elle l'avait pensé, les lieux étaient bien remplis d'ivrognes et de joueurs et cela lui redonna le sourire. Elle se sentait dans son élément ici. Cela lui rappelait quelque peu la "Rose en Fleur" et elle observa rêveusement les vas et viens des serveuses qui n'hésitaient pas à cajoler les clients afin de leur faire dépenser plus d'or.

Parfois un rire gras s'élevait par-dessus les discussions, rythmés du bruit des pièces qui roulaient sur la table et s'entrechoquaient entre-elles. Croisant les bras sur la table, elle ferma un instant les yeux et elle s'imagina dans un coin de la taverne de la haute ville de Kirkwall. Il ne manquait plus que la voix de sa mère adoptive l'appelant pour aller resservir tel ou tel bourgeois et elle était de retour dans sa ville natale. La jeune voleuse poussa un petit soupir de contentement avant de rouvrir les yeux et de voir le chevalier s'approcher de la table où elle se trouvait. Tout en retirant ses gants de cuir, elle l'observa prendre place face à elle et, instinctivement, son sourire se fit charmeur.

"J'espère que tu voudras bien me pardonner mon humeur de tout à l'heure." lui dit-elle assez fort pour qu'il l'entende mais pas assez pour que d'autres surprennent leur conversation. "Je n'ai pas pour habitude de me faire prendre et de perdre l'équilibre ainsi. J'ai commis deux erreurs dans la même journée et cela m'a quelque peu perturbée."

Alors qu'elle prononçait ces mots, elle replongea son regard dans celui de son interlocuteur. Elle était à nouveau maitresse d'elle-même. Peut-être que le manque de nourriture y avait été aussi pour beaucoup et, maintenant qu'elle savait qu'elle allait se restaurer, elle se sentait beaucoup plus calme. Sans détourner les yeux du jeune chevalier, elle plia ses gants avec la précaution de l'habitude et les poussa sur le côté. Il n'y avait rien de tel que l'ambiance d'une taverne pour améliorer son humeur et cela c'était révélé exact une nouvelle fois. Maintenant qu'elle était dans de meilleures dispositions, elle se permit de laisser glisser son regard sur le visage du jeune baron un fois de plus. Elle s'était laissé avoir par son charisme, mais elle se promis que cela n'arriverait plus.

Uther avait laissé Ysaliss aller s'asseoir l'observant de loin, veillant et mémorisant la table qu'elle avait choisi. La table qu'il avait lui-même repéré quelques instants plus tôt parfait. Il parti en direction du comptoir où il attendait que le patron de la taverne puisse être libre quelques secondes afin de commander le repas pour la belle voleuse. Le soudain changement de comportement l'intriguait, pourquoi ce changement si soudain ? En était-il responsable ? Il n'en savait rien et si c'était le cas il n'en avait jamais eu l'intention, mais il en parlerait avec elle pour connaître la raison, si elle jugeait qu'il était en droit de savoir. Dans le cas contraire, il s'accommoderait de cette ignorance. Ce fut les bruits du tavernier qui le fit sortir de ses pensées, "Alors qu'est-ce qui veut l'encapuchonné ?" Uther regarda derrière lui, admirant la blonde qui était maintenant assise à la table avant de revenir sur le tavernier et lui répondre "Un plat du jour et deux pintes." . Le tavernier sourit avant de gueuler comme un soûlard vers les cuisines, puis se retourna vers le chevalier en mettant les deux pintes sur le comptoir. "Va t'asseoir les filles viendront te servir."

Uther prit les deux pintes et parti en direction de la table pour rejoindre sa nouvelle protégée. Les jeux de pièces qui tournaient parfois mal ou les personnes trop gaiement gênait l'avancer du noble dans la taverne aussi bien qu'il crut ne jamais pouvoir arriver à cette table. Il posa les pintes et ajusta sa lame au cas où il aurait besoin de s'en servir, mais pour l'instant il la laissa dans son fourreau. Le chevalier posa ses avant-bras sur la table plongeant son regard dans celui de la belle blonde alors qu'elle s'excusait et expliquait son changement d'humeur, il avait l'impression d'être aspiré par ce regard et se sourire charmeur, qui fit naître sur ses propres lèvres un sourire qui n'était pas contrôlé. "Quel changement d'humeur ?" Répondit-il pour signaler que cela ne faisait rien. "Les erreurs sont parfois nombreuses dans une vie, mais heureusement parfois on peut se permettre de les faire lorsqu'on ne risque rien." Lorsqu'il finit sa phrase il ne savait pas à qui était adressé ces paroles, était-ce à lui ? Ou bien à elle ? Elles étaient venues naturellement, peut être avait-il commis une erreur à son tour ? Tout dépendait désormais de la suite.

Il vit les yeux de la charmante voleuse parcourir son visage et il en fut flatté, il l'avait lui-même fait quelques instants plus tôt dans la ruelle et ne cesserait d'admirer les traits de la marchèenne.

Ysaliss observa le charmant chevalier s'asseoir à la table qu'elle avait choisi et poser les deux pintes dont il était chargé sur la surface de bois, d'une propreté toute relative. Elle n'y toucha pourtant pas tout de suite, attendant quelques instants pour se servir. Elle profita de ce petit moment pour s'excuser de son changement d'humeur et il lui fit comprendre qu'il ne lui en tenait pas rigueur. Elle lui sourit alors, tout en se débarrassant de ses gants, son regard ne quittant pas celui de son interlocuteur alors qu'il prononçait une phrase curieuse. S'adressait-il à elle ou bien parlait-il de lui ? Elle continua de le détailler pour son plus grand plaisir, sondant son visage pour tenter d'en apprendre plus du mystérieux jeune homme et de comprendre ce qu'il voulait lui signifier. Incapable de le percer à jour, elle n'abandonna pourtant pas son observation. Il piquait sa curiosité et cela lui plaisait ; elle aimait les énigmes.

Un nouveau sourire vint prendre place sur les lèvres de la jeune voleuse alors qu'elle tendait une main vers la pinte la plus proche d'elle. Sans toutefois le quitter du regard, elle leva légèrement le boc pour lui signifier qu'elle trinquait avec lui avant de le porter à ses lèvres et laissa le liquide ambré glisser dans sa gorge. Incapable de se retenir, elle ferma les yeux et en but une longue gorgée. Lorsqu'elle se fut un peu plus désaltérée, elle reposa la chope sur la table en poussant un petit soupir de plaisir.

"Rien ne vaut une bonne bière pour calmer la soif." ajouta-t-elle alors en rouvrant les yeux.

Elle les laissa à nouveau détailler son interlocuteur alors qu'une jeune femme s'approchait maintenant d'eux, les bras chargés d'une assiette bien remplie. Détachant son attention du charmant chevalier, elle observa la serveuse alors qu'elle posait son fardeau entre eux. Elle avait les charmes qui allaient souvent avec l'emploi qu'elle exerçait et, comme Ysaliss s'y attendait, elle ne se fit pas prier pour les mettre à profit.

"Il vous fallait autre chose ?" demanda-t-elle, mielleuse en se penchant légèrement vers le jeune homme, lui dévoilant un peu plus ce que contenait son corsage bien remplit.

La jeune voleuse était habituée à cette façon de faire, elle même l'avait utilisé plus d'une fois lorsqu'elle travaillait avec sa mère adoptive à la "Rose en fleur" dans la haute ville de Kirkwall. Habituellement elle respectait ce genre de femmes, capable de passer une journée entière entourée d'homme mais suffisamment forte pour se faire respecter. Seulement cette fois c'était différent. Une vague d'agacement prit la jeune marchéenne à la gorge devant le comportement de l'intruse et elle prit la parole, brusquement, coupant le chevalier qui semblait prêt à répondre.

"Non, merci." lui répondit-elle sèchement mais poliment, un sourire qui se voulait aimable placardé sur ses lèvres. "Dans le cas contraire, nous savons où vous trouver."

Sans s'en apercevoir, elle serait la chope dans sa main droite. Sa poigne était si forte que les articulations de ses doigts blanchirent rapidement sous la pression. La jeune serveuse hocha alors les épaules avant de montrer l'assiette et les deux pintes.

"Alors ça fera trois pièces d'or." lui annonça-t-elle, une petite moue boudeuse sur le visage.

Ysaliss hocha la tête sans répondre et plongea la main dans une des pochettes accrochées à sa ceinture. Elle y attrapa les trois dernières pièces d'or qu'elle possédait et les laissa tomber sur la table.

"Trois pièces d'or." compléta-t-elle d'un ton presque mordant alors qu'elle ne cessait de sourire.

La serveuse la remercia d'un hochement de tête avant de se détourner d'eux et de s'en retourner à son travail. Un long soupir s'échappa alors de la bouche de Ysaliss, accompagnant la jeune importune qui s'approchait maintenant d'une autre table et s'assit sur les genoux d'un homme plus qu'éméché. Puis elle reprit une longue gorgée de sa pinte avant de s'emparer de la fourchette qui reposait sur le rebord de l'assiette et de prendre un petit morceau de viande. Elle le porta à sa bouche, le mâcha et l'avala puis tourna une nouvelle fois son regard vers le jeune baron. Comme s'il ne s'était rien passé, elle lui fit un léger sourire avant de pointer l'écuelle de son ustensile culinaire.

"Si tu en veux, ne te gêne pas." l'invita-t-elle, plus douce.