| Des ennuis ? quels ennuis ? On n’a des ennuis que si on se fait prendre ! |
Grondante, la douleur cognait depuis la naissance de ses tempes jusqu'aux méandres de son estomac tordu par les restes d'alcool occupant encore une grosse partie de son sang. D'un un soupire affligé s'apparentant vaguement à un "beuaaaah" fatigué, Alaric, à l'étroit dans sa cage suspendue dans les airs, émergea du coma post-éthylique dans lequel il était plongé, affublé en prime d'une gueule de bois à en assommer un bronto mâle adulte.
"Vieuuuux... dans quelle galère tu t'es encore embarqué cette fois !" c'est ce que lui soufflait en silence le regard flegmatique de Ste'k assis là, quelques mètres plus loin, ne pouvant qu'à peine passer son museau dans la petite ouverture donnant sur le dehors. Dans un grognement réprobateur, Al' croisa ses bras contre sa nuque pour s'adosser aux barreaux froids et rouillés de sa cage à peine assez grande pour lui.
"Oh ça va hein ! tu râlais pas hier soir quand tu t'en mettais plein la panse à c'que j'sache - C'est à moi qu'tu causes ?" coupa l'homme dans une geôle voisine, son visage émacié à moitié dissimulé sous un bandage laissait voir un sourire perturbant. Son unique œil veiné de rouge s'attarda sur Al' quelques secondes avant de se tourner en direction du chien dans un roulement d'orbite absolument vomitif.
"Non ? alors ferme-la tu veux !" grognant, l'homme reposa son dos courbé contre les limites de sa cage, fermant ses yeux les bras croisés. Une moue sur les lèvres, levant les yeux au ciel, Al' se prit à observer les environs. Non loin de leurs cages, il y avait quelques cellules plus grandes et curieusement toutes occupées, la bastonnade à laquelle il avait participé avait, semble-t-il, ramené pas mal de nouvelles recrues dans les prisons de ce petit bourg à quelques lieux de Darsmuid. Une salle sombre en pierres mal taillées, une petite meurtrière laissant à peine passer la lumière du jour, et ce moche à côté : voilà sans doute le dernier paysage qu'il lui serait donné de voir. Il se doutait bien qu'on ne s'amusait pas à garder indéfiniment les prisonniers ici, c'était le cas nulle part ailleurs. Faute de pouvoir payer sa caution, il finirait sûrement ses jours dans cette geôle crasseuse en compagnie de double face. Une perspective réjouissante mais de courte durée, quelques jours, une semaine tout au plus, puis sa mignonne petite tête finirait sans doute pendue à une corde ou aux pieds d'un billot. Tout ça pour deux trois tables cassés et quelques verres impayés.
Les muscles engourdis par cette position assise qu'il était contraint de garder, la faim vrillait son estomac. Ste'k, toujours à la même place bayait aux corneilles, somnolant à moitié. Une longue nuit était passée quand on vint enfin chercher l'homme à la tête bandée au petit matin.
"C'est vous les prochains, bande de sales vauriens !" eu-t-il à peine le temps de siffler entre ses dents d'un air bizarrement guilleret, un sourire carnassier sur les lèvres, avant que l'ont ne l'extirpe de sa cellule. Vagabond, voleur, vaurien, tant de petits sobriquets (curieusement tous en V) qui au fil des années passées à courir la c
oampagne et vivre de petits larcins avaient fini par lui coller à la peau.
i'm a simple man, i like woman and breakfast food | |
C'était sa vie, son pain quotidien. Errer de région en région, trouver de quoi remplir sa panse et un abri pour la nuit sans savoir de quoi sera fait le lendemain. Une existence simplette dont il se satisfaisait très bien, loin des préoccupations insipides de la vie, du mariage, d'un quelconque travail éreintant qu'il aurait dû faire jusqu'à ce que la vieillesse l'emporte. De mémoire, il avait presque toujours vécu ainsi ; ses souvenirs trop flous, il n'arrivait pas à remonter totalement l'époque où lui et son père avaient été condamnés à quitter Tevinter définitivement.
Vingts années étaient passées; des rares souvenirs de sa mère ne subsistait aujourd'hui que des bribes, simples chimères. Des détails: son regard dur, la commissure de ses lèvres déformée d'un rictus, il ne l'avait guère vue autrement que comme une femme froide ne témoignant pas grand intérêt à l'égard de sa famille; un amour maternel aride voir globalement absent. Pour justifier l'injustifiable, Al' s'était convaincu de l'innocence de sa mère, du fait qu'elle avait sans doute été manipulée par ses semblables. Le jour où son mari, pour une raison encore floue aujourd'hui, s'en était pris à un mage notoire de Minrathie, elle avait demandé l'exile plutôt que la mort de ce dernier. D'aucun diraient qu'elle avait fait ça pour lui sauver la vie, au fond de lui Al' se doutait qu'elle voulait simplement s'en débarrasser, son fils encombrant avec. Aveuglé par la nécessité de trouver un coupable à tout cela, sa haine féroce s'était retournée contre les mages plutôt que sa mère, sans doute parce qu'il en était plus confortable ainsi.
Lui et son père avaient ainsi connu la misère, la faim, la maladie sans jamais qu'ils ne se découragent, persuadés qu'un avenir meilleur les attendait quelque part. A raison d'ailleurs, puisqu'il finit quelques années plus tard par se remarier à une orfèvre du village de Lydes, fondant une nouvelle petite famille. A l'âge de 16 ans, parti sur les routes, Al' abandonna le nom de Whelman, laissant son passé sombrer définitivement dans l'oubli.
☩Se débattant comme un diable face aux deux gardes qui le tenaient fermement, "double face" parvint miraculeusement à se dégager d'un geste brusque, filant aussi vite que ses jambes le lui permit. A peine avait-il parcouru une les deux petits mètres qui le séparait de la lourde porte dans un rire nerveux qu'une épée vint se planter dans son cou, tranchant sa jugulaire d'un geste net et précis. S'écroulant au sol, pris de convulsions, quelques longues secondes passèrent avant qu'il ne s'éteigne définitivement.
| This is the story of how I died. But don't worry, this is actually a fun story. |
Une journée entière passa et, à travers la meurtrière, le soleil embrasait l'horizon, teintant le ciel de nuances de pourpre et de rouge sang par endroits.
"Eeeeh ben, demain on va pas s'ennuyer !" chantonnait un garde passant par là, reluquant sans vergogne les quelques prisonniers restants. Le message était clair, visiblement, ils ne s’ennuieraient pas à garder leur convives plus longtemps. Ignorant ce qu'il détestait le plus dans cette scène à savoir la possibilité d'une mort certaine et imminente ou le ton salement enjoué et grinçant de ce type, une grimace déforma les lèvres d'Al' qui s'efforça de ne pas répondre à ses provocations moisies.
Tournant les talons pour retourner à des activités bien plus intéressantes que la maltraitance morale des prisonniers, le garde finit par leur fausser compagnie et laisser Al' et les autres seuls, face à eux mêmes.
Situation critique. Ça n'était pas la première fois que sa vie était en jeu, mais cette fois ci les options de retraites n'étaient pas bien nombreuses. Trouver une échappatoire devenait chose urgente car finir comme double face, la tête dans la poussière à se vider de son sang n'étant pas vraiment une option envisageable. Jetant une œillade désespérée en direction de Ste'k, ce dernier semblait trop occupé à mater une petite rouquine un peu plus loin dans la rue pour intercepter sa détresse. L'animal qui s'en alla cavaler vers sa conquête, abandonnant son maître à son triste sort.
"Mais quel traître cuila j'vous jure !", maugréa-t-il dans sa barbe, se renfrognant contre sa cage. Au même moment, un bruit sourd retentit derrière l'unique porte de sortie. Sortit de nulle part, un type qu'il reconnu comme l'un de ses compagnon de castagne de la veille.
"Alors on s'amuse bien ?" ronfla le gaillard, ouvrant la cellule de Al', qui se hâta de s'extirper de sa prison de métal. Il était libre. LIBRE ! Aussi improbable que cela puisse paraître, il s'en était sorti une fois de plus grâce au pouvoir sans limite de sa chance de cocu. Pris d'une folie affective, il offrit même à son sauveur le câlin de sa vie, tapotant dans son dos de la paume de ses mains.
"Merci l'ami, t'es bin brave !" dit-il, secouant légèrement ses guibolles qui peinaient à reprendre vie, tandis que le type en libérait d'autres. Un vrai bienfaiteur que ce type là.
"Courrez !" dit-il, Al' n'ayant pas attendu la consigne pour commencer sa fugue, offrant même au garde assommé devant le pas de la porte un petit coup de pied bien sentit, avant de prendre la poudre d'escampette en compagnie de ses comparses fugitifs.