Il lui a déjà éclaté la pommette et elle a le goût du sang dans la bouche. Quand l'elfe crache à ses pieds, elle reçoit un autre coup de poing dans la poitrine qui lui coupe le souffle. « Tu t'bats vraiment comme une fille. » Balance le garçon, l'air moqueur. Il est à peine plus âgé qu'elle ; il doit avoir douze ans, peut-être treize. C'est un apprenti chez les Corbeaux, tout comme elle. Pendant qu'ils usent des poings et des pieds, les maîtres les regardent de loin. Certains, amusés, vont même jusqu'à parier quelques pièces de monnaie sur le gamin le plus hargneux. C'est quand l'autre commence à rire que Lylia entreprend de lui envoyer son poing dans la figure, mais le garçon, plus rapide, bloque son avant-bras. « T'aurais probablement eu plus de talent dans la maison d'un baronnet ! » Qu'il en rajoute, fier de lui. La gamine lève son autre poing, qu'il coince aussitôt dans le sien et c'est là qu'elle en profite pour lever le pied et l'écraser contre ses couilles. Le coup est rapide, violent et efficace. Sans y prendre de réel plaisir, Lylia le regarde se mettre à genoux devant elle. « Enfant d'putain ! » Les mots sortent difficilement et ça finit par l'amuser un peu, la gosse, de voir qu'on peut déstabiliser un garçon et un homme aussi facilement. Ils jouent les tout-puissants, se vantent d'être meilleurs que les filles et il suffit de toucher leurs deux boules hypersensibles pour les rendre vulnérables. Paralysé par la douleur qui remonte probablement jusque dans sa gorge, Lylia sort de son fourreau la lame moyenne qui lui sert d'épée. Il y a quelques minutes, elle ne pensait pas aller jusque-là, mais les Maîtres l'ont toujours répété : les plus faibles n'ont pas leur place parmi les Corbeaux. Alors l'acier s'élève dans les airs et vient s'abattre sur le crâne trois fois, assez fort pour entendre l'os se briser. Il n'avait qu'à pas se moquer : ni de sa manière de se battre, ni de son sexe. « Et c'est ton sang qui tâche mes vêtements, maintenant. » Conclut-elle, très simplement, en essuyant la lame souillée sur le tissu abîmé qui lui sert de pantalon. « A cause de tes attributs d'homme. » Ricane la jeune elfe.

Cela fait neuf mois que le sang n'a plus coulé entre ses cuisses. Son énorme ventre l'empêche de bouger comme elle le voudrait et surtout, l'enfant qui grossit dans ses entrailles l'empêche de parfaire son entraînement. Neuf mois à supporter les regards et les remarques de ses pairs, à défendre la vie d'un nourrisson qui n'a même pas encore vu le jour. Ils prédisaient qu'elle n'arriverait pas au terme de sa grossesse ou que l'enfant naîtrait déjà mort. Mais Lylia peut encore le sentir remuer et donner des coups contre son ventre.

Un soir, des douleurs commencent à la déranger au point de devenir insoutenables. Elle a mouillé sa paillasse. Et même si c'est la première fois, Lylia se doute bien que c'est le bébé qui force le passage pour tenter de sortir de son corps. Ce sont les femmes du camps qui arrivent pour l'aider ; elles ne savent pas vraiment comment s'y prendre mais pour sortir un être de son ventre, il faut sûrement pousser. Alors la plus âgée d'entre elles, celle qui se trouve entre les cuisses écartées de la femme enceinte, le répète. « Pousse ! Pousse, j'ai dit ! » Lylia y met toutes ses forces au point d'en pleurer et d'en crier. C'est atroce, cette douleur. Elle veut que ça se termine. Tout de suite ! Quand on lui dit qu'on voit la tête de l'enfant, à ce moment, l'elfe pense qu'elle va trépasser et qu'il faudra lui ouvrir tout le ventre pour en extraire le petit être. « C'est une fille. » Lance la plus âgée, au bout de longues heures de travail et en nettoyant le visage de la nouvelle-née avec un torchon humide. « Une elfe. » Juge-t-elle bon de préciser au cas où les mœurs de son apprenti serait un peu trop volages au point de ne pas remettre de visage sur le phallus qui aura semé sa graine. L'Antivanne le connaît ; c'est un Maître Corbeau, un elfe, qui a quitté le camps pour rejoindre une autre contrée. Elle n'a pas jugé utile de l'en prévenir avant son départ, elle a préféré assumer cette responsabilité et prendre les bonnes décisions pour son enfant, seule. Lylia n'a pas la force de tenir la petite fille qu'on vient de poser sur sa poitrine. Néanmoins, elle sait déjà que s'en détacher sera l'une de ses missions les plus compliquées à réaliser. Et pourtant, au bout d'une semaine, elle aura donné son enfant à cette famille d'elfes et abandonné son tablier pour retrouver son armure et les entraînements. Même après un accouchement, même après neuf mois de corvées, Lylia prouve qu'elle n'est pas moins redoutable. Ça lui demande plus d'efforts, plus de travail, mais l'elfe est prête à les fournir. Désormais, le corbeau a une raison de plus de survivre et de réussir ; sa fille et s'assurer de son bien-être.

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