Le bruit d’épées en bois qui s’entrechoquaient et des cris joyeux d’enfants venaient briser le silence apaisant des lieux. Le vent soufflait doucement sur la plaine, murmurant ses secrets aux cimes des arbres alentours, et Edwin accueillit volontiers la caresse de cette brise fraîche sur son visage ; il était encore tôt, mais déjà, la journée s’annonçait chaude pour la saison. Le jeune garçon para avec adresse les coups furtifs – mais néanmoins prévisibles – que lui assénait son adversaire. Il était certain de prendre le dessus dans ce combat, quand soudain, l’épée en bois le frappa aux côtes, lui coupant aussitôt le souffle. Il tomba au sol, vexé dans son amour propre ; il n’avait pas vu le coup venir. Le rire de sa sœur qu’il aimait tant entendre lui fit cette fois l’effet d’une insulte. Edwin refusa d’un mouvement rageur de la main le bras tendu que Vesper lui offrait pour l’aider à se relever. Comment sa sœur avait-elle réussi à le surprendre ainsi ? Il grommela quelques mots incompréhensibles, sur un ton qui trahissait assurément son dépit. « Souviens-toi, il ne faut jamais sous-estimer son adversaire, Edwin, lui rappela son père d’une voix sage, même s’il te semble plus faible que toi. Les apparences sont trompeuses et tu viens de l’apprendre à tes dépends. »  Le jeune garçon se remit en position, prêt à attaquer à nouveau, et sourit à Vesper ; elle avait ce petit quelque chose qui faisait qu’il avait toujours été incapable de lui en vouloir très longtemps. « Cette fois, je vais t’avoir, crois-moi. » « Tu vas essayer. », lui répondit-elle de son joli rire cristallin.

Leur père était un ancien mercenaire réputé et craint dans tout le royaume de Thédas, connu notamment pour sa fâcheuse tendance à ne pas vouloir mourir, qui lui avait valu le surnom de Zaath l’Immortel. Il avait renoncé aux dangers de cette vie et avait fondé tardivement une famille sur les rives d’Antiva, dans un petit village de pêcheurs. Les jumeaux n’avaient jamais connu leur mère, morte en couche d’une hémorragie massive, n’ayant pas supporté ce double accouchement. Leur père leur parlait souvent d’elle, et quand il songeait à cette inconnue qui leur avait donné la vie, Edwin se la représentait toujours sous les traits de Vesper. Leur père, déjà âgé au moment de leur naissance, s’était acharné à vouloir leur apprendre à se défendre dans ce monde hostile, disait-il toujours. Depuis qu’ils se tenaient debout, ils leur avaient enseigné diverses techniques de combat pour le jour où il ne serait plus là pour les protéger. Malheureusement, ce jour arriva plus tôt qu’ils ne le pensèrent.



« On doit lui venir en aide ! », lui chuchota Vesper, et le désespoir qu’il perçut dans sa voix, et qui faisait écho au sien, lui brisa le cœur. Oui, il aurait aimé porter secours à leur père, mais ils ne le pouvaient pas, au risque de se faire tuer à leur tour. Ils n’avaient que neuf ans, ils n’étaient encore que des enfants, comment pourraient-ils tenir tête, même à deux, à l’assassin qui s’était glissé sournoisement chez eux ? « On ne peut pas., lui répondit-il, résigné, des larmes dans les yeux et des sanglots dans la voix, qu’il refoula. Il était bientôt un homme fait, et les hommes ne pleuraient pas. « C’est trop tard. C’est trop tard. », répéta-t-il, comme pour s’en convaincre lui-même. Il ne sut pas si c’était son discours qui acheva de convaincre sa sœur, ou le rire amusé – et terriblement effrayant – qui leur parvenait de la chambre d’à-côté, mais blême comme un fantôme, elle finit par se ranger à son avis. Edwin ancra ses prunelles vertes dans celles de sa sœur, et elle lui répondit par un imperceptible mouvement de la tête. C’était ça, leur force, ils n’avaient pas besoin de mot pour se comprendre, seul un regard suffisait. Vesper qui, apeurée par les cris, s’était jetée plus tôt dans ses bras se libéra de son étreinte, prête à fuir. Edwin ouvrit la porte de leur chambre sans un bruit – l’unique petite fenêtre au mur était trop étroite pour qu’ils puissent s’échapper par là. Ils se déplacèrent discrètement dans cette maison qu’ils connaissaient par cœur, même plongée dans l’obscurité, et se glissèrent dans la nuit aussi silencieusement que des ombres, comme leur père le leur avait appris. Une fois dehors, Edwin glissa sa main dans celle de sa sœur et ils se mirent à courir, aussi vite, aussi loin que leurs jambes le leur permettaient, et ils ne s’arrêtèrent qu’au soleil levé.  Ils s’assirent à même le sol, épuisé par leur course folle, et Edwin darda sur sa sœur qui pleurait un regard protecteur. Il était tout ce qu’il lui restait. C’était lui l’homme de la famille à présent, et il se devait de la protéger, envers et contre tout. Il se jura, la rage au ventre, de ne jamais faillir à cette promesse.


Sa sœur restait toujours introuvable. Il avait fouillé Rialto de fond en comble, avec l’énergie du désespoir il avait retourné toute la ville à sa recherche, mais ses efforts pour la retrouver restèrent tous vains. Il avait dû envisager la terrible hypothèse qu’elle ait quitté la ville, qu’on l’ait peut-être enlevé. Et alors, jamais plus il ne la retrouverait. Jamais plus il ne verrait son beau visage, ni n’entendrait son joli rire cristallin. Peut-être était-elle prisonnière, quelque part, pleurant, criant son nom pour qu’il la retrouve. Peut-être était-elle morte. Il avait failli à sa tâche, et il ne se le pardonnerait jamais. Après la mort de leur père, les enfants avaient gagné Rialto à pieds, la ville la plus proche. Ils n’avaient pas d’autre endroit où aller, de toute manière. Mais là-bas, des émeutes éclatèrent et il perdit sa sœur dans la foule. Il se revoyait hurler son nom, pris de panique, hurler à s’en péter les cordes vocales, mais quand la foule se dispersa, il était seul et il n’y avait plus aucune trace de Vesper. Choqué, il ne se souvenait plus de ce qu’il s’était passé, après ça, masis après avoir erré des heures, peut-être même des jours dans les rues, il avait fini par trouver refuge dans un Temple, où il fut recueilli par les membres de la Chantrie, logé et nourri à sa faim. Son père n’avait jamais été un grand croyant, mais la Chantrie lui inculqua ses préceptes, qu’il accepta volontiers, et lorsqu’ils remarquèrent ses aptitudes au combat, il fut décidé qu’il deviendrait Templier. Mais cela signifiait quitter la ville et abandonner tout espoir de revoir un jour sa sœur. Malgré tout, Edwin se plia à leurs volontés, bien décidé à devenir le meilleur de tous les Templiers pour revenir sauver Vesper des griffes de leurs ennemis. L’espoir naïf d’un enfant de neuf ans.


Le son familier du métal qui s’entrechoquait résonnait dans la salle d’entrainement depuis de longues minutes déjà, et il jura qu’aucun autre bruit n’était à ses oreilles aussi plaisant que celui-ci. C’était là la mélodie qu’il préférait, celle qui le berçait chaque jour depuis sa plus tendre enfance. L’espace de quelques secondes, son adversaire baissa sa garde, mais cela fut suffisant à Edwin pour s’engouffrer dans la faille laissée béante ; il vint frapper sa joue du plat de son épée, avant de le précipiter au sol d’un coup de pied bien placé derrière le genou. Edwin le menaça alors de son épée, prolongement naturel de son bras gauche, un sourire étirant ses lèvres. « Te voilà mort… Cette fois encore. », le nargua-t-il en lui tendant la main pour l’aider à se remettre sur pieds. « Tu es un fausse-patte, cela te donne l’avantage. », grommela son adversaire, honteux et furibond de s’être fait battre à plusieurs reprises. « Je me bats aussi bien de la main gauche que de la droite. », rétorqua fièrement le jeune brun, furieux que l’on minimise ainsi ses talents au combat à une simple position qui divergeait de celle habituelle. Malgré tout, il ne pouvait nier qu’être gaucher lui conférait une supériorité stratégique non négligeable sur ses ennemis qui, déstabilisés par son style de combat, éprouvaient des difficultés tactiques et cognitives pour parer et rendre ses coups. Mais cela, il ne l’admettrait jamais, préférant arguer qu’il était un excellent combattant. Il avait sué sang et eau pour atteindre le niveau qui était le sien aujourd’hui. Sa détermination et l’abnégation dont il avait fait preuve pour y parvenir avaient été couronnées de succès, et rien ne le rendait plus fier que ses capacités militaires. « Même parmi la Garde des Ombres ou les Chevaliers Orlésiens, je n’ai pas d’égal. »

« Tu pêches par excès d’orgueil, mon fils. », lui lança une voix dans son dos, ce qui l’obligea à se retourner. Il se retrouva alors face à un Doyen. C’était un vieil homme, qui semblait avoir vécu cent hivers, dont la sagesse était reconnue de tous. Préposé à la bibliothèque qui renfermait des milliers d’ouvrages, il n’y avait aucun sortilège qui lui soit inconnu, bien qu’il ne fût pas Mage lui-même. « Tes talents au combat sont admirables, mais l’arrogance qui est tienne te mènera à ta perte. J’ai vu des guerriers plus braves que toi mourir pour moins que cela. Tu es au service du Créateur et tous ses serviteurs doivent se montrer humbles. Rappelle-t-en quand tu seras consacré Templier, dans quelques jours. », le réprimanda-t-il avant de quitter les lieux sans un regard en arrière.  

Templier. Edwin comptait les jours qui le séparaient de ce jour béni où il deviendrait à son tour un frère de la Chantrie. Il avait sur le visage cet air juvénile que dénotaient son menton fier et la lueur d’assurance qui brillait dans ses yeux clairs. Il avait beau être encore jeune, il était déterminé à devenir un Templier honorable, le meilleur d’entre tous, jusqu’à se hisser jusqu’à la place suprême : chef des Templiers. Son ambition n’avait pas de limite.


Le combat fut bref. Toute Mage qu’elle était, elle n’avait rien pu faire pour lui échapper, sa magie n’avait aucune emprise sur le jeune Templier. Il passa sa main dans sa longue chevelure de feu pour dégager son cou et par la fenêtre, un éclat de lune se refléta sur la lame du poignard qu’il tenait entre ses doigts. « Tu connais le sort réservé à ceux et celles qui se laissent corrompre par le Mal. », prit-il le temps de lui expliquer, bien qu’elle n’en ignorât rien. Et pour toute réponse, un rire sardonique s’échappa de sa gorge, imperturbable, indifférente quant à la scène tragique qui se jouait sous ses yeux, et dont elle endossait le premier rôle. Et sans trembler, sans verser la moindre larme, elle pencha légèrement la tête en arrière pour lui offrir elle-même sa gorge. Digne jusque dans la Mort. « C’est amusant que ce soit toi qu’ils m’envoient, Ferboys. Certaines nuits, mes Dieux me visitent, ils me chuchotent des secrets au creux de l’oreille. Quelque fois, ils me parlent de toi. » « Ah ?, railla-t-il, Et qu’ont-ils de si intéressant à te murmurer à mon propos ? » « Dans mes songes, je te vois prendre l’épée contre les Templiers, et ton armure est souillée par le sang de ceux que tu appelles frères. » L’aveu le désarçonna quelques instants, mais quelques instants seulement, car il recouvra bien vite ses esprits. « Tu mens, sorcière ! », siffla-t-il entre ses dents. Jamais, ô grand jamais,  il ne serait capable d’une telle trahison envers ceux qui lui avaient tout appris, qui avaient fait de lui l’homme qu’il était à présent. De cela, il en était convaincu. « En es-tu bien certain ? » le questionna-t-elle, comme si la Mage était douée du pouvoir de lire dans son esprit. Et pour ce qu’il en savait, c’était peut-être le cas.  « Tes pensées sont confuses, je le sens. Tu hésites, tu doutes. » « C’est faux !, rétorqua-t-il. Jamais je ne briserai le serment que j’ai prêté, tu cherches uniquement à m’embrouiller, mais cela ne sera pas suffisant pour que j’épargne ta misérable vie. » Voilà pourquoi il fallait se méfier des Mages comme on le lui avait toujours recommandé, ils mentaient comme ils respiraient, et leur perfidie n’avait d’égale que leurs vices. « Je ne le sais que trop bien. Tu aimes tant ôter des vies, le besoin de tuer coule dans tes veines, Ferboys. Tu ne peux nier cela. » Cette étrange conversation fit naître un malaise en lui et il n’avait plus qu’une idée en tête, en finir rapidement avec ce tête-à-tête ô combien dérangeant. « Vas-y mon garçon, vas-y, tranche moi la gorge puisque c’est là ton souhait le plus cher. Tu aimes verser le sang et tu t’en délectes. » Il hésita, fit rouler le manche du poignard contre sa paume. « Vas-y, qu’est-ce que tu attends ! », le provoqua-t-elle et cédant à ses pulsions meurtrières, la lame de son couteau trancha la chair d’une oreille à l’autre, tandis que le sang jaillit hors de la plaie comme un geyser, éclaboussant son bras de rouge. Il baissa la tête tandis qu’il laissa le corps s’affaler au sol comme une vulgaire poupée de chiffon. La Mage avait raison. Il ne tuait pas par plaisir, mais par nécessité ; toutefois, lorsqu’il y était obligé, il se rendait compte à quel point il aimait ça, ce sentiment de toute-puissance qui l’envahissait à chacune de ses victoires, la sensation d’être invincible, intouchable. Le besoin de tuer coule dans tes veines, Ferboys, répéta une petite voix dans sa tête. N’était-il rien d’autre qu’un monstre sanguinolent, qui ne valait pas mieux que la plupart des Mages retenus ici ? Pourrait-il vraiment tourner casaque et prendre l’épée contre ses frères ? Non… Non, bien sûr que non. Cette femme mentait, c’était l’évidence-même, elle ne cherchait qu’à le confondre pour le déconcerter. Puisqu’elle ne pouvait user de sa Magie, elle avait fait preuve de fourberie. Edwin jeta un bref coup d’œil au cadavre et il ne ressentit… que du soulagement. Car en vie, elle représentait une menace non négligeable pour son intégrité. A qui aurait-elle bien pu aller confier ces calembredaines pour semer le doute dans le cœur de ses frères d’armes ? Morte, sa langue était scellée à tout jamais, et elle ne pourrait plus jamais nuire à quiconque. Ses yeux s’attardèrent quelques instants sur la plaie béante qui ornait sa gorge tel un collier sanglant ; on n’eut dit que même dans la Mort, la Mage lui adressait un sourire macabre, en un sinistre présage qui le fit frissonner. Il tourna les talons et quitta promptement la pièce, abandonnant derrière lui le corps sans vie de sa victime.

PSEUDO ☩ BikiniAGE ☩Je viens de souffler mes 24 bougies   COMMENT AVEZ-VOUS DÉCOUVERT LE FORUM ? ☩ Dyllant m'a forcé sous la menace et la contrainte à vous rejoindre FRÉQUENCE DE CONNEXION ? ☩ Je passe jeter un coup d'oeil tous les jours, le rp est un peu moins fréquent.CRÉDITS IMAGES ☩

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✥ [i]sam claflin[/i] - <span style="font-size: 10px;">[url=http://chroniques-de-thedas.forumactif.org/u69]EDWIN E. FERBOYS[/url]</span>