Au premier coup de pied qu'Hadrian reçut, le petit garçon de onze qu'il était alors eut le souffle coupé. Au second, il sentit ses petits os se fragiliser, la douleur lui perforant les côtes tandis qu'il se mettait à crier. Mais au lieu d'alerter les passants qui allaient et venaient devant le cul-de-sac sans prêter attention à ses hurlements, d'autres adolescents se mêlèrent à ceux qui le rouaient de coups de pied. Et Hadrian, qui ne comprenait pas toute cette violence, poussa un cri de rage qui alla chercher, puiser au fond de lui ce petit quelque chose qui faisait qu'il était différent. Aussitôt, l'un des manches du petit garçon obèse qui le frappait prit feu, et ce dernier recula aussitôt en poussant des cris d'épouvante, tandis que l'un de ses camarades envoyait un coup de pied dans le menton d'Hadrian. Ce dernier alors à plat ventre roula sur le dos et cracha un filet de sang qui lui atterrit sur la joue. Il n'attendit pas une seule seconde pour se mettre à genoux afin de reprendre son souffle. Du sang coulait de sa lèvre inférieure, qu'il avait mordue violemment sans le vouloir en subissant le coup de pied. Ses cheveux barraient son front, cachant ses yeux. Or, ce n'était pas ses yeux que les autres garçons regardaient, à distance. C'était ses mains. Et quand Hadrian baissa les yeux sur ces dernières, et qu'il vit les fines flammes danser entre ses paumes, il se mit aussitôt à paniquer. Non, pas ça, pas ça ! Les garçons en face de lui se rapprochèrent aussitôt, et Hadrian sut à leurs expressions qu'il passerait encore un sale quart d'heure. Alors, il cria. Il cria si fort que le sol en trembla pendant quelques instants, de façon infime, avant que l'un des garçons ne crache : « Attends un peu, sale monstre ! » A défaut de coups de pieds, ce fut une pluie de pierre qui s'abattit sur Hadrian. Le jeune homme rentra sa tête sous son corps, se protégeant de ses bras, sentant les pierres érafler ses mains, venir se heurter à ses coudes et ses genoux. Il se retrouva vite en position foetale, contre le mur, pleurant sous les coups, le sang emplissant sa bouche. L'un des gamins allait balancer un énorme caillou lorsqu'une main gantée se referma sur son petit poignet. Hadrian, lui, attendit, attendit, jusqu'à ce que les pierres cessent de pleuvoir, qu'il n'y ait plus que poussière autour de lui, poussière provoqué par les gamins qui venaient de détaler. Lorsqu'il se rendit compte de ça, il retira doucement une main écorchée de son visage, pour apercevoir deux énormes pieds s'arrêter à quelques centimètres de lui. Il leva la tête sur l'ombre que projetait l'homme en armure sur son petit corps. La vue de cette même main gantée plongeant sur lui pour le prendre par le col de son vêtement lui fit fermer les yeux. La dernière chose dont il se souvint de ce jour fut les fissures sur le sol et sur les murs des maisons dans cette petite ruelle de Solas.

Rebelle. Asocial. Dangereux. Trois mots qui furent longuement évoqués en parlant du cas du jeune Saberor, dont on ne savait rien sinon que sa mère vendait des tapisseries à Solas, en Nevarra, et dont on ne lui connaissait ni père, ni frère, ni sœur. Ni aucun parent proche, d'ailleurs.
Lorsque les templiers ramenèrent le jeune garçon à la Tour du Cercle Nevarran, il fut conduit en cellule d'isolement, dans les sous-sols de cette gigantesque forteresse, et y resta pendant près de cinq jours entiers. C'était la colère, c'était la colère qui rendait le jeune Saberor dangereux, et tant que cette colère ne le quitterait pas, ils ne pourraient rien en faire. Les templiers l'avaient sauvé, mais depuis combien de temps s'était-il fait battre par ses camarades ? Nul ne le savait, aussi bien que nul ne savait ce qu'adviendrait du garçon si sa colère ne retombait pas. Ce que l'on savait cependant, c'était qu'il possédait d'étonnantes facultés pour un enfant de son âge.
Au bout du cinquième jour d'isolement, les templiers le retrouvèrent épuisé, dans sa cellule, et depuis, firent au mieux pour en faire un mage modèle, à l'image de ses congénères. Si Hadrian Saberor avait renoncé à la colère, la colère restait toutefois présente en lui. Tout au fond. Loin. Enfouie. À l'abri du regard des maîtres et des inquiétudes de ses camarades. Et tout en préservant secret sur secret, il grandit. Devenant un des mages les plus doués de sa génération. Ses réussites diverses et variées en firent un jeune homme confiant en toute circonstance, qui se plaisait à associer talent et arrogance.
Il passa l'épreuve de la confrontation à l'âge de vingt-cinq ans, qu'il réussit. Depuis, il sert le Cercle et ses intérêts, se servant de cette colère gardée en lui pour arriver à ses fin, de cette colère d'où naquirent une détermination et une capacité d'acharnement certaines. Il s'intéressa également de plus près à la magie entropique, qui devint vite son domaine de prédilection au fil des années.
Depuis plusieurs mois, son désir de quitter Névarra en raison de tous les mauvais souvenirs que ce pays représentait pour lui se fit plus pressant que jamais. Il y a plus d'un un an, il fit sa demande auprès de son Cercle pour être muté ailleurs, qu'importe, tant qu'il quittait Névarra, son soleil et sa poussière. La mort d'un professeur de magie à Montsimmard, en Orlaïs, fut la chance qu'il ne put laisser passer. Ce fut ainsi qu'il quitta Névarra pour rejoindre le Cercle Orlésien. Désormais à la Tour depuis quelques mois, il est bien décidé à y faire ses preuves.

Code:

✥ [i]ian bohen[/i] - <span style="font-size: 10px;">[url=http://chroniques-de-thedas.forumactif.org/u18]HADRIAN SABEROR[/url]</span>