Cette douleur. Fulgurante. Qui traverse les chairs. Qui se ressent sur chaque parcelle mon corps. Comme si en cet instant, toutes les parties s'étaient liées, pour se soutenir en cette épreuve. Je me crispe, me préparant à une nouvelle onde de douleur. Laquelle ne tarde pas à venir. Mes doigts se serrent sur les draps, alors que j'accueille la contraction. Ma mère, ma grand mère sont passées par ici avant moi. Mais la sérénité n'est pas là alors les vagues de souffrances me déchirent les boyaux. Qui est le père ? Je l'ignore. Est-ce un de ces mâles rencontrés en auberge ? Un de ceux qui l'espace d'un soir viennent soulager la misère d'un coeur solitaire. Je ne le sais guère, et bien peu m'importe. Nouvelle contraction, nouvelle poussée. Je ne m'entends même plus crier. Le battement irrégulier de mon coeur comme un tambour. « Courage mon amie, tu y es presque. » Me murmure Alienor. Mon amie de toujours, à mes côtés là où ma famille aux ailes noires ne l'est pas. « Allez, pousse ! » J'arquais mon corps, accompagnant la contraction pour mettre au monde l'enfant. Mon enfant. Nouvelle onde de douleur. Intense, qui tire des larmes au creux de mes yeux. Un liquide chaud s'écoule entre mes cuisses tandis que je sens mon entrejambe se déchirer. Je m'arc-boute, usant de mes dernières forces pour cet ultime effort. Mes muscles se relâchant brusquement après la délivrance. Haletante, je me redresse, tendant des bras tremblants vers la forme hurlante et humide que tient mon amie. Non pas une forme. Mon enfance. Part de mon âme détachée de mon corps. « C'est une fille ! » Je souris serrant ce petit corps contre ma poitrine, la berçant doucement pour que ses pleurs s'apaisent. Plus de corbeaux dans mes pensées. Plus de douleur non plus. Juste elle et moi. Juste moi et elle. Vie à part entière, à construire, à voir grandir. « Sara ... » murmurais-je à la nuit. J'avais dix-huit ans et je venais de mettre au monde la plus belle des créatures de l'univers. Je laisse ma tête reposer sur l'oreiller pour reprendre mon souffle. Vidée, déchirée, toutes forces envolées. Mais heureuse. Profondément heureuse.





Je la serre contre ma poitrine. Trésor endormi au creux de mon cou, son souffle régulier venant caresser ma peau. Voila deux mois que Sara est entrée dans ma vie. Délicate âme à protéger, à chérir et à aimer. Beauté aux yeux bleus et aux bras toujours ouverts sur l'univers. Voila quelques jours que je veille sur Sara. Parfaits. Sans autre préoccupation que de veiller sur elle. Mais une plume noire, comme un signe de ma guilde. Comme un rappel des miens, vint me ramener à la réalité. C'est tremblante, une main sur le dos de ma fille, que je fais face à mon destin. Les maîtres me fixent, tels des oiseaux charognards attendant le trépas de la bête pour se repaître de ses chairs. Ces hommes et ses femmes, qui me forment depuis mon plus jeune âge. Qui m'ont élevé. « Lylia. » Comment mettre autant de déception dans un seul mot ? Je m'efforçais de garder la tête levée, mes yeux dans ceux du maître aux ailes noires. « Vous savez que vous ne pouvez garder l'enfant. » « Elever un enfant est incompatible avec le destin d'un corbeau. » Je fermais les yeux, ma main toujours sur le dos de Sara. Je savais pertinemment que je ne pouvais être mère et corbeau. Mais je ne voulais faire ce choix. « L'engagement d'un corbeau doit être total. Eternel. Rien ne doit retenir ta lame. Rien ne doit alourdir tes ailes. » « Je reste un corbeau ... » « Tais toi. » Je plongeais mes yeux dans ceux du maître. Silencieuse. « Rien ne doit retenir ta lame. Pas même cet enfant. Va, et fais parler ta lame. » J'ouvris la bouche pour répondre, comprenant avec dégout ce qu'ils me demandaient. Autant plonger la lame dans mon propre coeur. Je me redressais, affrontant mes maîtres du regards. Ils étaient comme ma famille. Mais me demandaient de tuer mon âme. « Je ne la tuerai pas. » Sans que je ne m'en rende vraiment compte, j'avais pris une dague à la main, défiant du regards ceux qui étaient mes pairs. Mes pères. « Je préfère enfoncer cette lame dans mon propre coeur que dans le sien. » Et j'en étais capable. « Tu n'as pas le choix. » « Par pitié maîtres. Ne me forcez pas à le faire ... Renoncer à elle, j'en suis capable. Mais la tuer, je ne le puis. Je suis et je reste un corbeau, mais faire ceci serait me détourner à jamais de ce que je suis. Ma valeur, vous la connaissez. Alors ne me forcez pas à le faire. » Les maîtres se regardèrent, un long moment. Sara s'agitait dans mon cou aussi caressais-je sa peau délicate. J'eu un frisson quand ils se retournèrent. « Tu ne peux élever cet enfant. » « Si tu ne peux la tuer, tu dois renoncer à elle. A jamais. » Il plongea son regard dans le mien, comme pour s'assurer de ma motivation. De mon engagement. « Fais la adopter. Ne sois pas sa mère. » « Sais tu que ce sera sans doute plus dur ainsi ? » « Je suis corbeau. Je le supporterai. »





Pas lents. Calmes. Parfaitement maîtrisés. Alors que chacun d'entre eux me rapprochait de ma zone de tir, il me semblait entendre le maître corbeau qui m'avait montré la voie. Pour les corbacs, chaque geste, même le plus anodin doit être maîtrisé. Parfaitement maîtrisé. J'avais du apprendre à respirer, à sauter, à marcher comme un oiseau de nuit. Sans bruit, sans éclat. Pas de bruissement d'air au battement d'aile. Pas de branche qui craque sous les pas. La légèreté de l'oiseau, et sa force aussi. Les gestes les plus naturels, les plus instinctifs sont les plus délicats à réapprendre. Je me rappelle de ces séances interminables, où j'ai du apprendre à marcher. J'avais beau tenter de ne pas faire le moindre bruit, le maître me reprenait. Sévère et impitoyable. Ses sens aiguisés trouvant bruit là où je pouvais l'entendre. J'avais quinze ans. Elevée par les corbeaux, mon corps fut façonné par leurs soins. Ce ne sont pas des jambes, ce sont des ailes. Ce ne sont pas des mains, ce sont des serres. « Encore. » Combien de fois ai-je entendu ce mot. « Encore. » Ce ton implacable. N'autorisant aucune réplique. « Encore ! » Raté, une nouvelle fois. « Ne marche pas. Vole. » Les humains n'ont pas d'ailes. Les corbeaux si. Et durant ces années, j'ai appris à voler. Ma cible est là, à quelques mètres en contrebas. Je lève les yeux au ciel un instant. Des années de préparation. Des années de souffrance. Des années pour que l'élève prouve sa valeur. Je respire. Bande mon arc. Oiseau de proie, qui déploie ses ailes. Corde tendue jusqu'à ma joue. Pour la première fois. Des cris, des pleurs, des larmes. Pour cet ultime instant. Pour ce premier contrat. Je suis la cible du regard, cessant de respirer. Relâchant les doigts. La flèche siffla, me rappelant une cri du rapace. Se fichant avec un bruit sourd dans la poitrine de la cible. Premier contrat. Première victime. Sans état d'âme. Sans même un frisson. Des années pour arriver à cet ultime instant. Je recouvre mon visage d'un capuchon, quittant la zone alors que les badauds entourent déjà le cadavre. Les corbeaux volent. Et aujourd'hui, je suis parmi eux.

PSEUDO ☩ Bonjour bonjour ! j'officie sur bazzart sous le doux nom de sweet emotion. Mais je m'intitule Justine. AGE ☩ Vingt-deux ans d'ici un mois    COMMENT AVEZ-VOUS DÉCOUVERT LE FORUM ? ☩ Sur bazzart, mais aussi via la géniale Marion    FRÉQUENCE DE CONNEXION ? ☩ Irrégulière j'en ai bien peur, je passe régulièrement mais le rythme de rp sera moins fréquent. CRÉDITS IMAGES ☩ vintage phonic,
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