Si Lucius n'a pas grandi dans l'opulence princière, il serait malhonnête  de notre part d'affirmer qu'il a vécu dans la misère. Fils du baron de Merteuil, les privilèges de la noblesse lui furent familiers dès sa naissance. Le domaine de quelques hectares voyait s'élever en son cœur un modeste château plein de hardiesse.
Seul héritier de la famille, sa mère refusa de le voir prendre les armes au grand damne de son père, vieux combattant au fléau redoutable, qui rêvait pour son fils d'un bel avenir guerrier.

Comme beaucoup d'autres nobles de son âge, il vécut quelques années au sein de l'université de Val Royeaux. Dès les premiers mois, il se consacra entièrement à la médecine. Se développa en lui une soif de savoir insatiable concernant le corps humain. Il souhaitait comprendre les rouages d'une machine si parfaite et si défectueuse à la fois. Sa passion pour la chirurgie ne cessa jamais, et il continua son apprentissage à travers des livres qui bataillent désormais pour trouver une place sur les étagères de sa bibliothèque.

A son retour, son père parvint tout de même à négocier le fait qu'il sache manier une lame autre que celle de son bistouri, lame qu'il n'apprécia jamais. Ces gestes lourds  et bruyants comme l'armure qu'il devait porter l'agaçaient. Si sa destinée était celle d'un conquérant, ce serait avec la pointe de sa plume et non de son l'épée qu'il redessinerait les cartes.

Et c'est bien d'une plume que le nouveau baron de Merteuil signa, quelques semaines seulement après la mort de son père, le contrat de mariage qui le liait éternellement à l'héritière du compte Voeunoyr. Prévu de longue date, ce mariage permit à Lucius de s'élever un peu plus socialement. Sa belle-mère n'ayant plus l'âge d'enfanter, sa fille Lana hériterait donc des titres. Belle, terriblement intelligente, et peut être même plus ambitieuse que lui, dire d'elle qu'elle incarnait un bon parti relevait de l'euphémisme. Ce fut d'ailleurs une déception pour elle que de se marier avec un simple baron, déception qui ne dura point.

Fervent joueur du Grand Jeu, Lucius se fait rapidement apprécier du Duc Ludwig de Jader. Son sourire mielleux, son élocution mordante et sa conversation envoutante attirent sur lui aussi bien l'amour que la haine. Les bons mots qu'il jette à la cour comme les miettes que l'on jette aux pigeons font vibrer certaines gorges et rougir d'autres joues innocentes. L'ingénue bouillonne et réclame la fraicheur des lèvres qui ont su étirer les siennes. Pour nombre d'oreilles - y compris celles de Lucius - mariage ne rime pas avec captivité.
Lana enfantera la première fois à vingt-trois ans. Une jolie petite fille qui mourra de la fièvre deux années après sa naissance.  

Quelques informations compromettantes concernant un marquis furent  susurrées à l'oreille du Duc, qui décida - fort justement - de bannir le gentilhomme et de lui confisquer ses biens. Par une chance presque miraculeuse - devons nous réellement préciser que Lucius ne croit pas aux miracles ? - il se trouva que le maquisard fusse très proche des terres Merteuil. Avec une fausse humilité, Lucius se laissa convaincre de voir doubler ses terres, ses revenus, ainsi que son pouvoir. Il devint Marquis de Merteuil.
A vingt-cinq ans, Lana tomba une nouvelle fois enceinte. La grossesse fut difficile, mais le petit garçon eut la bonne idée de ne point rejoindre sa défunte sœur dans la tombe. Alors qu'il est aujourd'hui âgé de cinq ans, Lucius lui dit des choses qu'il ne sait point, et Keith lui dit des choses qu'il ne sait plus.  

Jamais satisfait de sa condition, Lucius ne compte pas s'arrêter au titre de Marquis et, de ce fait, profitera de la mort de l'Empereur pour venir briller auprès des dames de la cour impériale ; plus particulièrement auprès de Celevina de Valmond. Bien qu'il soit régi par une force individualiste le poussant toujours plus vers les sommets, il ira toujours dans la direction des intérêts de l'Empire. Il espère sincèrement que la jeune impératrice saura relever le défi qui lui est proposé, car dans le cas contraire, il se verra dans l'obligation de tout faire pour la faire chuter au profit d'une tête mieux construite.

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