La nuit m’avait semblé plus glacial que la précédente, demain j’aurais probablement droit à une auberge, j’étais encore trop loin de Verchiel. J’avais l’impression, que je n’avais pas mis les pieds dans cette cité depuis des lustres. Nous étions partis à l’aurore, Drasic et moi avions hâte de retrouver un peu de confort. Nous marchions depuis près de cinq heures lorsque nous avons croisée des hommes, tout d’abord de pâle silhouette, ensuite leurs forte carrure commencèrent à faire leurs apparitions. Je sentais déjà les ennuies venir, le simple fait d’être immobile trahissait un sombre dessein. Je déteste les attaques hivernal, on ne peut pas se contenter de sortir de la route pour les éviter, la neige nous l’empêche. Si je sortais de la route, je devenais une proie facile, je ne pouvais pas non plus attaquer tant qu’ils ne s’étaient pas montrés agressifs.

« Arrêtez-vous et donnez-nous votre or »

Les lames bien en évidence, deux personnes semblaient vouloir me montrer à quels points ils étaient dangereux. Est-ce qu’ils venaient réellement de me prévenir? La situation était risible, j’observais les environs, seul une troisième personne n’était pas très loin, si en apparence j’étais en position de faiblesse, la vérité était autre. Ils m’avaient averti, nous étions entourées de plaines et ils n’avaient aucune arme de jet, contrairement à moi. Je prenais mon arc avant de leur faire part de leur erreur.

« Laissez-moi devinez, on ne vous a pas appris l’art de l’embuscade? »

Difficile de savoir s’ils me sous-estimaient ou bien s’ils sous-estimaient l’arc comme arme de combat. Je jetais un coup d’œil rapide dans le but de surveiller la troisième personne. Étrangement, elle ne semblait pas avoir réagi. Je prenais en main quatre flèches, en dégommant deux, une pour chaque attaquant, l’une d’elle passa tout près de l’entre-jambe de l’un, trop prêts à mon goût, cela signifiait donc que j’avais sous-estimé la vitesse de cet homme, cependant le but ne fut aucunement manqué, leur donner la frousse.

« Maintenant, croyez-vous que j’aie raté accidentellement ou bien volontairement? »

Il me restait encore deux flèches en main et encore plus dans mon carquois, il semblerait que je m’étais montré suffisamment convaincant, puisqu’ils partirent en courant. Je devrais faire attention, vu le peu de bagage qu’ils transportaient, ils avaient leurs camps tout près. Il se pouvait que je les recroise et cette fois, rien n’indiquait que je serais en position de force. Pour l’instant, je devais encore m’occuper d’une troisième personne. Je me tournais en direction du "spectateur", plus âgés que les deux autres, il était probable que ce soit un complice. Et si les deux autres avait été une simple distraction? Je dirigeais l’arc en direction de l’homme, il ne s’était pas encore montré menaçant, il devait être moins stupide que les deux autres.

Le garde avançait dans les étendues enneigés d'Orlaïs lâchant à chaque pas qu'il faisait une injure sur la température ou sur la lenteur dont son trajet avancé se maudissant lui-même de voyager à pied. "Et dire que les gamins s'amusent dans la neige, j't'en foutrais des bonhommes de neiges moi.". Il avait totalement oublié que coupé à travers les champs en cette époque de l'année n'était pas forcément la meilleure idée qu'un voyageur pouvait avoir. Dans les étendues blanches du grand empire Orlésiens il avançait chaque fois insultant le climat, son chapeau était recouvert de blanc ainsi que ses vêtements, la neige s'était même invité dans ses bottes et sur sa barbe, il ne portait qu'un manteau supplémentaire qui au final ne servait à rien dans ce tas de neiges. Le garde des Ombres bougeait de temps en temps les doigts afin de s'assurer qu'ils soient toujours là, il était bon de pouvoir agripper son épée en cas de problème sur les routes, ce qui n'était pas rare en cette époque de l'année.

Après un long moment qui semblait interminable pour l'homme, il arriva enfin à voir la route de loin, le seul endroit où la neige ne dépassait pas les deux centimètres, c'était avec grande joie qu'il retrouvait ce sol moins froid que dans les plaines. La route il la connaissait, il était certes vieux, mais la mémoire fonctionnait encore bien chez lui. Cependant, il s'arrêta à une centaine de mètres de la route observant une scène inhabituelle. Deux individus face à deux autres, d'après ce que le recruteur pouvait voir de loin, il semblerait qu'un des quatre possédait un arc et les autres de simples armes du style des dagues et épées. Le voyageur ne bougea pas, observant la scène de loin et préférant voir comment cela se terminerai, autant ne pas se mêler de ça. Il se rapprocherait surement quand un des deux groupes serait parti en courant, ou les pieds devant.

La scène fit sourire le garde des ombres, il avait vu deux fois le geste de l'archer de loin, mais ne s'était pas douté que cela fasse fuir les deux autres, surement les brigands vus qu'il ne réclamait aucune bourse, enfin de loin du moins. Il s'approcha doucement, préférant ne pas passer pour un ennemi aux yeux de cet archer. Autant ne pas se prendre une flèche dans la tête, cela serait une grande perte de temps pour sa mission. Lorsqu'il fut assez près de l'étranger et de son compagnon de route il les observa tranquillement en ricanant et posant doucement ses mains sur la garde de son épée, reprenant par la même occasion son souffle, la marche dans la neige était épuisante, il fallait l'admettre, il espérait que ce n'était pas un ennemi, ainsi épuisé, il aurait du mal à lutter. "Belle démonstration de tire que tu as fais là l'ami." Le recruteur observa attentivement la réaction des deux individus à qui il faisait face à présent, c'est souvent dans ces cas qu'il se trouvait bête de ne pas porter l'armure des gardes.

Je fus légèrement surpris d’entendre un rire, une personne semblait s’amuser. Difficile de savoir s’il se moquait de cette scène saugrenue ou simplement de la stupidité de ses compagnons. On pouvait apercevoir quelques pas dans la neige, il s’était tenu au loin tout le long du combat, si on peut l’appeler ainsi. Si je prenais en compte ses détails, il était possible que cette personne n’ait aucun lien avec les deux autres. Qu’ils soient lié ou non, cela ne l’empêchait pas d’être une menace. Sa main se tenait sur la garde, il était prêt à dégainer son épée et pourtant il semblait être essoufflé. Étais-ce pour se défendre ou pour attaquer? Je m’étais contenté d’observer l’inconnu avant de répondre à ce qui semblait être un compliment.

« Si vous voulez, je peux recommencer la démonstration »

Ses mots semblaient se trouver entre menace et avertissement, si en apparence ils étaient prononcés sans réfléchir, la vérité était bien autre. Je lui laissais le choix, on pouvait s’affronter ou non. On était tous les deux sur la défensive, savoir lequel était le plus agressif serait une perte de temps. Il n’était aucunement un danger pour l’instant, je ne voyais aucun carquois, d’arbalète ou d’arc. J’avais le temps de réagir s’il décidait de m’attaquer, personnellement c’était les deux autres qui m’inquiétaient le plus. Je préférais remettre mes flèches dans le carquois, cela m’éviterait de passer pour un méchant, cependant je préférais garder mon arc en main. Je ne savais pas à quoi m’attendre avec lui.

« Je suppose que vous allez me dire qu’arriver lors d’une attaque est une pure coïncidence? »

Je préférais mettre les choses au clair, quoique c’était probablement une question stupide, s’il avait planifié de m’attaquer, il ne l’avouerait pas. La seule chose que je risquais de savoir à son sujet était s’il savait mentir ou non. Me convaincrait-il de son innocence? Était-il innocent? Je préférais le laisser parler, cela pourrait être intéressant.

Le garde reprenait son souffle en écoutant l'inconnu parler. Une nouvelle démonstration ? Le vieil homme lâcha un autre rire aux mots de l'homme face à lui. "Garde tes flèches mon gars, t'en auras p'tet besoin plus tard. Et sinon, c'est purement une coïncidence d'arriver dans ce que tu appels une attaque, j'ai simplement vu une intimidation de deux débiles se croyant assez fort pour détrousser un archer." Shay tournait la tête à droite et à gauche pour observer que personne ne viennent les embêter pendant cet échange, il ne tenait pas à être pris pour un brigand et finir avec une flèche entre les deux yeux.

Le garde reprit une grande inspiration face à l'archer. Il le jaugeait ? Allait-il savoir qu'il n'était pas un ennemi ? Il valait certainement mieux qu'il se dévoile totalement même si ce n'était pas dans son habitude. La vie lui était agréable et il ne voulait en aucun cas la perdre pour une broutille comme un quiproquo. "Je suis ... " Quelque chose retint son attention alors qu'il avait entamé sa phrase. Au loin ce n'était pas deux, mais six hommes qui accouraient armes au poing. "Je pense que tes amis reviennent."

Shay regarda l'homme en face de lui, allait-il lui demander d'intervenir ? Allait-il au moins tuer quelques hommes avant de les affronter au corps à corps ? Il était curieux et puis, il espérait au fond de lui qu'il ne les tuerait pas avant qu'ils arrivent, il avait besoin de se réchauffer et un peu d'exercice allait lui faire le plus grand bien. Six hommes armés, certes avec des armes banales et sans doute de mauvaises factures, mais armés quand même.

Certains bruits avaient attiré mon attention, si j’avais eu un doute sur les évènements, l’homme ici présent venait confirmer mes craintes. Les deux hommes étaient revenus, cette fois avec du renfort. Ils étaient passés de deux à six hommes, il ne se contenterait pas de rester au loin avec une cible accrochée au cou, il est fort probable que cela finisse par un combat rapproché. S’ils avaient quelques peu de tactique, le meilleur plan était de me faire tomber de mon cheval. Je préférais débarquer du dos de Drasic, cette tactique me permettait d’avoir plus de liberté lorsqu’on serait au corps à corps. Combien je pouvais en blesser avant qu’ils arrivent? Dans le meilleur des cas, je pourrais en toucher quatre, mais ce scénario semblait peu plausible.

L’un des leurs avait un bouclier et bien sûr, il était celui en ligne de mire, cette fois, ils étaient venus avec un semblant de plan. Le mieux était de commencer par lui, puisque les autres étaient placés derrière, je ne pourrais pas les avoir. Sa jambe dominante semblait être la gauche, si je réussissais à toucher cette jambe, je l’handicaperais fortement, quoique, l’autre jambe aussi. Ils étaient principalement droitiers, deux ambidextrie légère ou forte puisqu’ils se battaient à deux dagues, j’avais essayé de juger du mieux que je pouvais mes adversaires, espérons que ce soit suffisant.

« Vous savez, je ne traine jamais beaucoup d’argent vous seriez mieux de partir… »

Comme je m’y attendais, c’était complètement inutile, j’eus le droit à un rire des plus grossier et à un : « Ce n’est pas grave on s’occupera du petit vieux après! » Je me demande à quoi cela sert de parler, ils attaquent toujours. Il me fallut trois séries de tires pour réussir à le toucher, dommage je n’avais pas mes flèches spéciales, une seule aurait suffi à le faire tomber, ensuite ils devenaient des proies faciles. Je suppose que l’important était de le toucher, l’une de mes flèches traversa sa jambe, il ne serait probablement plus une gêne pour la suite.

« Je prendrais bien un peu d’aide »

Un bouclier peut être encombrant ou être un excellent moyen de se défendre, cela dépend généralement de l’habileté des gens. Je préférais leur laisser aucune chance, si l’homme m’aidait, je pouvais m’assurer que personne d’autre ne le prenne, sans cela je devais changer d’arme rapidement. J’allais découvrir si je pouvais lui faire confiance, espérons que cela ne soit pas en ma défaveur.

Les hommes s'approchaient, visiblement en rogne après la première humiliation que deux d'entre eux avaient subis quelques minutes plus tôt. Le recruteur regardait la scène et prit même le temps de détailler l'expression sur le visage du cavalier. Il semblait réfléchir à toutes vitesse pour éviter l'affronter rapproché avec les six, ce qui jusque là, était logique. Il descendit de son cheval et cria une phrase rudement inutile puisque les pillards lui répondirent sur le ton du mépris et de l'humour si célèbre des bandits de grands chemins, insultant au passage le garde.

Shay observa l'archer décocher ses flèches et rater ses tentatives, mais aussi les réussir. Il sourit lorsque l'inconnu lui adressa la parole. « Je prendrais bien un peu d'aide ». Cela eut le don de décrocher un large sourire au garde, voilà une demande qu'il accepterait sans poser de question. "Avec plaisir mon gars, j'vais leur montrer ce qu'un vieux peut faire." Le garde dégaina, rapidement prenant bien en main son épée prête à accueillir comme il le devait les brigands.

Le regard se figea, sa respiration ralentit et il se concentra sur ses doigts, les faisant bouger pour permettre de faire les mouvements qu'il désirait. Il ne fallait pas être gênée dans un combat et si ses mains refusaient de serrer comme il fallait son arme, il ne pourrait que s'apitoyer en silence sur son imbécillité. Il se concentra sur les bandits qui n'étaient plus qu'à quelques mètres de lui et de l'inconnu ayant été plus qu'intelligent de demander son aide. Alors, il fit un pas en diagonale vers la gauche levant son arme parant l'attaque porté par l'épée du bandits le laissant passer derrière lui pour parer le coup du suivant, il tourna sur lui-même et para l'attaque du troisième. Trois hommes sur chacun, le combat aller être rudement difficile, mais cela mettrait un peu d'exercice dans la journée en plus de la marche effectuée plus tôt.

"Celui qui tue le dernier paye une tournée à la taverne la plus proche !" Voilà de quoi motiver un peu pour le combat, bien que l'envie de survie soit suffisante il fallait tout de même un peu mettre un petit concours. Le garde en savait quelque chose, dans les tréfonds lors des expéditions, tout le monde voulait retourner à la taverne, cela motivait les troupes. Il reprit sa danse avec les trois hommes sur lui, parant la plupart du temps, les trois brigands tenaient l'avantage du combat grâce à leur nombre, mais une seconde de répit fut utilisé par Shay pour entailler la cuisse de l'un d'entre eux, il n'était pas mort, mais un peu éloigné et c'est tout ce qu'il voulait, pour l'instant.

Il leur montrerait ce qu’un vieux peut faire? Était-il rancunier ou bien avait-il, lui aussi, un sens de l’humour douteux? Je le découvrirais probablement assez vite. Il serait d’une grande aide, cependant cette histoire d’alcool m’irritait légèrement. Il semblerait que nos buts soient différents, lui semblait vouloir prendre du plaisir, alors que moi j’espérais seulement survivre. Il est possible que je doive payer la tournée, d’un certain sens ce n’était pas grand-chose au vu de l’aide qui apporterait. Du moins j’espère, car j’ai déjà vu des hommes boire l’équivalent d’un tonneau. Pour l’instant l’objectif était de survivre et non se demander combien je devrais débourser pour éponger une possible dette.

« Va pour Verchiel, mais c’est à environ une journée de marche »

Je laissais aller une de mes flèches lorsque j’aperçus un des hommes tentés de saisir le bouclier. Croyait-il que j’allais le laisser faire? Si l’homme avait été assez rapide pour éviter la flèche, son compagnon ne l’était pas. L’homme n’avait pas crié lorsqu’il avait reçus la première flèche, cette fois, il n’avait pas réussi cet exploit. J’effaçais de mon visage un léger sourire, une satisfaction des plus morbides. Je n’avais plus le temps de tirer, l’un d’eux s’était dirigé droit sur moi, d’autres ne tarderait pas. D’un mouvement rapide je changeais l’arc de main, puis saisi l’une de mes dagues. Ce geste sembla surprendre mon ennemi, difficile de savoir ce qui l’avait troublé, le fait que je change de main ou bien que j’aie des dagues. Nous nous battions tous les deux avec le même type d’arme, l’effet de surprise pourrait être indispensable. Je le fis tomber grâce à mon arc. Alors que le combat avait déjà commencé, un homme était revenu en arrière pour saisir le bouclier. L’affrontement risquait d’être plus compliqué que prévu, distrait par mon second ennemi, je réussis à esquiver de justesse un coup traitre.

« Vraiment, entre les jambes? Désoler, mais tu n’es pas mon type »

Je dois avouer apprécier l’air hébété que pris l’homme en attendant ses mots, je n’aurais cependant pas le plaisir d’en profiter. Mon second ennemi arriva, je rangeais rapidement mon arc. J’aurais eu le temps de sortir ma seconde dague, mais je préférais garder une main libre. Alors que l’homme aux dagues se jetait sur moi, je réussis à saisir son bras et le pointer en direction de son ami, ce qui l’obligea à reculer au dernier moment. L’une des armes tomba au sol, soit l’homme l’avait laissé tomber en raison de la douleur, soit il s’assurait que son ami ne soit pas blessé. Je le fis virevolter avant qu’il ne puisse m’attaquer de son autre main. Je ne préférais pas lui laisser la chance de récupérer son bien et saisi la dague. Si je voulais survive, je devais probablement les tuer, cependant ce ne serait pas la bière promise qui serait ma motivation.

Le garde continua de tournoyer dans tous les sens tantôt faisant un pas en avant et parant, tantôt en esquivant et tournant sur lui-même. Le garde avait apprit à se battre avec les gardes et aujourd'hui voilà qu'un combat très étrange se déroulait, un ancien esclave contre des brigands de grands chemins. Voilà qui faisait sourire le recruteur et l'amusait beaucoup. Il jeta un rapide coup d'oeil entre deux esquives, l'homme à l'arc se débrouillait bien très bien même. Allait savoir peut-être s'agissait-il d'un ancien combattant ? Shay le saurait que s'ils repoussaient les brigands, sinon, le garde ne pourrait même pas lui poser une question de plus.

« Va pour Verchiel, mais c’est à environ une journée de marche »

Ah voilà qui raviva le vieil homme. Il allait pouvoir se battre pour un coup à boire dans une ville. Cela le changerait un peu de l’eau qu’il avait à sa disposition et qui n’allait pas tarder à manquer d’ailleurs. Enfin, c’était du passé, il allait bientôt pouvoir boire une chope dans une auberge.

« Va pour Verchiel alors l’ami ! »

Il eut à peine le temps de finir sa phrase qu'il du esquiver précipitamment une attaque d'un des brigands avec une dague, il le laissa passer devant lui et le rattrapa par le col pour le retirer en arrière vers lui et lui planter son épée à travers le dos. L'homme hurla de douleur dans le son des côtes qui venaient surement d'être cassées en deux avec certains os de la colonne vertébrale. Le bras portant le poignard du brigand se leva et Shay l'intercepta pour récupérer le couteau et le joindre à sa lame dans le dos du bandit avant de les sortir du corps tout deux faisant face aux deux autres.

« Qui est le prochain ?! » railla-t-il sur un ton de défi, les bras bien écartés comme s'il ne s'agissait que d'une simple formalité. Le garde était visiblement sûr de lui et s'amusait à provoquer les bandits qui semblaient eux tomber dans le jeu du recruteur et enrager à la mort de leur compagnon. Shay tourna légèrement la tête pour voir comment se dérouler le combat de l'inconnu et eu juste le temps de revenir sur ses adversaires lorsqu'il fut surpris par une attaque, par réflexe il évita le pire, mais la lame du brigand vint laisser une belle entaille sur le flanc gauche du vieil homme, il se traita d'imbécile pendant quelques instants avant de se re-concentrer comme il fallait. Ce n'était un bandit qui allait lui donner une leçon, ça non.

«Je suis mort», ses pensées me traversèrent l’esprit lorsque qu’une lame passa tout près de ma gorge. Heureusement pour moi j’avais été plus rapide, une fraction de seconde, insuffisant pour le blesser gravement, mais j’avais réussi à le faire reculer. Ses doigts caressaient l’égratignure qui se trouvait sur sa gorge, bien que ce soit léger, ma lame s’était trouvée dans une situation avantageuse. Deux contre un, je déteste ce type de combat, si les combattant sont de piètre compagnon, cela peut aller. Cependant, il arrive que certains soient beaucoup plus dangereux. Lorsqu’un de mes assaillants ce retirait, le second semblait arriver. Je reculais rapidement dans le but d’éviter de me prendre un bouclier en pleine face, puis une lame effleura mon bras, quelques perles de sang tombèrent au sol, salissant ainsi la neige. La blessure n’était pas grave, mais me rappelait qu’ils étaient dangereux.

Je devais éviter à tout prix de me retrouver entre les deux, alors je reculais dès que je le pouvais, ses deux-là, on aurait cru une unique personne. Les coups entre bouclier et lame s’enchaînait, il devenait de plus en plus difficile de parer les coups et cela n’irait pas en s’améliorant, plus le combat s’éterniserait et plus je risquerais de me fatiguer et à ce moment-là, ce serait la fin. J’avais combattus plus d’une fois, mais rare étaient ceux qui étaient aussi méticuleux dans leurs attaques. Attaque répété, utilisation du bouclier, la tactique était simple, un devait m’épuiser et l’autre m’achever, une opération qui pouvait être assez efficace. J’étais impressionné de voir comment la première attaque et la seconde était différente, l’une maladroite et l’autre beaucoup plus efficace. Je devais agir sinon, je risquais d’être rapidement en mauvaise posture.

« Franchement, je suis impressionné… Bon travail d’équipe, vous coucher depuis combien de temps ensemble? »

J’avais appris qu’une plaisanterie douteuse ou bien un commentaire saugrenu pouvait changer la situation lors d’un combat. Les hommes prirent un visage interrogateur à mes propos, si mon but était de les déstabiliser, je ne pensais pas réussir aussi facilement, c’était le moment d’en profiter.

« Salle merde, de quoi tu parles »

Le plus grand des deux ne semblait pas apprécier mon humour, je trouvais cela dommage qu’on soit adversaire, j’aurais apprécié me jouer de lui. Une discussion interminable n’aurait pas été en ma faveur, puisqu’ils auraient fini par reprendre leurs esprits. Ils avaient baissé leurs gardes, je devais en profiter, je me précipitais vers l’homme à la dague. Il n’avait aucun bouclier pour se défendre, une seule lame, il était le plus vulnérable des deux. J’avais peu de temps avant que le second ne réagisse, je devais être rapide. J’enfonçai une lame dans sa chair, la même que je lui avais dérobé quelques temps plus tôt, j’appréciais cette ironie, le fait qu’il puisse périr de sa propre lame. La lame légèrement ébréché, je la brisais entre les côtes de mon ennemi, un cri de douleur résonna. Je retirais ce qu’il restait de la dague, je voulais m’assurer qu’il ne se relève pas facilement.

Voilà que les deux guerriers face à Shay redoublait d'effort, ils désiraient maintenant le voir mort par vengeance envers leurs camarades surement, mais peu importe, le garde s'amusait à esquiver, tournoyer, la situation était presque comique, si cela s'était produit dans une taverne, un groupe de Saltimbanque aurait pu égayer le combat avec une mélodie ce qui aurait rajouté encore plus de plaisir au recruteur de tuer ces hommes. Malgré tout, il gardait tout de même à l'esprit qu'il se battait pour la survie non pour le plaisir de tuer. Et il n'y avait que légitime défense, en soit il n'y avait aucun mal à éprouver du plaisir à être plus fort que les brigands.

Un coup de lame à droite, un pas en arrière, un demi-tour sur lui-même, un pas de côté, deux pas devant, se pencher à gauche. Comme les pas d'une danse que Shay connaissait, aussi imprévisible que ceux qui lui avaient appris à se battre. Il n'y avait nul entrainement plus grand que celui d'aller dans les tréfonds en expédition avec la garde pour savoir manier une arme. Visiblement les deux brigands n'avaient aucune idée de qui était leurs adversaires, on ne pouvait pas leur en vouloir, Shay avait son insigne de garde dans l'une de ses poches et non sur lui, d'autant que son armure n'était pas celle de l'Ordre voilà qui ne facilitait pas les choses.

Cela faisait un moment que le garde esquivait toutes les attaques menées avec férocité et rage, les deux hommes commençaient à s'épuiser cela fit sourire le recruteur. Lui aussi était fatigué, mais il ne devait en aucun cas laisser l'ennemi le percevoir ou cela en serait fini. Un mouvement rapide de tête vers son collègue qui se démenait bien, il fallait l'avouer. Il le vit retourner le couteau d'un bandit contre lui-même le ramenant au sol et pour de bon l'y laisser. Surpris et quelque peu frustré qu'il ne reste qu'un ennemi à l'inconnu, Shay se retourna face aux deux brigands.

"Bon il est temps de mourir les gars, je ne compte pas perdre le pari."

Les deux bandits se regardèrent déconcertés, tout ceci n'était donc qu'un jeu pour l'homme ? Peu importe, ils chargèrent et le premier envoya un coup d'estoc vers la tête du garde, le second envoya le même coup, mais vers le ventre de celui-ci. Les armes furent esquivés et le recruteur saisit le bras de l'homme qui avait tenté de l'occire, lui brisant les os dans un bruit sourd et désagréable pour ceux n'ayant pas l'habitude. Le bruit fut rapidement accompagné des cris de douleur de l'homme avant que la lame du garde ne vienne le faire taire pour de bon avec un coup d'épée traversant le visage du haut vers le bas.

Le recruteur regarda l'homme qui restait face à lui, allait-il fuir ? Il ne l'espérait pas et heureusement, le bandit resta sur ses gardes, reprenant comme il fallait son arme. La rage alliée à la fatigue rendrait plus lent les attaques à esquiver. Shay n'aurait plus qu'à attendre patiemment le moment de le renvoyer à ses amis.