C’est une histoire malheureusement classique des terres de Ferelden que fut l’enfance de Galorerd. Né sur les terres de Lochlainn, petite province côtière coincée entre West Hill et Highever, il faisait la fierté de Galothen, son père, qui le prépara à reprendre les rênes de la maison familiale. Le jeune noble ne manqua de rien, et fut même envoyé à Dénérim pour recevoir la meilleure éducation possible. Loin de sa famille et des yeux paternels, le petit dun Lochlainn préférait l’entraînement au maniement des armes aux longs cours théologiques dispensés par les frères et sœurs de la Chantrie. Il passait de longues heures à courir les rues de Dénérim ou à faire de longues randonnées équestres, battant les plaines pour chasser. Insouciance, frivolité, il ne manqua jamais de rien. C’est à ses 19 ans que tout bascula. Loin des intrigues qui se déroulaient sur les terres, c’est par une missive que Galorerd apprit la tragédie. Appâté par le gain, une des familles voisines jeta son dévolu sur les petites terres du jeune homme. Son père, sa famille, tout avait disparu d’un claquement de doigts. Alors que lui se prélassait à la Dénérim, courant la ribaude et baillant aux corneilles, le sort de sa famille s’était joué sans qu’il puisse y jouer le moindre rôle. Désireux de restaurer l’honneur des Lochlainn, Galorerd quitta Denerim dans l’espoir de défier le nouveau châtelain, mû par l’insouciance de la jeunesse. Ce fut une grave erreur. Malgré une certaine habilité à bretter, le jeune dun Lochlainn fut défait par l’ennemi de sa famille, bien meilleur que lui, et surtout plus expérimenté. Jeté en prison, il y croupit quelques mois, passant son temps à maudire son adversaire et son sort. Mais plus que tout, Galorerd avait été déçu par les habitants de sa baronnie. Alors que sa famille s’était évertuée à prendre soin d’eux et de les traiter de la manière la plus juste possible, ces derniers avaient tout simplement tourné leur dos à sa famille lorsqu’elle avait besoin d’eux. Pour eux, c’était tout au plus qu’un nouveau seigneur.

Le noble déchu profita d’un instant d’inattention de ses geôliers pour leur fausser compagnie en plein milieu de la nuit. Mettant à profit sa connaissance des lieux et de la région, il ne rencontra aucun problème pour quitter les lieux et mettre les bouts. Dun Lochlainn partit vers l’Ouest, espérant que l’on ne le retrouve pas, quittant les terres de Ferelden pour quelques années. Il n’eut aucun problème à intégrer les rangs d’une petite compagnie de mercenaires, vendant ses services aux plus offrants. Autant dire que l’on met son honneur de côté pour quelques instants, en échange de quelques pièces. N’ayant plus aucune attache, Galorerd se met en tête de parcourir Thédas dans ses moindres recoins. Il offre ses services à une caravane marchande de nains surfaciers, avec lesquels il nouera une amitié profonde. La camaraderie et la simplicité des nains lui marqueront l’esprit, et c’est en compagnie de ces derniers qu’il apprend à boire comme un homme. Aventurier, explorateur, mercenaire … la belle vie en somme.



Galorerd jaugea quelques instants en silence l’entrée sombre et lugubre de la grotte de Tlaerc. Le fond de l’air était aussi sec que l’entrejambe d’une mère de la Chantrie. L’endroit ne semblait guère accueillant, mais si les informations qu’il avait acheté quelques semaines auparavant dans une taverne orlésienne s’avéraient correctes, une petite fortune lui tendait les bras, là-bas, quelque part dans l’obscurité. La fortune sourit aux audacieux, c’est bien connu. Prenant une grande inspiration, n’écoutant que son courage ou son imbécilité, Galorerd franchit l’entrée de la caverne d’un pas résolu et confiant. Il lui fallut quelques instants pour que son regard s’habitue à l’obscurité ambiante, aidé par certaines aspérités dans la roche. Selon la légende, les marchands Anders de Nordbotten auraient caché quelque part dans ces grottes leur fortune à l’approche du Second Enclin, espérant les préserver du danger. Mal leur en a pris, puisqu’ils furent surpris dans ces mêmes cavernes par des engeances, qui ne laissèrent aucun survivant. Depuis, l’or repose quelque part depuis des âges, attendant que quelqu’un vienne le réclamer. Dun Lochlainn espérait bien que ce quelqu’un soit lui. Non pas qu’il courait après la fortune, mais il ne connaissait personne de sensé qui cracherait sur un petit peu d’or.

Il avança prudemment à travers la caverne, assurant chacun de ses pas, tous ses sens en alerte. Sur le qui-vive, il parvint à déjouer deux pièges, qui malgré leur âge avancé avaient rempli leur tâche, si on en croyait les ossements qui jonchaient le sol. Galorerd s’arrêta quelques instants, s’agenouillant auprès des dépouilles, les examinant. Les lambeaux de vêtements étaient anciens, bien avant cet âge-ci. Plongé dans son enquête, un bruit suspect le sortit brusquement de ses esprits. Un grognement sinistre lui glaça le sang et instinctivement, sa main vint se raffermir autour de la garde de son sabre alors qu’il reprenait son avancée vers les ténèbres. L’homme pouvait désormais entendre deux sons différents, qui se rapprochaient au fur et à mesure qu’il avançait. Il n’était visiblement pas le seul à être au courant des trésors de Tlaerc, et il aurait peut-être affaire avec de la concurrence. Galorerd n'était pas du genre à chercher les ennuis, mais s’ils venaient se présenter à lui, c’était différent, et il n’était jamais contre une bonne bagarre. Au fur et à mesure qu’il s’avançait à pas de loup, dun Lochlainn pouvait apercevoir les parois de la grotte s’éclaircir, des ombres dansant sur elles. Du feu. Quelqu’un, quelque chose avait fait un feu. Se collant littéralement à la paroi, son souffle se fait court, haché par l’anxiété de ce qu’il risque de découvrir.

Un genlock et un hurlock autour du feu ne semblent toujours pas l’avoir repéré, malgré son odeur. Derrière eux, un coffre semble prendre la poussière. Le plus silencieusement possible, Galorerd prend son arc dans son dos et encoche une flèche. Même s’il ne maîtrise pas l’archerie, il compte sur sa chance pour prendre l’avantage. Neutraliser l’hurlock en premier, ensuite, l’autre sera une cible facile. Dun Lochlainn inspire, retient sa respiration et vise. La flèche fend l’air en silence … et rate sa cible d’une bonne dizaine de centimètres. Il lâche une bordée de jurons et jette son arc à terre. Galorerd se sait repéré. Il se saisit de son sabre, sort son écu de son dos et charge l’ennemi. Le genlock réplique et décoche une flèche vers l’humain, qui parvient à l’éviter d’un coup de bouclier. N’écoutant que son courage –ou son inconscience- , il se jette sur l’hurlock. Un autre coup d’écu bien placé dans les dents surprend son adversaire et dun Lochlainn en profite pour planter son sabre dans les entrailles de la créature, qui s’éteint dans un râle terrifiant. Ne reste que le genlock et l’homme, qui s’affrontent dans un face à face sans merci. La petite créature, habituellement plus habituée à l’archerie qu’au combat au corps à corps, essaie tout d’abord de prendre la fuite, avant de se voir transpercée par le sabre du noble déchu. Reprenant ses esprits, laissant l’adrénaline redescendre, Galorerd palpe ses adversaires à la recherche du moindre signe de vie, avant de rechercher la moindre chose précieuse. Une fois leur mort constatée, il se dirige vers le coffre poussiéreux, le fracturant avec succès. Quelle ne fut sa déception lorsque dun Lochlainn découvrit que le coffre était aussi vide que les cadavres des engeances …

Pestant contre lui-même, fâché de s’être ainsi laissé berner, Galorerd se fit surprendre par le bruit d’un applaudissement, qui résonna à travers les parois des grottes de Tlaerc. Surpris, le jeune homme se retourne, prêt à faire face au nouvel arrivant.

« Bravo ! » s’exclama une voix grave et rauque.
« Montrez vous ! »
« Tout doux, mon grand, je ne suis pas ton ennemi. » Les contours de l’ombre se faisaient de plus en plus détaillés, et un nain s’avança à travers l’obscurité, une lourde hache à deux mains lui barrant le dos. « Je dirais même que je te connais bien, Galorerd dun Lochlainn. Cela fait un moment que je te recherche. »
« Vous devez vous tromper, seigneur Nain, je m’appelle Lia.. » tenta vainement de se justifier le jeune homme.
« Pas de ça avec moi, jeune homme. Je sais parfaitement qui tu es. Et je ne suis pas là pour te tuer, si cela peut te rassurer. »
« Que me reprochez vous alors ? »
« Ma foi, rien. Mais mon cousin Brudol m’a longuement parlé de toi. »
« Brudol, mais .. » Brudol était le chef de la caravane marchande surfacière qu’il avait escorté pendant plusieurs mois.
« Laisse moi finir, jeune éphèbe. Je ne suis pas ici pour te parler de mon cousin, ni même te faire des politesses, et encore moins des ronds de langue. Alors écoute moi attentivement. Cela fait quelques temps que nous t’observons, Galorerd. Et quand je dis « nous », je parle de la Garde des Ombres. Tu sais de quoi je parle ?! Evidemment, tu sais quoi je parle .. » poursuivit-il sans laisser le temps à l’humain de reprendre ses esprits, ou d’en placer une « Bref. Je ne serais pas long .. »
« C’est pas vot’genre .. »
« Pardon ? »
« Non rien .. »
« Je préfère ça. Parlons peu, parlons bien. Nous avons besoin de jeunes gens dans ton genre, Galorerd.  Voudrais-tu nous rejoindre ? »
Un silence plombant s’installa. Dun Lochlainn prit le temps de la réflexion. Après tout, il n’avait rien à perdre.
« J’accepte. »
« Quoi ?! Enfin, j’veux dire. C’est dangereux, je ne t’assure pas la vie. Je suppose que tu es au courant du danger qui nous accompagne ? »
« J’en suis parfaitement conscient, nain. »
« Brunar. »
«.. Garde Brunar. Si vous me connaissez si bien que vous le dites, vous savez pertinemment que je connais l’Ordre et les risques que cela entend. » Son éducation fut en effet pleine des récits héroïques des gardes des ombres. « Et si vous me suivez depuis quelques temps, vous savez bien que je n’ai rien à perdre, bien au contraire. Alors vous l’entendez bien, je vous suis. »

Le nain semblait décontenancé par l’assurance du jeune homme. Ce que Galorerd ne savait pas, c’était que Brunar recrutait pour la première fois une recrue pour la Garde des Ombres, et ne s’attendait pas à ce que soit aussi facile.


Après avoir survécu au rituel d’entrée, Galorerd fut admis parmi la Garde des Ombres. Il avait alors vingt-cinq ans, et ne connaissait rien de la vie. Du moins, pas grand-chose. Et il n’avait rien à perdre. Toujours empli d’un idéalisme sans faille, c’était probablement ce qui l’avait fait rejoindre cet ordre prestigieux. Au grand désespoir de ses supérieurs, dun Lochlainn le nonchalant était toujours vivant, et foulait le sol de Thédas, accomplissant ses missions les unes après les autres ….

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