Blablabla.

Résumé.



Ce goût de sang, il l'a encore sur les lèvres. Il a frappé. Si fort. Il s'est même acharné. Tant que l'homme sous ces poings avait paru respirer, il n'avait pas cessé. Les jointures vrillées de douleur et les poignets endoloris de crispation, il avait continué. La violence des assauts avait été d'une telle puissance qu'un peu de sang était venu éclabousser sa bouche. De réflexe, et sans insanité, sa langue avait essuyé la commissure et le liquide s'était doucement imprégné su son palais. Enivré par cette essence d'une autre humanité, il avait redoublé de conviction, rivalisé d'ardeur, jusqu'à surprendre un souffle d'agonie chez sa victime. Encore maintenant, les pieds et poings liés, et le visage noyé par la boue, la fièvre de ce souvenir, l'ivresse du meurtre impie, est si violente que le gamin ne parvient pas à s'en défaire, et à souffrir de ce métal qui lui lacère la peau.

« Lève-toi, barbare. » Comme d'autres se sont distraits, toute la nuit durant, d'uriner sur son corps de prisonnier, celui qui lui crache au visage et lui assène un coup de pied aux côtes n'obtient de lui qu'un grognement fugace. Siram tente tout de même de se relever mais il y peine si bien que son geôlier doit le tirer à lui. « C'est lui, qu'on le présente aussitôt à un homme en armes. » Un officier, probablement. L'alvar n'en est pas certain – il n'a vu qu'une poignée de ces guerriers venus de l'Ouest. En retour, on le jauge. Il n'a pas d'armure. Tout juste un épiderme de cuir qui couvre son torse et la moitié de ses bras. Le reste n'est qu'un amas de tissus, pour tout rempart contre le froid. « Parle-t-il la langue commune ? » On répond qu'on ne sait pas, qu'il n'a pas dit un mot. « Il est chétif, observe-t-on d'un ton égal. » « Il a abattu Matthias d'un jet de lance. A cent-cinquante pieds, qu'il précise. » L'officier fait montre d'un tout autre regard – il y a de l'intérêt, au milieu de ce dégoût. Siram n'est pas conscient qu'on fait là son procès. Il voit seulement qu'on l'inspecte comme du bétail. « Que va-t-on faire de toi ?... »
Les mains nouées entre elles, la corde le relie à la selle. On tire pour le principe, pour la leçon. « On verra si ton sang vaut la reddition de Gashem. »

Il restera leur prisonnier trois ans durant. Il ne revoit jamais son village qu'on lui raconte en flammes. Torturé, traîné sur deux cent lieues, et finalement brisé, il ampute son nom, renie son peuple et se convertit. Lorsque les Tierns féreldiens repoussent enfin l'empire orlésien, c'est en homme libre qu'il les accompagne. Ce sera : Siram Gashem. 

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