"Avec ton physique, tu pourrais..." A chaque fois que quelqu'un commençait une phrase de cette façon, Tallulah savait qu'on cherchait à lui vendre quelque chose. Parfois il s'agissait d'une idée, parfois de camelote, parfois même une partie de jambes en l'air. Et elle en avait horreur. Elle avait vu les clients de sa mère la réduire à son physique des années durant et il était hors de question de suivre le même chemin. Aussi lorsqu'un homme s'approcha d'elle avec ces mots dans la bouche, la jeune femme se contenta-t-elle de soupirer en replongeant son nez dans sa pinte. Malheureusement, il y en avait toujours qui refusait de prendre non pour une réponse. Une main se referma sur son poignet et on la força à se retourner. À ce moment-là, les choses dégénérèrent très vite.
Elle lui envoya sa choppe en plein visage. Son agresseur recula sous l'effet de la douleur, lâcha son bras et lui laissant les quelques secondes dont elle avait besoin pour dégainer l'une de ses deux dagues. Elle plaça la lame juste sur la jugulaire de l'importun, faisant à peine perler le sang. La taverne se figea.
« Ne touche plus jamais une femme sans son autorisation. Et maintenant tire-toi. » L'homme ne se le fit pas dire deux fois. Il prit ses jambes à son cou alors que, la promesse de violence gratuite évanouie, les buveurs reprenaient le cours de leurs vies. Quelqu'un glissa une autre pinte devant la Garde des Ombres. Compliment de la maison pour ne pas avoir sali le parquet. Tallulah reprit son attente. Le brouhaha autour d'elle réveilla ses souvenirs.
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Elle avait grandi à quelques rues de là, dans un bordel au fond d'une impasse. Sa mère avait eu d'autres enfants mais d'une façon ou d'une autre, la ville les avait tous emportés. Tallulah, elle, avait survécu pour avoir hérité du blond presque blanc et des yeux bleus d'un père alamarri de passage. Son physique atypique lui avait valu les grâces de la maquerelle et l'assurance de toujours réussir à grappiller de la nourriture. Et parce qu'il attirait systématiquement l'attention, il fut aussi son billet d'entrée dans le fabuleux monde de la choure. D'abord vigie ou diversion, elle monta lentement les échelons d'une petite guilde des bas fonds jusqu'à commencer les arnaques. Avant ses 18 ans, elle avait enterré la perspective de poursuivre la tradition familiale, racheté la dette de sa mère et l'avait installée dans une petite maison des bas quartiers où elle subvenait à ses besoins. Toujours désireuse de s'éviter la pauvreté de son enfance, elle rejoignit à l'âge de vingt ans une petite bande réputée s'attaquer à la noblesse.
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Les gens avalaient n'importe quelle couleuvre pour peu qu'elle leur soit bien présentée. Le projet, entamé loin d'Orlaïs par sécurité, avait fini par les conduire dans les cercles les plus privilégiés. Se faire passer pour la fille d'un obscur chef de clan alamarri n'avait pas posé de problèmes. Sa beauté lui avait facilité les choses. Les hommes s'intéressaient à elle, certaines femmes aussi et elle avait suffisamment bien imité l'étiquette pour que les choses soient crédibles. Chacun des membres de la bande avait réussi à détourner un somme d'argent rondelette en arnaquant une famille différente. S'ils réussissaient leur coup ce soir, ils pourraient quitter Orlaïs et vivre comme des rois pour le restant de leurs jours. Pour autant, le chef de leur bande, Marek, n'était pas tranquille. Il faisait les cent pas comme un lion en cage.
« Qu'est-ce qui se passe, chef ? » finit par demander Tallulah.
«Je ne sais pas, petite. Je ne suis pas sûr que nous devrions insister. Nous avons déjà une beau pactole et je me demande si nous n'avons pas eu les yeux plus gros que le ventre. » Tallulah se tourna.
« D'un autre côté, si nous ne nous montrons pas… Ils auront des soupçons. » Le sourire de son mentor se fit plus affirmé. Un instant, elle crut qu'il allait lui ébouriffer les cheveux mais il s'en garda. Elle se leva pour se préparer à faire son entrée. C'était la dernière fois qu'elle le voyait en vie.
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Deux semaines plus tard, une Tallulah désespérée et affamée se demandait comment les choses avaient si pu mal tourner. La soirée qui aurait du être la veille de leur fuite s'était révélée être un traquenard dans lequel ils s'étaient jetés bêtement. Sa survie n'était due qu'à un heureux hasard… Elle avait été assommée par un garde alors qu'elle venait de faire trois victimes. Et de toute façon, sa chance ne durerait pas longtemps. La Noblesse allait faire des exemples des survivants de la bande. Pour prouver aux roturiers qui commandait. Aussi pensa-t-elle que sa dernière heure était arrivée lorsqu'elle entendit la porte s'ouvrir. Elle se redressa, résolue à ne pas mourir recroquevillée dans le coin d'une cellule puante. Si elle devait mourir comme elle était née, les deux pieds dans la merde, au moins le ferait-elle la tête haute.
L'homme qui se présenta était un guerrier. Pas un soldat et pas l'un de ces nobles empoudrés qui réclamait sa tête. Il était accompagné d'un des geôliers. Lequel lança en la désignant :
« C'est elle. » Tallulah était surprise. Que se passait-il ? Allait-elle être mise à mort dans les ténèbres des donjons ? Vendue à un pervers ? S'adossant au mur, elle fixa les deux nouveaux venus dans l'attente d'un geste. Finalement le guerrier s'adressa à elle.
« C'est toi la petite voleuse ? » Elle hocha la tête en silence.
« Ta bande et toi vous vous êtes faits une sacrée réputation. » « On aurait préféré se faire un sacré paquet de blé mais paraît que les voies du Créateur sont impénétrables. » La remarque provoqua un éclat de rire inattendu. L'inconnu se tourna vers le garde.
« Tu as bien fait. Elle a l'air d'avoir la bonne attitude. » « Et un bon crochet du gauche » assura le garde, en passant les doigts sur sa pommette encore bleuie.
« Tu sais te battre ? » « Vous comptez me coller dans des arènes ? » « Tu comptes répondre à ma question. » « Je me débrouille avec les dagues. » « Tu as déjà entendu parler des Gardes des Ombres ? » ***
Le soir de son Union, Tallulah était tout sauf à l'aise. Elle ignorait ce qui allait se passer, à quelle sauce elle serait mangée et ça ne lui plaisait pas du tout. Lorsqu'on l'emmena avec les autres recrues, elle s'était murée dans un mutisme complet. Elle savait que peu survivaient au rituel. Créateur,
elle risquait de ne pas survivre. Elle préférait ne pas alimenter encore ses angoisses en échangeant les théories les plus folles avec les autres.
Pourtant quand on lui présenta la coupe pleine de sang, Tallulah réussit encore à être surprise. Elle avala le liquide répugnant d'une traite. Ensuite la pire douleur qu'elle ait jamais ressenti envahit tout son corps et elle perdit conscience. Lorsqu'elle revint à elle, elle était membre de la Garde des Ombres.
***
« Hé, princesse, on peut y aller. » Elle releva le nez de sa choppe. Enfin, ce n'était pas trop tôt. Eirian, cet espèce de noble à la manque, avait la sale habitude de tomber sur des connaissances à chaque fois qu'ils mettaient les pieds à Val Royeaux.
« J'ai failli attendre. » « Je t'ai dit que tu pouvais venir. Tu n'as pas voulu. » Tallulah n'aimait pas les nobles. Et elle n'avait pas vraiment envie d'être reconnue par une de ses anciennes victimes. Sa cohabitation avec Eirian avait mal commencé pour ses raisons. Maintenant les choses allaient mieux. Beaucoup mieux. Même si la jeune femme se serait planté une de ses dagues dans le pied plutôt que d'avouer qu'elle avait fini par développer des sentiments pour son coéquipier. Les chances que ce soit réciproques étaient proches du zéro absolu. Les nobles, même déshérités, ne fréquentaient pas les arnaqueuses sans le sou. Pourtant avec un possible Enclin qui s'annonçait, Tallulah se demandait si elle ne devait pas faire quelque chose. Mais pour le moment, elle avait du pain sur la planche...
Mon Garran est heureux de voir une nouvelle garde !
Quelques fautes d'accords ici et là, rien de grave, une bonne relecture devra suffire !
Je te valide avec grand plaisir 
Par contre, il faut juste mettre à jour le petit code tout en bas de la fiche, puisqu'il n'est pas conforme à ce qu'on demandait pour pouvoir t'ajouter dans les registres. Je te redonne 
