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 Joindre l'utile à l'agréable

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MessageSujet: Joindre l'utile à l'agréable Joindre l'utile à l'agréable EmptyJeu 16 Juil 2015 - 14:44


Joindre l'utile à l'agréable
Louis & Clothilde


✥ Date, mois, année Drakonis, 4, 5 :12 des Exaltés  
✥ Lieu La route entre la Tour et Lydes; qui passe à proximité de la baronnie de Verchiel
✥ Moment de la journée milieu de matinée
✥ Autre -




Nous avons reçu la réponse il y a un peu plus de quinze jours. Enfin, « nous », je devrais dire qu’elle a reçu la réponse, et qu’elle m’en a fait connaître le sens.
J’étais au laboratoire, train de feuilleter divers ouvrages de médecine, lorsque j’ai vu arriver un ciel d’orage. Son visage était si sombre qu’un instant, j’ai cru qu’elle était folle de rage ; mais je commence à la connaître, depuis le temps que nous nous voyons en cachette.  Elle n’est pas très douée pour mentir, et cet air sombre est ce qu’elle prend pour une expression neutre.
« Ghislain, j’ai à vous parler. En privé. Tout de suite. » Quelques collègues surpris me lancent un regard navré, exprimant par avance leur compassion pour le mauvais quart d’heure que je vais passer. S’ils savaient seulement ! J’efface l’ombre du sourire qui éclot sur mes lèvres, elle a été claire là-dessus. Limpide. Aucun signe à la Tour et en public d’une quelconque affection entre nous.  C’est souvent pesant, surtout dans des moments comme ceux-là.  Mais si nous étions pris, c’en serait fini de nous deux. L’attente est longue, et nous n’avons réussi à nous voir qu’une seule fois en près de trois mois. Toutes les autres rencontres nocturnes se sont avérées trop risquées pour aboutir à un moment privilégié ensemble.

Elle m’a entraîné dans une chambre d’essais quelques pas plus loin, a fermé la porte derrière elle, et s’est retournée  en passant ses bras à mon cou avant de m’embrasser avec sa fougue habituelle. J’ai à peine eu le temps de réagir, alors que je m’attendais plus ou moins à ce qui allait arriver. Elle me surprend, toujours, et c’est la plus belle chose qui soit.
Ils ont dit oui ! s’exclama-t-elle, avec un beau sourire, qui enflamma encore plus mon cœur que la bonne nouvelle

 En quelques minutes, entre deux baisers, elle me racontait le sermon du Templier Capitaine, « je n’ai accepté que parce que vous êtes tous deux des éléments de valeur, bla, bla bla », les promesses et recommandations à la prudence, le fait que Kahrs et Cousland devaient me convoquer, mais qu’elle avait sollicité le droit de m’en parler avant.  Elle était très fière d’elle ; elle ignore les promesses que j’ai faites, le second phylactère que j’ai remis à Cousland, les lettres de créance et de garant que j’ai sollicitées auprès de tous mes « amis » notables… Je n’avais aucune raison de lui en parler, ni à ce moment, ni aujourd’hui.


Et puis, Cousland et ses hommes qui surgissent du couloir, et s’avancent vers nous. Nous nous sommes séparés, comme frappés au plexus en entendant le pas armuré et cadencé.
Un regard par la porte entrebâillée, et nous comprenons que nous sommes leur destination. Clothilde fait mine de me prévenir avec fermeté des conséquences d’une trahison.  Elle en rajoute même, n’hésitant pas à dégainer son épée pour me la coller sous le nez


Sur le coup, j’ai pris ça pour une comédie à l’attention de Cousland, mais en y réfléchissant, je me demande si ses mots n’avaient pas un double sens. un truc du genre
« Tu m’as promis des choses, Ghislain, et je m’assurerai que tu les tienne, intégralement. Si tu t’avises de me jouer un mauvais tour, j’ai le droit de t’exécuter. Réponds à mes attentes, et tu seras un homme comblé. Manques y, et tu seras de la chair à saucisse. »

En tous les cas, voilà cinq jour, nous avons pris le départ. Il nous a fallu dix gros jours d'organisation avant d'être opérationnels. Nous avons tout préparé, discuté avec tous les prodigueurs de bons conseils, et notre groupe restreint n’est composé que de moi, elle et deux collègues à elle. Tristan m’a procuré une corde insensible à la magie, pour le cas où, et nous emmenons deux chevaux supplémentaires,  pour pouvoir transporter notre matériel et notre nouvel invité. Clothilde a choisi Lydes pour notre première tournée, car il semble que les dernières interventions templières se soient mal passées, et que nous ayons du crédit à regagner par là bas. Comme toujours,  elle a fixé la barre très haut, se fixant des défis à la hauteur de ses ambitions.

Tout est organisé, millimétré, préparé. Les tours de garde nous permettront de nous voir en tête à tête tous les soirs ; et un jour sur trois, nous serons même de garde et de repos ensemble.  Ben et Jebbard, les deux templiers qui nous accompagnent, sont de braves garçons. Jeb est un ami de Clothilde, en qui j’ai toute confiance.  

Quand à Ben, je regrette qu’il nous accompagne ; non parce qu’il  est antipathque, mais bien au contraire, parce qu’il est, avec elle, l’un des Templiers les plus respectueux des Mages que je connaisse. Il a tenu à venir, motivé par le projet, mais la Tour va être laissée aux mains de gens bien moins mesurés. Heureusement, Cousland est un homme raisonnable ; il a écouté (ou du moins, entendu, ou fait mine de) ma mise en garde concernant l’ambiance pesante à la Tour depuis quelques mois, et fera, j’en suis sûr, ce qu’il faut pour apaiser les tensions.

Depuis cinq jours, le trajet se déroule sans incident. Au début, nous avons maintenu notre distance de façade, et j'ai volontairement insisté sur ma camaraderie avec les deux autres, quitte à faire quelques blagues un peu lourdingues envers ma belle guerrière. Que je me suis empressé de me faire pardonner à chaque occasion qui m'a été donnée...

Nous avons marché bon train, et nous entrerons d'ici quelques heures sur les terres de Verchiel, un petit comté sans envergure, qui a récemment été le théâtre de quelques incidents. La prudence sera de mise, et Ben a résolu de camper avant d'entrer sur les terres proprement dites du comté, afin d'y pénétrer frais et dispos. Clothilde et moi avons acquiescé, et prétendu que nous en profiterions pour aller au ravitaillement dans les fermes alentours; J'ai comme l'impression que la récolte sera mauvaise...
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MessageSujet: Re: Joindre l'utile à l'agréable Joindre l'utile à l'agréable EmptyJeu 16 Juil 2015 - 23:06




Le printemps revenait enfin, et avec lui, la bonne humeur de Clothilde de Gerfaut. Elle avait astiqué son armure comme jamais, soigneusement plié ses vêtements de rechange et veillé elle-même aux préparatifs des chevaux. Elle parvenait à peine à y croire. Quand la réponse du Templier-Capitaine lui était parvenue, une semaine plus tôt, elle avait couru jusqu’au laboratoire. Louis de Ghislain travaillait avec ses collègues enchanteurs, et elle avait pris son expression la plus neutre pour demander à lui parler en tête à tête. Enfin, parler…
Sa relation avec Louis avait bien évolué au cours des dernières semaines. Au fil des jours, alors qu’il soignait son bras et qu’ils apprenaient à se connaître, elle avait découvert un homme spirituel, bon, charmeur… et elle avait fini par succomber à la tentation. Elle avait connu l’interdit avec les templiers de la Flèche Blanche, mais ça n’avait rien de commun avec ça. Nouer une relation amicale avec un mage, cela pouvait arriver. Coucher aussi, pourquoi pas. Mais entretenir une liaison suivie, s’abandonner, jour après jour, oublier l’armure et ne jurer que par la peau et le cœur, ça, c’était totalement hors de question. Et pourtant. Autrefois, la simple évocation d’une telle relation l’aurait fait rire aux éclats. Aujourd’hui, la jeune femme était partagée entre la terreur et le désir. Ils s’étaient retrouvés une seule fois, et pourtant il lui semblait avoir déjà partagé bien plus qu’une seule nuit avec lui. Elle préférait ne pas gratter la surface de ses sentiments, de peur de découvrir ce qui se cachait dessous. Peut-être était-ce pour ça qu’elle lui avait mis l’épée sous la gorge. Pour nier ce qu’elle éprouvait réellement. Ou pour se prouver qu’elle avait encore le contrôle de la situation.
Ils étaient partis de bon matin, Louis, Jebbard et Ben. Cousland lui avait demandé qui elle voulait pour se joindre à leur équipée. Soucieuse de trouver les bons alliés, elle avait évidemment suggéré les noms de deux templiers les plus conciliants. Les apostats n’auraient jamais suivi des brutes incompétentes. Si leur approche fonctionnait, en revanche, elle devrait former d’autres chantristes à cette méthode, afin qu’elle se diffuse le plus largement possible, jusqu’à entrer tout à fait dans les mœurs. Peut-être pourraient-ils alors contrer l’influence néfaste de ceux qui pensaient comme mère Fidélia, et rendre le Cercle plus convivial.
L’ennui, c’était que Ben et Jebbard étaient trop sympathiques, et enclins à la plaisanterie. Les blagues potaches tendaient à agacer Clothilde. Elle n’aimait pas que le mage s’amuse ainsi avec les compliments et les sous-entendus, même sous le couvert de la boutade : leurs compagnons n’étaient pas stupides, ils finiraient par comprendre que quelque chose se déroulait entre le mage et la templière. Chaque fois qu’ils parvenaient à s’isoler, Clothilde rappelait à Louis qu’il devait se montrer plus prudent. Peine perdue. Les baisers de l’enchanteur étouffaient tous ses mots.

Ils décidèrent de faire halte pour la nuit aux abords des fermes de Verchiel. Ben et Jebbard s’affairaient à monter le campement, et Clothilde, voyant qu’ils n’avaient plus grand-chose à se mettre sous la dent, décida de se rendre dans le voisinage pour demander à manger aux autochtones. Louis, bien sûr, l’accompagnerait dans cette quête. Se retrouver seule avec lui rendait Clothilde nerveuse. Ils ne resteraient certainement pas à se regarder dans le blanc des yeux – tout au moins l’espérait-elle, à dire vrai – mais s’ils ne rapportaient rien à manger, Ben et Jeb se demanderaient ce qu’ils avaient bien pu faire durant leur absence. La seule idée d’être découverte tétanisait la jeune femme.
Ils traversèrent un champ de navets prêt pour la récolte, puis un champ de carottes – l’image de légumes bouillis titillait déjà l’estomac de Clothilde. Elle se retourna pour observer le campement qu’ils avaient établi ; leurs compagnons ressemblaient à deux petits points brillants juste au-dessus des cultures. Ses doigts frôlèrent ceux du mage. Sa peau toute entière parut s’électriser à ce simple contact.

« Alors, commença-t-elle pour lancer une conversation. Qu’est-ce que ça te fait, de sortir ainsi et de te promener, libre et sans entraves ? »

Il n’était pas réellement libre, et elle le savait, mais entre ça et une vie confinée entre les murs de la Tour, il y avait un monde. Louis faisait partie des enchanteurs qui sortaient de temps à autre. Jamais, cependant, il n’avait dû être aussi libre d’agir à sa guise – aucun templier n’avait jamais dû lui permettre d’aller chercher à manger de cette façon. La ferme la plus proche se trouvait à une bonne centaine de pas encore, et le campement était éloigné de quatre fois plus. Se trouver avec une seule gardienne, aussi loin de la Tour, devait tout de même lui être inhabituel.
Clothilde jeta un nouveau coup d’œil par-dessus son épaule. Les petits points avaient disparu à l’horizon. Elle saisit la main de Louis, franchement, cette fois-ci, posa l’autre sur la joue du mage et se hissa vers lui pour poser ses lèvres sur les siennes. Comme toujours, le contact de sa peau lui tira un frisson, et autre chose, aussi. Le baiser dura un peu plus longtemps que de raison, s’échauffa beaucoup plus qu’il ne le fallait. L’armure n’était pas la tenue la plus confortable pour une étreinte, et un champ de navet ne constituait pas non plus le meilleur décor. Hélas, ils n’avaient jamais d’occasion pour une robe de satin et un verre de vin sur une peau d’ours.

« Si nous tardons trop, les autres vont venir à notre recherche », souffla-t-elle contre ses lèvres.

Pour autant, elle n’avait pas la moindre envie de s’écarter de lui. Pas sous ce ciel limpide, pas au beau milieu de nulle part, à des lieues de Montsimmard, alors que personne ne pouvait les voir. Ils n’auraient peut-être aucune autre chance telle que celle-là.

« Ça n’est pas raisonnable. Il faut… »

Elle ne termina pas sa phrase. La raison n’avait rien à faire là-dedans ; son cœur avait déjà pris le dessus, et elle cherchait de nouveau les lèvres du mage.
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MessageSujet: Re: Joindre l'utile à l'agréable Joindre l'utile à l'agréable EmptyVen 17 Juil 2015 - 21:02

Clothilde a toujours été -et de loin- la plus raisonnable de nous deux. Elle livre constamment une ardente bataille entre son devoir et ses désirs. Pour ma part, ma vie oisive et ennuyeuse m'a conduit à très rarement lutter contre mes envies, et ma nature de mage m'a appris que pour éviter que le désir ne devienne dévorant, il faut parfois y succomber. Tout est une question de contrôle.

Mon désir -mon amour- pour elle me taraude depuis longtemps, alors qu'elle ne s'est abandonnée que récemment à l'idée. De plus, si nous étions surpris, j'en serais quitte pour me faire taper sur les doigts, alors qu'elle y perdrait son armure, et peut-être plus. Par ailleurs, c'est bête à dire, mais comme je suis un homme, je bénéficierai toujours d'une certaine compréhension; elle sera considérée comme une garce sans honneur.

Tout ça pour dire que, bien que j'ai envie de l'étreindre à chaque instant, et que chacun de ses mouvements éveille des embrasements dans mon corps et mon cœur, il est nécessaire de faire preuve d'une prudence excessive. Qui peut parfois faire douter de l'existence réelle de l'attachement qu'elle me porte; et la faire douter de mon propre engagement.

Mais mes aïeux, ce baiser dans les navets était une réponse cinglante à tous les petits diables qui taraudaient mon cœur! J'ai du mal à croire qu'une femme aussi splendide, aussi intelligente, au cœur d'or et à la volonté d'airain, puisse me vouer quelque intérêt, au mépris du danger que je représente.

Lorsqu'elle m'a demandé comment je me sentais, dans cette pseudo liberté, que pouvais-je répondre?
"Cet endroit est magnifique; et j'y suis avec une personne merveilleuse. Peu importe que je porte un boulet au pied, je serais toujours le plus heureux d'être ici avec toi. Pour le reste, j'imagine que je ne peux que me réjouir d'avoir obtenu la confiance de nos supérieurs, et de tes pairs, pour bénéficier d'un peu d'air...  

Quelques instants après, la foudre me traversait en continu, de haut en bas et de gauche à droite, éléctrisant chaque parcelle de mon être, alors que ma farouche guerrière s'abandonnait à un baiser. Je me suis fait la réflexion incongrue à cet instant que c'est moi qui portait des robes, et elle une armure de plaque, ce qui devait offrir un tableau bien étrange. Ma carrure me permet d'être un peu plus grand qu'elle, ce qui sauve (un tout petit peu) la face... Et puis, plus rien. Une vague intense, irrésistible, a soufflé toute pensée consciente en moi.

J'ai repris mes esprits allongé dans le champ, une main sous la nuque de Clothilde, l'autre cherchant fébrilement le défaut de l'armure, cette petite courroie tellement bien cachée qui permet de faire tomber tout ça en pièces détachées.  Je sentais ses mains à elle, moins entravées, trouver leur route sous mes robes. Quelle aubaine que j'ai revêtu une grande capeline sur une tenue d'équitation en cuir plus classique...

Les trop courtes minutes qui ont suivi ont vu la récompense d'une trop longue attente, et la satisfaction d'un désir qui grondait en nous depuis tellement longtemps qu'il en devenait sourdement douloureux. Il a suffi que je l'effleure pour faire réagir son corps, qui s'est emporté dans une vague sauvage qu'elle a chevauché au mieux. Je ne voudrais pas m'avancer, mais ma douce amie n'a pas l'air de démontrer une grande expérience de la bagatelle, et ses amants devaient être de grosses brutes musculeuses plus préoccupées de leur désir que de son plaisir. Pour la part, j'avais beau planifier mille fois la chose depuis des jours, j'étais comme un puceau à son premier flirt, et j'ai dû... m'y reprendre à deux fois, pour faire les choses correctement.

Lorsque les environs ont commencé à sombrer dans le crépuscule entre chiens et loups, essoufflés et suants, nous avons fini par prendre conscience de l'urgence, et la précarité de notre situation.
Je n'avais aucun désir de me relever, de quitter sa peau de miel et ses yeux de velours, de laisser ses dents de nacre quitter mon épaule endolorie, de retirer le genou pointu qui me transperçait la côtelette, mais le danger devenait étouffant.
"Par le Créateur, ma chérie, tes compagnons ne vont pas tarder à s'inquiéter! Vite, je vais au ravitaillement, remets ton armure, et nous rentrons à toute allure!"

Je me relève, en repoussant le tas de ferraille qui traîne à côté de nous.

"J'avais prévu que ce serait un peu... difficile de manger en cours de route; j'ai fait une petite ponction dans mes économies personnelles. Cela devrait accélérer la négociation avec le paysan, dis-je d'un ton complice.

Je ne suis pas sûr qu'elle puisse accepter de me laisser aller seul, même pour quelques minutes, à la rencontre des paysans, mais ce serait un gain de temps précieux...

"je pense qu'un gros jambon et un sac de navets devraient faire un bon butin, qu'en dis-tu? On prétendra qu'on a eu toutes les peines du monde à leur mendier ces pauvres victuailles, et du coup, on sera contraints de repartir au ravitaillement d'ici... pas trop longtemps, j'espère." Je l'attire une dernière fois contre moi, et l'embrasse avec le remord de la séparation déjà au bord des lèvres. Combien de temps avant de nous retrouver enfin?
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MessageSujet: Re: Joindre l'utile à l'agréable Joindre l'utile à l'agréable EmptyDim 19 Juil 2015 - 23:03

Impossible de réfléchir, impossible de parler. En une seconde, tout dérapa. Clothilde pensa – une brève seconde – à mettre fin à cette dangereuse étreinte, mais sa volonté s’évanouit à la seconde où les lèvres de Louis se posèrent sur sa peau. Chaque endroit qu’il touchait paraissait s’embraser. L’armure tomba sur le sol dans un lourd bruit de métal, que la templière n’entendit même pas. Elle avait peine à réaliser qu’ils aient pu tenir aussi longtemps sans succomber à nouveau à cette délicieuse tentation. L’interdit lui nouait l’estomac, sans pourtant parvenir à restreindre son désir.

« S’ils nous suivaient », commença-t-elle, mais elle ne put jamais terminer sa phrase.

Baisers, caresses, étreintes : tout s’emmêla dans son esprit tandis qu’ils assouvissaient enfin ce besoin enfoui depuis des semaines. Il était trop tard pour revenir en arrière. De toute façon, Clothilde ne le souhaitait même pas. Plus les jours passaient, plus elle apprenait à connaître Louis, et plus ses barrières s’effondraient. Il fallait pourtant faire semblant devant les autres. Relever le menton, sourire d’un air pincé, écourter les conversations qu’elle aurait voulu infinies, s’éloigner quand elle voulait être si proche. Parfois, elle devait même se montrer sèche et froide – Créateur, comme elle haïssait ces instants ! Elle espérait alors qu’il savait, et qu’il ne lui en tenait pas rigueur. Mais jusqu’à quand cela durerait-il ?
À bout de souffle, le front contre l’épaule du mage, la templière refusait de regarder l’horizon qui se perdait dans les ténèbres. Le temps avait passé bien trop vite. Elle aurait voulu une nuit entière et bien plus… Elle sentait Louis trembler contre elle – à moins que ce ne fût elle ? Leurs mains se pressaient contre leur peau, comme pour s’empêcher l’un et l’autre de s’échapper, d’interrompre ce moment que la rareté rendait si précieux.
Ce fut finalement Louis qui manifesta le premier son inquiétude. Clothilde releva la tête ; la réalité lui revint tout à coup à l’esprit.

« Non, non ! »

Elle se releva d’un bond, manqua de trébucher sur les parcelles éparses de son armure abandonnée dans les navets. Par chance, la pénombre qui tombait de plus en plus vite aurait empêché quiconque de voir qu’elle était nue.

« Nous devons rester ensemble, trancha-t-elle. Si jamais il se passait quelque chose… »

À cet instant, l’idée que Louis eût pu perdre le contrôle ne l’avait même pas effleurée. Elle songeait juste à ce qui se passerait si quelqu’un découvrait qu’il était mage, et seul. Les préjugés avaient la vie dure, surtout auprès des personnes les plus humbles. La magie, selon elles, ne pouvait être que mauvaise et attirait forcément des ennuis. Au mieux, on le chasserait à coup de pierres, au pire, on le violenterait beaucoup plus durement – et les choses pouvaient réellement dégénérer, même avec le plus doux des enchanteurs. Elle n’aurait jamais pu expliquer cela à ses compagnons d’arme, et encore moins supporté de n’avoir rien fait pour aider Louis.
Pestant et rageant contre ces sangles qui refusaient de se laisser manipuler, Clothilde tâcha de remettre son armure en hâte. Elle possédait par chance l’aisance née d’une longue habitude : se parer de sa carapace et s’en défaire tous les jours aidaient à connaître les astuces utiles.

« Serre-moi celle-ci, demanda-t-elle en lui présentant son flanc, tandis qu’elle s’attelait sur une autre. Tu n’auras pas besoin de ton argent. Les templiers jouissent d’une excellente réputation auprès de la population : je vais te montrer comment rapporter un dîner digne de ce nom. »

Après quelques minutes, elle retrouva son aspect de chevalier étincelant. Louis l’attira contre lui ; une dernière fois, elle savoura le goût de ses lèvres et la chaleur de ses bras.

« Il faut y aller », souffla-t-elle à contrecœur.

Ils reprirent leur chemin vers la ferme, Clothilde moins anxieuse qu’elle ne l’aurait dû, et Louis bien trop souriant. Les volets de la masure étaient déjà clos : les gens d’ici se couchaient en même temps que le soleil. Le mage et la templière avait trop tardé, mais peut-être accepterait-on de leur donner de quoi manger lorsqu’elle se serait présentée.
Pleine d’espoir, la jeune femme toqua à la porte. Il y eut un long silence, puis une voix d’homme répondit :

« Qui c’est ?
Clothilde de Gerfaut, templière du Cercle de Montsimmard. Veuillez ouvrir, je vous prie. »

De nouveau, le silence s’établit. Clothilde patienta quelques instants. Personne ne vint lui ouvrir. Surprise, la jeune femme décida de retenter sa chance. Cette fois, elle n’obtint pas la moindre réponse aux coups qu’elle frappa à la porte.

« S’il vous plaît ? appela-t-elle. Je viens vous demander quelques provisions pour mes compagnons et moi. Nous sommes de passage ici et nous rendons à Verchiel. »

Le silence, encore et toujours. Fronçant les sourcils, Clothilde tira son épée d’un geste presque mécanique. On ne refusait jamais d’ouvrir à un templier. À moins de cacher un apostat, évidemment.
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MessageSujet: Re: Joindre l'utile à l'agréable Joindre l'utile à l'agréable EmptyMar 21 Juil 2015 - 16:09

Son armure a pris la terre, et je l'époussette tant bien que mal. Malgré les rigueurs du voyage et son armure crottée, elle reste resplendissante. Les derniers rayons de lumière forment comme un halo sur elle, alors qu'elle ouvre la marche, le menton en avant et le dos droit.

Alors que nous nous dirigeons vers la ferme voisine, Clothilde manifeste une confiance qui me paraît totalement excessive. Je ne connais pas bien les gens du dehors, mais ouvrir en pleine nuit à des étrangers, qui plus est pour se faire réquisitionner de la nourriture et des fournitures ne me semble pas vraiment une perspective de nature à enchanter le cœur du pécore moyen.

La nuit avance à toute allure, et nous n'y verrons bientôt plus à cinq pas. Il y a urgence à obtenir notre "butin" et à retourner au camp, ou nos camarades vont commencer à vraiment s'inquiéter.

Arrivés devant la porte, Clothilde toque d'un air assuré et s'annonce avec fierté. Et la réaction est celle que j'attendais. Tout juste si on n'entend pas le vieux barbon faire glisser les meubles devant la porte et moucher toutes ses chandelles...

Clothilde, tel le chien ayant flairé le renard, se hérisse devant la porte fermée. Elle a l'air de soupçonner quelque chose de louche, là où je ne vois qu'une méfiance naturelle et une pingrerie commune. Lorsqu'elle se saisit de son épée, je me décide à intervenir, et pose une main qui se veut apaisante sur son bras d'arme.

"S'il vous plaît? Je suis Louis de Ghislain, fils du duc de Ghislain. Mon escorte et moi-même avons fait halte non loin d'ici, et j'aurais voulu vous acheter un peu de victuailles...

N'ayez aucune crainte, nous ne sommes que deux, je ne suis pas armé, et ma compagne est une vaillante représentante de la Lumière.
Allons, vous ne refuseriez pas asile à un pèlerin, mon ami?"


Bien que ces mots ne reflètent pas la stricte vérité, ils en contiennent suffisamment pour ne pas être un vrai mensonge. Le bonhomme pouvait s'imaginer bien des choses, mais il n'y avait pas de menace là dedans.

Un instant plus tard, la porte s'ouvre, s'entrebaille plutôt, et un gros homme aux bajoues tombantes glisse sa tête par l'ouverture.
"J'ai pu ren à vendre, Vot'seigneurie, tout a d'ja été réquisitionné. Allez donc tenter vot'chance chez les voisins, moi j'veux pas pu d'ennuis qu'j'en ai déjà..."

Je sens Clothilde frémir sous ma main. Visiblement, elle soupçonne autre chose. Un mage, peut-être? A tout hasard, je me prépare également, bien que rien jusqu'à présent ne me laisse soupçonner la présence d'un Apostat ou d'un révélé.

"S'il vous plaît, mon brave, dis-je en sortant quelques pièces, ne nous laissez pas le ventre vide. Un sac de navets et un jambon feront mon affaire, et je vous en donne ... deux sols six sous.
C'est un prix manifestement disproportionné, d'après ce que j'ai pu voir depuis notre départ, mais je sens que la situation ne va pas tarder à dégénérer, si on ne désamorce pas les choses très vite.

Le gros jacques me  regarde d'un oeil calculateur et torve, semblant hésiter. Bien entendu, je pourrais mettre ça sur le compte de la crainte, de la peur d'être détroussé, ou autre. Mais ma templière d'amie, elle, ne le voit visiblement pas comme ça, et je ne sais pas si je pourrais la retenir encore longtemps de faire sauter la porte d'un coup de pied bien placé...

La prudence de l'homme, compréhensible par ailleurs, me fait soudainement l'effet d'une preuve affligeante de stupidité, alors que je sens la menace de ma compagne grandir dans mon dos. Ne se rend-il pas compte, le sot, que j'essaie de lui sauver la vie?

Un raffut résonne soudainement dans la maison, déchirant le silence pesant qui s'éternise. Une quelconque ferronnerie a heurté le sol de pierre. Une légère odeur de fumée est apparue depuis quelques instants dans l'air.
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MessageSujet: Re: Joindre l'utile à l'agréable Joindre l'utile à l'agréable EmptyDim 26 Juil 2015 - 15:27

Clothilde leva les yeux vers le ciel d’encre, agacée. Allons bon ! De tous les paysans de Thédas, il fallait qu’elle tombe sur le seul qui n’ouvrait pas sa porte à une templière à la nuit tombée, exactement le jour où Louis l’accompagnait à l’extérieur du Cercle. Le mage, justement, estimait avoir plus de chances qu’elle de convaincre le manant – et il en eut plus, en effet, bien que Louis ne lui eût pas apporté beaucoup plus de garantie qu’elle. La porte finit par s’ouvrir sur un homme qui ne mourait visiblement pas de faim. Le gros paysan pesait contre la porte, ne leur présentant que son visage par l’entrebâillement ; il jeta à peine un coup d’œil à leurs mises avant de répondre. Les doigts de Clothilde raffermirent leur prise sur son épée. L’homme parlait trop vite, leur jetait trop de coups d’œil nerveux. Il dissimulait quelque chose là derrière. La templière avait déjà rencontré ce regard fuyant et cette envie de faire déguerpir les Chantristes, et bien qu’elle eût passé les trois dernières années enfermée à la Tour, elle savait ce que cela annonçait.
Elle s’apprêtait à répondre quand Louis la retint à nouveau, reprenant la parole pour tenter d’amadouer le gros homme. La somme proposée était conséquente. En théorie, le paysan n’aurait pu refuser une telle offre. L’hésitation se lisait pourtant sur son visage buriné, renforçant un peu plus les doutes de la jeune femme. Son regard passait du mage à la templière, sans savoir quoi répondre à cette proposition. Soit il était complètement stupide, soit il cachait bel et bien quelque chose. Clothilde voulut s’avancer, mais Louis lui barrait le passage, l’empêchant de venir réclamer quelques explications.
Un bruit métallique résonna soudain depuis l’intérieur de la masure. Surprise, la templière se tendit toute entière, prête à bondir pour défoncer la porte d’un coup d’épaule. Son nez perçut rapidement l’odeur de fumée, et elle jeta un regard en direction de Louis.

« Il y a le feu ! »

Sans plus attendre, la jeune femme ouvrit la porte. Le paysan était tellement surpris par le bruit derrière lui qu’il ne songeait plus à garder ses visiteurs ; il ne put opposer aucune résistance lorsque la templière força le passage pour s’engouffrer dans la masure. L’édifice ne comptait pas suffisamment de pièces pour se perdre et elle trouva rapidement l’origine du bruit, une petite réserve dans laquelle une femme aussi ronde que leur interlocuteur se tenait debout, en chemise de nuit. Un lourd candélabre de cuivre gisait à ses pieds. La bougie qu’il soutenait avait roulé sur le sol et embrasait déjà un sac de toile. À deux pas de la paysanne, une voix d’adolescent s’éleva d’une trappe ouverte dans le plancher :

« Envoie les jambons, m’man ! »

Clothilde resta un instant interdite. La femme la regardait avec de grands yeux, partagée entre la surprise et la peur, sans oser esquisser le moindre geste devant la templière surgie de nulle part, épée au clair. Clothilde finit par reprendre ses esprits ; embrassant du regard la pièce, elle avisa un vieux drap sale étendu sur un meuble et s’en saisit pour étouffer les flammes. Des bruits de pas précipités lui apprirent que Louis et le manant venaient de les rejoindre. Une tête aux cheveux épais jaillit du trou dans le sol, avant de disparaître à demi presque aussitôt.
Dans la pénombre soudain établie, Clothilde se tourna vers le paysan et fronça les sourcils.

« Mais enfin que se passe-t-il, ici ?
Mes excuses, m’dame Templière, gémit l’homme en levant les mains. On croyait qu’vous étiez des maugas ! Y’en a qui rôdent dans l’coin et qu’attaquent eul fermes. C’est qu’eul temps sont durs, voyez ? Tout l’monde crève de faim et y’a pu rien à manger nulle part. Faut qu’nous tienne jusqu’aux prochaines récoltes, si l’comte nous en laisse eun miot. On peut pô s’permettre de manquer... »

Sa femme hocha vigoureusement la tête, faisant danser ses grosses joues. Manquer ? Eux ne manquaient pas de grand-chose, à en juger par la quantité de saucissons, de jambons, de pommes de terre, de navets, de carottes qui s’amoncelaient dans les sacs en toile de jute. Et s’ils avaient même une cave sous leur masure, cela signifiait qu’il pouvait leur en rester encore beaucoup.
Ce n’était pas la première fois que Clothilde et son petit groupe entendaient parler de disette. Jusqu’à présent, ils n’avaient pas eu besoin de demander à manger à l’habitant, mais les rares conversations qu’ils avaient eues avec la population s’orientaient fréquemment sur le sujet de la nourriture. Quoi qu’il en soit, la templière et le mage étaient sans doute tombés dans la ferme la mieux achalandée de la région. Le mensonge éhonté du paysan lui fit serrer un peu plus les doigts sur son épée : comment osait-il prétendre ne rien avoir à manger, alors qu’il avait de quoi tenir un siège pour au moins six mois ? Son champ de navets serait bientôt bon à récolter et remplirait un peu plus son garde-manger – sauf s’il lui fallait plusieurs livres de nourriture par jour à lui tout seul. Avait-il seulement pensé à partager un peu avec ceux qui mourait réellement de faim ? Avait-il donné ne serait-ce qu’un dixième de tout ce qui se trouvait ici à ses voisins moins bien fortunés ?
Sentant la colère lui monter au nez, la templière s’empressa de rengainer son épée avant d’avoir un geste malencontreux.

« Nous ne venions pas vous piller, le rassura-t-elle, d’une voix si sourde qu’il ne devait pas être rassuré du tout. Comme nous vous l’avons dit, nous sommes de passage dans la région, et nous venons simplement vous demander un peu de nourriture pour ce soir, si la charité envers les serviteurs d’Andrasté vous dit encore quelque chose. »
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MessageSujet: Re: Joindre l'utile à l'agréable Joindre l'utile à l'agréable EmptyMer 29 Juil 2015 - 12:07

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Les choses se sont un peu emballées, et le temps que je réagisse, Clothilde a forcé son passage dans la maison, et déjà elle est prête au conflit. Comme les choses changent vite ; elle qui était si douce petite chatte il y a quelques instants est transformée en tigresse. J’admire son efficacité et son professionnalisme. Je déplore que, comme tout Templier, elle ait recouru à la solution directe et usé de la peur et de la surprise comme armes.

Notre joufflu tente désespérément de nous apitoyer sur son triste sort, sur la faim qui lui tenaille le ventre, le poussant à la lente agonie ; alors que sa famille est plus grasse qu’une harde de gorets. Il agite beaucoup les mains, secoue beaucoup son visage d’un air consterné, pendant que sa femme se tord les doigts, le regard baissé, mais se glisse subrepticement devant la plaque.
En dessous, l’adolescent s’est retranché au fond de la cave, contre un mur. Il doit avoir treize, quatorze ans maximum, et si son tour de taille le relie indiscutablement à sa famille, je lui trouve un air bien juvénile par rapport à sa carrure. Un enfant dans un corps d’homme. Un enfant visiblement pas très fin. Je sens d’ici sa peur. Quel petit trouillard ! Clothilde ne représente aucun danger pour lui, après tout, et il peut se détendre… Je croise son regard effrayé, et je lui souris, pour essayer de le détendre.  Peine perdue.

Comme nous vous l’avons dit, nous sommes de passage dans la région, et nous venons simplement vous demander un peu de nourriture pour ce soir, si la charité envers les serviteurs d’Andrasté vous dit encore quelque chose. »

Le gros cochard s’empresse de récupérer le jambon que son épouse a laissé choir, attrape un sac au hasard dans le tas qu’il se préparait à planquer, et les tend à Clothilde d’un air presque soulagé.  Diantre, y a-t-il tant de brigands que cela qui écument la campagne ?

J’imagine en souriant les fous qui voudraient s’attaquer à notre quatuor. Pauvre surprise qu’ils auraient là ! Les templiers voyagent avec de grandes capelines pour protéger leur armure de la poussière et des rigueurs de la route. Quand à moi, ma tenue d’équitation est trompeuse, cossue tout en comportant le tartan de Monsimmard pour protéger mes jambes.
Vu de loin, notre groupe doit ressembler d’assez près à une escorte de nobliau.
De près, je pense au grand coupe-choux de Jebbard, une espèce d’épée à deux mains pour géant. Je pense que je n’arriverais même pas à la soulever ; Jebbard, lui, la manie avec l’aisance de la pratique. Il appelle ça un tranche-jarrets, car il prétend pouvoir couper les pattes d’un cheval d’un seul coup. Je le crois, bien que l’idée me répugne.  
Ben et sa hache de bataille semblent à peine moins dangereux.
Quand à ma Clothilde, son épée fait pâle figure à côté de leurs armes, mais sa dextérité et son agilité la rendent tout aussi mortelle que ses accolytes.  


Pour l’heure, elle fixe d’un œil soupçonneux notre hôte involontaire, qui tout soudain se montre plein de grâce et arbore un air ravi à l’idée de nous aider.
« M’dame, serviteur, hein, nous sommes de bons fidèles d’Andrasté, ça oui. Il nous montre son petit autel, et le symbole chantriste en laiton fixé au mur au dessus de son lit. Il ne nous montre pas le scapulaire de pénitence qui est glissé sous le lit à côté, mais je suis observateur.
Voilà pour vous, m’dame, et grand merci pour c’que vous faites pour nous.  Pis, si vous voyez nos margoulins, mettez y un coup d’not part, et d’la part du bestiau qu’y nous ont volé, hein.»

Ce que disant, il fait mine de nous raccompagner vers la porte, continuant à nous abreuver de ses malheurs. Trop vite. Il cède bien trop vite. Il essaie de donner le change. La mère fait un pas vers nous, elle tente de nous repousser vers la sortie elle aussi. Mais que se passe-t-il ici ?

Clothilde a légèrement bougé, la main sur la poignée de son épée rengainée, et tourne le dos à la trappe ; mais le sentiment de malaise m’empêche de me détendre.  

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Je m’approche de la trappe, et m’adresse au garçon, l’invitant à sortir de là, d’une voix que je veux rassurante.
« Allons mon garçon, ne reste pas là au fond, remonte donc,  tu ne risques rien ! »

La peur du garçon se mue brutalement en terreur alors que je lui parle, et j’entrevois soudain une flambée de colère dans ses yeux. Et je perçois autre chose. Un effluve, que j’ai déjà rencontré une fois ou l’autre, en tant qu’observateur à la Tour. Que j’ai ressenti il y a quelques mois, dans une grotte de Val Firmin.
Le parfum des démons qui tentent de pénétrer dans notre monde, par une porte qui s’entrebaille dans l’esprit d’un jeune mage.  

Les pièces s’imbriquent dans ma cervelle lente, tellement lente à comprendre. Tout en parlant (en hurlant, plutôt), je tisse déjà ma glyphe
« C’est un révélé ! Clothilde, le garçon, il craque ! »

Le feu qui jaillit soudain des mains du garçon se heurte à mon mur spirituel, et au champ de suppression qu’il contient.  Le jeune homme aux yeux brûlants semble sidéré d’être ainsi brutalement coupé de sa magie ; mais la puissance d’une Abomination est considérable ; si je faillis ne serait-ce qu’un instant, le garçon est perdu, et Clothilde devra l’abattre. La lutte spirituelle s’annonce rude. J’espère que Clothilde trouvera vite, et bien, les mots qui le convaincront de se détourner du chemin qu’il est tenté d’emprunter.


Dernière édition par Louis de Ghislain le Sam 29 Aoû 2015 - 16:55, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Joindre l'utile à l'agréable Joindre l'utile à l'agréable EmptySam 15 Aoû 2015 - 15:25

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La peur et le mensonge ont presque une odeur bien à eux. Ils s’imprègnent partout, empuantissent une atmosphère et alourdissent les réactions d’une chape presque palpable. Cette maison en était remplie. L’effroi suintait de chacune des expressions de leurs hôtes involontaires, leurs paroles sonnaient faux. L’homme s’était trop empressé de donner à Clothilde ce qu’elle demandait, alors qu’il avait refusé quelques minutes plus tôt. Une sueur aigre coulait le long de ses tempes tandis qu’il tentait de les raccompagner à la porte, un sourire crispé sur le visage, son regard fuyant cherchant celui de sa femme, tout aussi mal à l’aise que lui.
Louis s’était rapproché de la trappe pour discuter avec le garçon qui se terrait toujours au fond. Le gros marcassin n’avait toujours pas montré le bout de son groin, comme si la présence des deux visiteurs du soir le terrorisait encore. Il n’y avait aucune raison logique à cela. Louis et Clothilde s’étaient présentés, les paysans les avaient vus, et savaient donc qui ils étaient. Pourquoi continuer à les redouter s’ils n’avaient rien à se reprocher ?
L’enchanteur fut le premier à sentir le mouvement de magie dans l’air. Clothilde ne dégaina pas. De jeunes mages qui s’abandonnaient à la peur, elle en avait vu suffisamment : chacun d’eux lui rappelait irrémédiablement Lysandre, et la jeune femme refusait de revivre l’horreur de cette journée où, implacables, les Templiers avaient tenté de l’arracher à sa famille. Ce n’était pas ainsi qu’elle concevait sa vocation. Levant lentement les mains pour montrer qu’elle ne tenait pas son épée, Clothilde s’approcha à son tour de la trappe. Le bouclier érigé par Louis avait tenu bon sous l’assaut désordonné du garçon, celui d’un mage qui n’avait encore jamais appris à contrôler ses pouvoirs. Un peu plus, et c’était la maison qui s’embrasait, et tous ses occupants avec elle.

« Calme-toi, dit-elle d’une voix douce. Nous ne te voulons aucun mal. »

Il y avait une marge entre « vouloir » et « faire ». La nuance, toutefois, était volontaire. Clothilde n’avait aucunement l’intention de blesser le garçon, mais elle n’hésiterait pas s’il l’y obligeait. La balle était dans son camp. Si, du moins, il parvenait à faire preuve d’assez de discernement pour le comprendre.
Le feu dont il usait demeura silencieux, néanmoins, assez longtemps en tout cas pour permettre à la jeune femme de tenter de le raisonner.

« Je suis sûre que tu ne veux blesser personne, encore moins tes parents qui sont ici. Je t’en prie, essaie de te calmer. Nous pouvons discuter calmement de tout cela.
J’veux pas aller au Cercle ! couina le gamin, terrifié, et une nouvelle salve s’abattit sur la protection que dressait toujours l’enchanteur.
Si tu restes ici, tôt ou tard, tu finiras par blesser quelqu’un. Et si cela arrivait, comment réagiraient vos voisins ? »

Derrière Clothilde, la femme émit un sanglot déchirant. Personne ne contesta cependant ses mots. Au fond de son trou, l’adolescent les regardait tour à tour d’un air affolé, Louis et elle, mais son pouvoir ne se manifesta plus. Le signe avait de quoi encourager, mais la partie était loin d’être gagnée. Gênée par son armure remise à la va-vite, Clothilde essaya de s’agenouiller au bord du trou. La proximité et une apparente faiblesse rassuraient souvent ses interlocuteurs.

« Tout d’abord, nous devrions discuter de tout cela tranquillement, peut-être autour d’une tasse de thé ? Si ta mère voulait bien nous en préparer une, ajouta-t-elle en tournant un regard insistant vers la grosse femme. Le mieux est que tu remontes ici, pour commencer, et ensuite nous parlerons. Je te promets que nous parlerons. »

Elle préférait éviter de promettre plus que cela, afin de ne pas avoir à trahir sa parole. Si les choses dérapaient, ou simplement si le garçon s’obstinait à refuser de les suivre, il faudrait malheureusement l’y forcer. Et s’il fallait l’assommer pour l’empêcher de tout détruire ou de se changer en Abomination, Clothilde ne ménagerait pas ses efforts… ni la force dans son poing. Quant à ce qui adviendrait si le pire se produisait, elle préférait en garder l’idée loin de son esprit, même si la probabilité de devoir tuer le jeune mage demeurait toujours élevée avec les apostats.
Tournant la tête vers le père du garçon, elle roula de gros yeux et marmonna entre ses dents serrées :

« Faites quelque chose pour votre fils : dites-lui de sortir de là. Je n’ai pas l’intention de lui faire du mal, mais si les choses dégénèrent, je n’aurai pas le choix.
Mais…
Soyez raisonnable. Sa sécurité et la vôtre en dépendent. »

L’homme resta immobile, les bras ballants, incapable de prendre une décision. La famille regardait la Templière comme si elle était une sorte de croquemitaine prête à dévorer le cochon de lait tapi au fond de son trou. Les préjugés avaient la vie dure. D’ordinaire, unique femme au milieu d’une troupe d’hommes, elle parvenait à apaiser les plus récalcitrants des apostats. Cette fois-ci, elle était seule avec Louis, ce qui la rendait plus terrifiante que jamais.
Détournant le regard du paysan totalement inutile, Clothilde se tourna vers Louis et lui désigna la cave d’un signe du menton. Première mission hors de la tour, première chance de mettre en pratique ce projet qu’ils avaient élaboré durant des semaines. Elle espérait qu’ils avaient eu raison, et que l’enchanteur saurait calmer le garçon terrorisé. De toute façon, il faudrait bien qu’il sorte un jour de là, d’une manière ou d’une autre, et qu’il les suive à Montsimmard.
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MessageSujet: Re: Joindre l'utile à l'agréable Joindre l'utile à l'agréable EmptySam 15 Aoû 2015 - 17:21

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Le bougre d'âne, il fera une recrue de choix pour la Tour si on le canalise... j'ai l'habitude de jouer à qui qu'a la magie la plus forte, et mes boucliers font mon honneur et ma réputation; et pourtant, le jeune godelureau y met des coups de boutoir tout à fait convaincants!
Le spectre de l'Abomination s'est éloigné lorsque Clothilde a pris la parole; la terreur a laissé la place à la crainte et à une colère générale plus tolérable.

Les mots de Clothilde ont fait leur chemins, à la fois doux et fermes, rassurants et droits. Je note distraitement quelques subtilités de langage qui doivent passer au dessus de la tête de nos gorets associés, mais je suis surtout occupé à faire deux choses à la fois: contenir le jeune impétrant, et tisser un champ de suppression magique suffisamment puissant pour neutraliser quoi que ce soit durant quelques minutes.

La seconde attaque est une formalité, à peine digne d'un débutant. Elle ressemble à un coup de pied dans une taupinière: pathétique manifestation de colère puérile. Je me détends un peu.
Les parents se mettent à sangloter quand Clothilde, en des termes froids et concis, leur rappelle de quoi il retourne. Mais ces imbéciles sont incapables de prendre la bonne décision. Le père, qui visiblement tape sur le fils et le "punit" pour sa magie, n'envisage toutefois pas de le voir partir au Cercle pour y apprendre à contrôler ses pouvoirs. Les gens sont paradoxaux, et stupides.

Elle rive ses magnifiques yeux noisette sur moi, et me fait signe. "A toi de jouer, mage", semble-t-elle dire.
Je lâche le champ de suppression. Immédiatement, je me sens moi-même coupé de l'Immatériel, si ce n'est pas un très ténu fil de soie. Le garçon n'accuse pas le coup, il n'est sûrement pas assez sensible pour remarquer ce qui vient de se produire.

"Allons, mon garçon, viens un peu par ici", dis-je en me redressant et en commençant à descendre l'escalier. "Tu as entendu le Templier de Gerfaut. Si nous allions boire un bon thé? Ou un grog? De toute façon, il n'y a plus de magie dans l'air pour le moment"

Il me regarde d'un œil soupçonneux, teste, écarquille les yeux pendant que je m'installe confortablement sur un sac de navets oublié là.
"Ma première fois, j'ai eu peur qu'un copain se fasse mal en sautant de travers depuis la grange de ma maison. Je lui ai cassé les deux jambes. J'ai eu de la chance: il n'est pas mort. J'ai une petite apprentie, qui a incinéré vivant un homme qui l'avait attrapée par le bras sans prévenir. Elle en fait encore des cauchemars.
Dis-moi, comment vois-tu ta vie, ces prochaines années? Terré dans une cave, un scapulaire autour de la cuisse, à te cacher et de faire battre, craignant à chaque instant d'embraser tout le voisinage? Ou comme un mage respecté, mettant ses dons au service du bien?

Tu as un sacré don, petit. Une magie élémentaire très pure, sauvage. Un cheval pur sang, vif, impétueux, ombrageux. J'ai beau bien maîtriser tout ça, t'as bien failli me surprendre!
Qu'est-ce qui se passe, à ton avis, quand un garçon qui n'a jamais monté à cheval saute sur le dos d'un tel étalon?"

Je secoue la tête d'un air consterné, puis reprends plus légèrement.

A la Tour, tu apprendra à dompter ton pouvoir, et tu apprendra à connaître les principes de la magie; comme on apprend à monter à cheval, puis à dresser son propre cheval. Tu sera nourri, logé et blanchi, et ton seul travail sera de devenir un cavalier d'exception. Personne ne te fera de mal, tant que tu ne laissera pas ta magie tout brûler, y compris toi-même. Nous te protégerons aussi de cette voix, que tu viens d'entendre, qui te tentait en te promettant assez de pouvoir pour nous vaincre, au prix de ton âme. Les Démons de l'Immatériel.

C'est bourré de jeunes gens de ton âge, et moyennant un peu de discipline, vous avez les trois quarts de vos journées libres pour faire tout ce qui vous chante, ou presque. Tu n'aura plus à te cacher, à avoir peur, à demander pardon pour un péché imaginaire...
C'est pas mal, comme perspective, non?


Il a testé deux, trois fois son lien pendant mon petit laïus, et je pense qu'il a compris l'essentiel: nous pourrions le contraindre à nous suivre, mais nous voulons qu'il vienne de son plein gré.

Je vois les rouages de son cerveau se mettre laborieusement en branle, et je décide de jouer le va-tout. Tirant sur le mince lien qui m'unit à mon champ de suppression, j'y met fin, et approche mes mains du jeune homme. Il recule d'abord, alors que je lève sa tunique, et vois les traces du scapulaire. Puis, je laisse la magie le soigner, pour lui montrer à quoi elle devrait servir.

Espérons que ça le convaincra... Au dessus de nous, les parents, toujours tétanisés de trouille, se sont rapprochés pour voir ce que j'inflige à leur progéniture.


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MessageSujet: Re: Joindre l'utile à l'agréable Joindre l'utile à l'agréable EmptyVen 21 Aoû 2015 - 22:23

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Les pleurs n’étaient pas de la colère, Clothilde le savait très bien. Quand elles étaient accueillies avec bienveillance, les larmes menaient à la compréhension et à la sagesse, non à la folie capable de tout détruire sur son passage. Elles lavaient la tristesse, la frustration, la souffrance, pour laisser seulement l’épuisement et, enfin, salvateur et nécessaire, le repos.
Aussi, ce fut avec soulagement qu’elle vit les larmes couler sur le visage rubicond de l’adolescent. Ses épaules s’affaissèrent en même temps qu’il laissait sortir toutes les émotions négatives qui devaient le hanter depuis des semaines. Clothilde sentit son cœur se gonfler de fierté. Louis avait su trouver les mots qu’il fallait. La Templière n’avait pas attaqué – mieux encore, elle avait préféré se retirer avant que les choses ne dégénèrent pour de bon – et le mage avait pu prendre le relais. Leur rêve n’était donc pas une utopie : il pouvait se réaliser, s’ils s’en donnaient les moyens.
Avec un soupir, elle lui octroya quelques instants de répit, le temps pour lui de vider son sac au fond du trou. Le geste était presque symbolique. Quand il remonterait de son garde-manger, ce ne serait que pour s’élever davantage, non plus pour demeurer dans son ignorance et sa lâcheté. Quand le temps raisonnable pour se lamenter sur son sort fut écoulé, selon ses estimations, la jeune femme se pencha de nouveau au-dessus de l’ouverture et tenta sa chance :

« Allons, mon garçon. Il est temps de venir discuter un peu avec nous. Rassure-toi : nous allons parler un peu. »

De toute façon, il savait qu’il n’avait pas le choix. Contre une Templière sûre d’elle et un mage terriblement efficace, il n’avait pas la moindre chance d’en sortir vivant ; s’il n’était pas aussi stupide qu’il en avait l’air, il comprendrait assez vite que d’autres Templiers devaient se trouver dans les parages, et qu’ils finiraient par venir d’un moment à l’autre. Le garçon avait toutes les cartes en main.
Comme Clothilde s’y attendait – ou plutôt, comme elle l’espérait –, le gamin empoigna les barreaux de l’échelle et commença à grimper en hoquetant. À côté de la jeune femme, sa mère éclata en sanglots dans son tablier. Clothilde espérait que les parents ne causeraient pas de souci. Bien souvent, les angoisses de la famille poussaient les jeunes mages à implorer la pitié, puis à refuser tout à fait de partir. Si père et mère se montraient forts, en revanche, les enfants s’obligeaient à ravaler leurs larmes pour se hisser à la hauteur de leurs attentes. La suite se déroulait alors bien plus sereinement.
Posant une main rassurante sur l’épaule de la grosse femme, la Templière lui adressa un regard qu’elle espérait apaisant.

« Gardez espoir. Votre fils a une chance de devenir quelqu’un d’important, quelqu’un de bien. Sous la houlette d’un mage tel que Louis de Ghislain…
Louis de… »

Le nom ne lui était pas inconnu, évidemment. La femme ouvrit de grands yeux en observant le mage toujours accroupi près du trou. Bientôt, la tête de son énorme fils apparut, suivie de son énorme corps, et il s’extirpa hors du garde-manger d’un air penaud. La paysanne jeta un regard en biais à la Templière. Avec un nouveau soupir, Clothilde désigna la porte du menton.

« Et si on allait s’installer à côté, pour discuter calmement, maintenant ? »

Comme leurs hôtes, un peu décontenancés par la tournure des évènements, tardaient à prendre les devants, la jeune femme passa sous leur nez pour les précéder dans la cuisine. L’endroit n’était pas aussi bien équipé, ni aussi moderne que Montsimmard, mais elle trouva une bouilloire, de l’eau et des feuilles de thé. Quelques minutes plus tard, un long sifflement aigu jaillissait du bec du récipient accroché à la crémaillère, dans la cheminée.
Les paysans avaient pris place sur le même banc, d’un côté de la longue table de ferme. Durant une seconde, Clothilde se demanda comment la simple planche de bois réussissait à supporter leurs poids additionnés. Elle préféra oublier ses interrogations pour le moment – elle en rirait probablement plus tard, avec Louis, loin des oreilles vertueuses de leur nouvelle recrue. Versant l’eau brûlante dans une théière, elle s’affaira pour trouver de quoi réchauffer les cœurs de leurs hôtes, avant de se lancer dans le vif du sujet.

« Bien, maintenant que nous sommes tous attablés, si nous discutions un peu de ton avenir, jeune homme ? »

Elle adressa un regard appuyé à l’adolescent, dont les yeux rougis et gonflés s’embuaient encore de larmes.

« La magie n’est pas une tare, dit-elle, allant à l’encontre de ce qu’elle pensait réellement à ce sujet. Mais refuser d’apprendre à la contrôler est ou très présomptueux, ou très stupide. Dans les deux cas, le résultat peut s’avérer désastreux. Vu d’ici, je sais parfaitement à quoi ressemble le Cercle : une prison, où les Templiers s’amusent à torturer les mages, à les maltraiter à longueur de temps, sans jamais aucune possibilité de sortir. Ceci n’est pas la vérité. Le Cercle est un endroit où tu pourras apprendre à maîtriser ton pouvoir, sans craindre les fourches ni le feu, sans risquer d’attirer à toi les démons. L’enchanteur qui m’accompagne sait parfaitement contrôler sa magie, et regarde-le : il est là, avec moi, sans la moindre entrave. Je suis là pour le protéger et veiller à ce qu’il rentre sain et sauf à la tour. Voilà ce que peut devenir ta vie. »

Elle inclina la tête, l’incitant à donner son point de vue. Il arguerait peut-être que Louis n’était pas libre d’aller et venir à sa guise – ce qui était vrai, mais vivre ainsi était mieux que mourir bien trop jeune. La Templière tourna le regard vers son compagnon. Ah, si tous les mages avaient pu ressembler un tant soit peu à Louis de Ghislain !
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MessageSujet: Re: Joindre l'utile à l'agréable Joindre l'utile à l'agréable EmptySam 29 Aoû 2015 - 17:59

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Je regarde ces gueux mouiller leur bouche lippue, en entendant (à nouveau) mon nom; je regarde leur fils, qu'ils ont puni, très probablement battu et molesté, parce qu'il était mage; ce fils qu'ils ont eu peur que nous découvrions.

Leurs petits yeux chafouins passent de moi à Clothilde avec avidité; ils n'ont pas encore eu un seul regard pour leur fils qui pleure, un seul mot à son égard. Ils calculent ce que nous sommes prêts à donner pour emmener leur mioche, et la femelle se force à chialer une larme aussi fausse que pathétique. Le père reprend confiance; il n'a visiblement plus peur que nous les exécutions tous pour le "crime" de son fils.

Mon regard se durcit à leur attention, pendant que Clo prépare une bouilloire d'un thé qui a visiblement pris l'humidité depuis longtemps. Un silence pesant tombe sur la pièce.
La femme fait mine de prendre la parole
"Mais not'fils..."Votre victime, oui? demande-je, d'un ton rien moins qu'amène.
Ça lui cloue le bec, elle pique du nez. Le garçon se tient, penaud, entre ses deux parents. De grosses larmes tracent des sillons sur ses joues, mais il garde obstinément la tête baissée, même si je sens ses regards à la dérobade. Je joue distraitement avec le scapulaire que j'ai récupéré, et ne quitte pas mes gorets des yeux.
Mon nom, et mon statut de mage, ont l'air d'inspirer plus de respect (ou de peur) à ces pouilleux que l'armure de Clothilde. Pauvres pécores inconscients! Mage, c'est une nature. Templier, un sacerdoce, un choix de vie. Pour ça, on peut être admiratif. Admire-t-on un homme parce qu'il a les yeux bruns, ou les cheveux bouclés?
Je laisse le silence se prolonger, fixant le père d'un air sévère, désignant d'un signe de tête imperceptible son fils lorsqu'il lève les yeux sur moi. Il se dépêche de s'intéresser à la couture de sa tunique, subitement passionnante.
En voilà deux qui ne risquent pas de moufter pour laisser leur progéniture partir avec nous, sinon ils vont entendre parler du pays...

Enfin, Clothilde a fini sa popotte, et verse son breuvage dans des brocs qu'elle pose devant nous. Elle s'assied, dans un grand bruit de casserole -décidément, il va falloir qu'on réajuste son armure avant de rentrer- et prend la parole.
Son exposé est limpide, sans artifices, et parle à l'intelligence du jeune homme. C'est un pari risqué, vu l'intelligence de mollusque qu'il a démontré jusque là, me dis-je intérieurement en souriant. C'est Clothilde: franche, droite, directe.

La mère prétend intervenir encore une fois pendant que Clothilde parle du Cercle, des fourches et des démons. Mais elle s'abstient, probablement à la vue du ciel d'orage qui passe sur ma figure.
Clothilde ment. Bien, mais elle ment. C'est un pieux mensonge, c'est vrai, de nature à faciliter la transition, et je ne le dénoncerai pas, mais si le petit me demande ce qu'il en est, je ne lui cacherai pas non plus la vérité.

Le garçon sort de son mutisme, d'abord avec timidité, puis plus facilement.
"Mais, je veux pas être mage, moi. J'ai prié le Créateur, j'ai rien fait pour mériter ça..." Il se tourne vers moi, plein d'espoir "vous pouvez pas..." agite les doigts "faire ce que vous avez fait tout à l'heure, mais pour toujours?"  

La question, si elle ne me surprend pas, me fait de la peine. Presque tous les révélés souhaiteraient n'avoir pas le don, alors que c'est une chance immense. Je le regarde bien en face, dans les yeux, et répond d'une voix douce Malheureusement, non, mon garçon. La magie fait partie de toi, comme ton cœur ou tes poumons. Il n'existe qu'une solution si tu veux t'en débarrasser: te mutiler l'esprit, devenir un Apaisé, renoncer à tout sentiment.
Tu ne sera jamais un homme commun, comme ton père, quoi qu'il arrive. Mais tu peux devenir véritablement hors du commun, en apprenant à te servir de ton esprit aussi bien que de tes mains.


Je fais une pause, un petit effet dramatique pour laisser mes mots porter, et tout est gâché par une grosse voix qui accompagne de lourds tambourinements à la porte
"Ouvrez, au nom de la Chantrie! Je suis le Templier Jebbard, je vous ordonne d'ouvrir cette foutue porte!"
Une sensation étrange m'envahit, à mi-chemin entre l'envie d'étrangler ce gros bourri, et celle de lui sauter dans les bras. L'arrivée d'un gros templier qui devra passer la porte de profil, armé d'un énorme coupe-cheval, devrait faire son petit effet sur les parents... espérons qu'elle ne terrorisera pas à nouveau notre petit poulain...
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MessageSujet: Re: Joindre l'utile à l'agréable Joindre l'utile à l'agréable EmptyJeu 3 Sep 2015 - 11:10

Joindre l’utile à l’agréable
Louis & Clothilde



Une colère froide sourdait dans les paroles cinglantes de Louis. Clothilde ne lui avait encore jamais connu ce ton revêche. Surprise, la jeune femme tourna un regard inquisiteur vers le mage, haussant les sourcils comme pour l’interroger en silence. Il ne tolérait visiblement pas le traitement que ces gens faisaient subir à leurs enfants. Hélas, cette pratique était courante – navrante, mais ô combien coutumière. Les gueux, ainsi que bon nombre de profanes, craignaient la magie et ceux qui la pratiquaient, les regardant comme s’ils pouvaient exploser d’une minute à l’autre. Le scapulaire n’était qu’un moyen parmi d’autres d’expier ce qu’ils considèrent comme un péché. C’était aussi le meilleur pour effrayer un adolescent et lui faire redouter tant son pouvoir que le Cercle, la Chantrie et les Templiers.
Et voilà que le garçon osait enfin s’exprimer, et affirmer une platitude maintes fois entendue. Personne ne souhaitait être mage. À moins de vivre à Minrathie, la magie restait un tabou avec lequel on préférait ne rien avoir à faire. Les parents du gamin ne dérogeaient pas à la règle : quand on avait un déviant dans la famille, la honte nous poussait à le cacher et à prier le Créateur pour que personne ne s’en aperçoive jamais. Mais le secret ne pouvait être gardé indéfiniment. Il suffisait d’un évènement inattendu, d’une rencontre fortuite, et tout le mystère se retrouvait éventé. Qui aurait pu croire qu’un Templier et un mage du Cercle allaient justement passer dans cette maison ce soir-là ? Le Créateur ne désirait pas le secret, ni le danger. Il voulait simplement l’ordre et la sécurité pour tous Ses enfants.
À la seule mention du mot « Apaisé », le garçon au visage porçin tressaillit d’effroi, la mère fondit en larmes et le père pâlit dangereusement. Durant un instant, Clothilde se demanda comment elle allait faire pour soutenir une telle masse si jamais elle tournait de l’œil, mais il tint bon, les deux mains accrochées à la table. Au moins, ils n’étaient pas tout à fait ignares. Ils avaient entendu parler des Apaisés ; ceux-ci effrayaient presque plus que la tour ou les Templiers eux-mêmes. Parfait. De toute façon, l’adolescent est déjà âgé. Sa Confrontation ne tardera pas, et il doit d’ores et déjà savoir quelles sont les options qui l’attendent.

La porte sauta soudain sur ses gonds, et tout le monde eut le même mouvement de stupéfaction, renversant à moitié les brocs de thé sur la table. La voix tonitruante de Jebbard retentit. Le colosse avait dû trouver le temps long et l’absence du mage et de la Templière inquiétante. Si jamais il n’obtenait pas de réponse de sa collègue dans la seconde, la porte allait voler à travers la pièce. Louis risquait de passer un mauvais quart d’heure si le Templier le soupçonnait d’avoir cherché à fuir, ou de soudoyer la jeune femme… ou, pire, s’il devinait ce qui s’était passé entre eux.
Clothilde bondit sur ses pieds et se dirigea vers la porte, qu’elle ouvrit sans attendre. Jebbard se tenait dans l’encadrement, le poing levé, prêt à tambouriner une nouvelle fois. Son visage exprima une surprise presque comique lorsqu’il aperçut sa collègue, comme s’il ne s’était pas du tout attendu à la trouver là.

« Tout va bien, dit-elle d’une voix calme. Désolée pour le retard.
Par le Créateur, mais qu’est-ce qui se passe ? grogna Jebbard, à moitié embarrassé par l’inutilité de son emportement. Vous deviez revenir vite.
Nous avons trouvé un révélé.
Déjà ? »

Clothilde avait baissé le ton pour ne pas inquiéter inutilement la famille déjà terrorisée, et surtout pour garder le jeune mage sous contrôle. Jeb avait beau être l’un des Templiers les plus compréhensifs du Cercle, sa carrure, son tempérament et l’énorme épée qu’il portait sur le dos incitaient à croire le contraire. Leur nouvel ami risquait de vite perdre son sang-froid si le colosse ne modérait pas un peu son ardeur.

« Sourire, patience, persuasion », lui rappela-t-elle dans un murmure.

Se tournant de nouveau vers la famille tétanisée, Clothilde leur adressa un sourire qu’elle espérait rassurant et fit les présentations. Jebbard resta sur le seuil de la porte, son regard aigu rivé sur le garçon qui tentait de disparaître entre ses deux parents. Il finit par leur servir son plus beau sourire – qui arracha à la mère un couinement de souris terrorisée.
Clothilde ne regagna pas sa place. Les deux mains posées sur la table, elle se pencha vers le jeune mage et inclina la tête.

« Nous ne pourrons pas te laisser ici, à présent que nous savons, exposa-t-elle. Le choix t’appartient désormais ; il est cruel mais nécessaire. Tout ce que tu découvriras au Cercle sera différent de ce que tu connais ici, mais tu apprendras beaucoup de choses, et surtout comment contrôler ce pouvoir qui t’effraie pour le moment. Nous te laisserons le temps de faire tes adieux à tes parents et de rassembler tes affaires. »

Un regard vers la minuscule fenêtre de la cuisine lui apprit que la nuit était déjà tombée. Faire dormir le gamin dehors pour sa première soirée n’était pas la meilleure façon de le mettre en confiance.

« Si tes parents acceptent de nous loger pour la nuit, nous pourrons même dormir ici, conclut-elle. Nous partirons demain matin pour Montsimmard. Tu auras tout le temps de nous presser de questions demain. »

Elle le gratifia d’un sourire et d’un regard avenant qui, elle l’espérait, ferait fondre ses dernières réticences. De toute façon, il n’avait pas le choix : il irait à la tour d’une façon ou d’une autre. Clothilde préférait que ce soit de la meilleure des deux.

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MessageSujet: Re: Joindre l'utile à l'agréable Joindre l'utile à l'agréable EmptyMer 14 Oct 2015 - 9:51

Joindre l’utile à l’agréable
Louis & Clothilde





Nous avons fait bonne route sur le retour, et voici une semaine que Gidéon est entré à la Tour. Pour l’instant, sa seule disposition notable concerne sa capacité d’engloutissement de nourriture. Les elfes affamés du Bas Cloître qui arrivent ici mangent moins que lui ; on croirait presque qu’il a manqué pendant toutes ces années, sans son surpoids qui dément absolument l’idée.

Il a été assez délicat d’expliquer à Jebbard que les « traces de lutte » qu’il a cru relever dans le champ n’en étaient pas ; on a inventé une histoire minable de soupçons sur la ferme et ses habitants, et de planque sous couverture, tout un tissu de mensonges qu’il n’a cru que par bonne volonté.
Il m’a d’ailleurs lourdement fait remarquer, sur le trajet du retour, que ma sympathie pour les Templiers était vraiment extraordinaire, presque une passion, un amour pour la cause ? Il m’a charrié sur le fait  que je devrais demander à porter l’armure, et mille autres blagues vaseuses. S’il n’a pas compris,  il doit soupçonner au moins une tendre amitié.  Lui et Ben sont assez indifférents, je pense, au fait que nous soyons mutuellement attirés avec Clothilde ; ils seraient peut-être moins bienveillants s’ils savaient que nous avons consommé cette attirance.

La soirée chez les parents de Gidéon a été pour le moins tendue. Personne ne pipait mot, les parents, partagés entre la crainte et le désespoir de devoir nous nourrir gratuitement ; Gidéon, tétanisé à l’idée de ce qui l’attendait ; mes camarades, ne sachant trop que dire, et moi, muré dans une forme de colère que je ne me connaissais pas jusque là. Il va falloir que je travaille mon ressentiment à l’égard des proches des mages. Après tout, c’est la peur qui les guide le plus souvent, et l’obscurantisme, pour méprisable qu’il soit, ne devrait pas nous pousser à mépriser les gens de peu.

Clothilde s’est montrée distante sur le chemin du retour, et moi, disons, discret. Il était trop risqué de laisser transparaître quoi que ce soit devant ce petit con de Gidéon. Il a essayé de s’enfuir, une fois, à la veillée. Je lui ai remis les idées en place, avant que Ben ne s’en occupe. « Dernière chance d’avancer debout et conscient » , lui ai-je rappelé. Il serait trop heureux de nous jouer un tour de cochon à son arrivée, ou trop bête pour retenir une parole malheureuse.


En voilà bien un que je n’ai aucune envie de chapeauter. Notre seul point commun est la magie ; à part ça, il est avare et jaloux, envieux, stupide et goinfre. Et raciste avec les elfes. Je ris encore de l’accueil que Rosélie a fait à sa remarque sur les « animaux » accueillis à la Tour. Depuis, il se gratte mystérieusement en continu ; son lit sent l’urine tous les matins, et il a un truc rose collé sur la joue depuis trois jours.

Bref, ma belle amie et moi avons du taire nos sentiments, mais avons été chaudement félicité pour la réussite de ce test. Jebbard a confirmé devant Cousland que selon lui, les parents et le gamin n’auraient pas accepté la séparation sans une effusion de sang. Et lorsqu’on a raconté l’attaque que Clothilde et moi avons essuyée, le Premier Enchanteur s’est ouvertement félicité d’avoir évité que des innocents ne meurent encore une fois. Nous avons formellement l’autorisation de prolonger l’expérience, ce que nous préparons déjà.

Et puis, hier soir, j’ai réussi à manœuvrer pour inviter Clothilde à nous retrouver, en tête à tête, officiellement pour planifier nos prochaines actions. Il faut avouer pourtant que la réunion a été plutôt improductive, et que tous les sujets importants dont nous devions parler se son envolés lorsque nous nous sommes retrouvés.
Avoir quelques temps loin des regards indiscrets et des oreilles trainantes nous a fait du bien. Il est très pesant de vivre ainsi dissimulé, et il est parfois un peu pénible de ne jamais avoir d’intimité ;  mais en fait, l’abstinence n’est pas si douloureuse… Il y a mille façons d’aimer, et le contact charnel, pour plaisant qu’il soit, n’en est qu’une.  Un baiser volé, un mot doux susurré,  un petit mot équivoque, une attention charmante, autant de moyens de se manifester notre amour sans l’étaler au grand jour.

A mon sens, l’indice le plus flagrant de ce qui se passe est que ni elle, ni moi, n’avons plus eu d’aventures depuis plusieurs semaines. Nous sommes pourtant tous les deux plutôt… réputés pour le nombre de nos prétendants, et pour avoir régulièrement des amourettes sans lendemain. Il est également de notoriété publique que ma conception du couple est assez libre.  
Mais depuis quelques temps, m’a-t-on fait remarquer, même les belles jeunes filles qui se pâment dans mes bras ne m’intéressent plus. Mes amis s’en sont même inquiétés. Il a fallu mentir, encore. Trop de tracas en ce moment, la lassitude, la tension au Cercle …

A ce propos, nous avons quitté une Tour tendue, et avons retrouvé une véritable guerre de tranchée. Les choses se sont détériorées à toute allure au Cercle, et il devient urgent de faire quelque chose. Clothilde m’a confié avoir déjà parlé à « quelques mages », et Hélène, d’habitude si secrète, s’est littéralement jetée sur moi, me hurlant sa crainte au visage. Un truc du genre « Ho, Louis, tu es rentré. Bien. Ca détendra peut-être un peu nos camarades. Bonne journée. »

J’en suis resté traumatisé devant cette explosion d’extraversion chez mon amie…  Du coup, j’ai commencé à  discuter avec mes petits camarades, et effectivement l’ambiance est tendue.  Il faut que j’en parle à Clothilde, pour qu’elle se renseigne du côté des Templiers. J’hésite un peu à aller voir directement Kahrs pour en parler avec lui, ou Cousland, mais je ne veux pas non plus passer pour un traitre.  
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